
L'ancien porte-drapeau de la French Tech, l'opérateur de réseau bas débit pour l'internet des objets Sigfox, a annoncé le 26 janvier son placement en redressement judiciaire. La procédure, ouverte par le tribunal de commerce de Toulouse, concerne à la fois le groupe et la filiale française. Elle est assortie d'une période d'observation de six mois pendant laquelle la société essaiera de trouver un acquéreur. 350 emplois sont en jeu à Labège, en Haute-Garonne, et dans le reste du monde (Boston, Dallas, Dubaï, Madrid, Paris, Sao Paulo, Singapour et Tokyo).
Dans un communiqué, Sigfox explique que le Covid-19 "a ralenti l'activité sur les deux dernières années" et qu'elle a également subi l'impact de la pénurie de semi-conducteurs, ce qui aurait "lourdement pesé sur la situation financière de l'entreprise et en particulier sur son niveau d'endettement".
Une dette devenue insoutenable
La société est en difficultés depuis 18 mois. En septembre 2020, elle avait déjà mis en place un plan de licenciement. Elle s'était séparée de 10% de ses effectifs. Puis son PDG et cofondateur, Ludovic Le Moan, contesté pour son management et sa gestion, avait été remplacé en février 2021 par Jeremy Prince, en même temps que Sigfox pivotait vers un nouveau modèle économique, non plus tourné vers l'infrastructure télécom mais vers les services liés à l'internet des objets (IoT).
Si l'entreprise ne trouve pas de repreneur, les salariés regretteront longtemps que son ancien dirigeant ait refusé une offre à 1 milliard d'euros en 2018, si ce que Ludovic Le Moan évoque dans La Dépêche est exact. Anne Lauvergeon, qui n'en est pas à sa première expérience malheureuse, est quant à elle toujours présidente du conseil d'administration de Sigfox.
Malheureusement, après avoir cédé en 2020 son réseau en Allemagne, Sigfox n'a pas réussi à vendre en 2021 comme elle l'espérait ses réseaux en France et aux États-Unis, les deux seuls qu'elle opérait encore en propre (ailleurs, la société était partenaire d'autres opérateurs). Problème, l'entreprise avait besoin de ces fonds pour mettre en place sa nouvelle stratégie et pour subvenir à ses besoins immédiats. Selon Chris O'Brien du French Tech Journal, la société a cumulé 155 millions d'euros de dette auprès de ses créanciers et fait face à des charges qu'elle ne peut pas honorer. Dans ces conditions, un placement en redressement judiciaire sert à restructurer la dette et à suspendre les échéances de paiement, le temps de trouver, s'il y a lieu, un moyen de pérenniser l'activité.
Un Pivot raté
Sigfox avait pourtant levé beaucoup d'argent. Environ 280 millions d'euros en tout, auprès d'un grand nombre d'investisseurs, dont des opérateurs télécoms (Telefonica, NTT, SK Telecom), des fonds, ou encore Salesforce. Auprès de la BPI, également, et elle avait reçu des financements du programme d'investissement d'avenir. Son plus gros tour de table, de 150 millions d'euros en 2016, représentait à l'époque le record de la French Tech et avait fait de la start-up un symbole tricolore. Mais depuis, plus rien.
Or, la start-up n'a jamais été rentable et sa croissance stagnait depuis plusieurs années : un chiffre d'affaires de 50 millions d'euros en 2017, puis 60 millions en 2018 et 2019, et retombé à 25 millions en 2020. Ce chiffre d'affaires provient des abonnements pour la connectivité des objets, à quelques euros par an et par objet selon Challenges, qui indique que l'entreprise tirait 80% de ses revenus de la vente d'équipements.
Les fonds levés ont été engloutis pour construire l'infrastructure du réseau, tout cela pour pivoter au final vers cette nouvelle stratégie centrée sur les services et l'accompagnement des entreprises dans l'IoT. Le but était de fournir des services de géolocalisation des objets connectés, par exemple pour améliorer les flux logistiques et postaux (parmi les clients, DHL et Austrian Post) ou retrouver des véhicules volés (solution utilisée par Coyote), et de collecte et d'analyse des données dans le cloud. La start-up avait notamment conclu plusieurs partenariats avec Google dans le cloud et l'edge IA.
le pari perdant de la technologie propriétaire
Les difficultés de Sigfox vont en réalité bien au-delà de la crise sanitaire et de la pénurie de semi-conducteurs. D'une part, le marché de l'IoT ne s'est pas développé aussi vite que prévu. Venture Beat rappelle qu'en 2015, Gartner tablait sur 25 milliards d'objets connectés en 2020, alors qu'une estimation plus récente ramenait ce chiffre à 5,8 milliards. Aujourd'hui, Sigfox connecte 20 millions d'objets dans 75 pays, alors qu'elle s'était donné un temps pour objectif d'atteindre le milliard en 2023.
D'autre part, d'autres technologies ont pris l'ascendant sur le protocole et les équipements propriétaires de Sigfox : LoRa, qui est comme Sigfox une technologie radio bas débit et basse consommation, et le NB-IoT, le standard utilisant les réseaux cellulaires développé par les opérateurs historiques. Sans parler des perspectives de la 5G. LoRa a l'avantage d'être open source et permet de déployer des réseaux privés sans passer par l'intermédiaire d'un opérateur.
En France, cette solution a notamment été privilégiée par Orange et Bouygues Telecom, tandis que la Freebox embarque la technologie Sigfox pour un usage domotique. Selon IoT Analytics, Sigfox ne détiendrait plus que 3% de part de marché sur le parc IoT installé, loin derrière LoRa et NB-IoT. Dans ce contexte, le futur repreneur ne devrait pas donner cher de la peau Sigfox.
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