C’est un moment « historique » pour la régulation du numérique : le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, ne cache pas sa satisfaction d’avoir bouclé, samedi 23 avril, à Bruxelles, après seize heures de négociation, un accord politique sur le règlement européen Digital Services Act (DSA). Adopté un mois après le Digital Markets Act, un texte « économique » destiné à imposer aux plates-formes dominantes le respect de leurs concurrents, le DSA vise, lui, à réduire les risques pour la « société », en imposant des devoirs aux réseaux sociaux comme Facebook, Instagram, Twitter ou TikTok et aux places de marché de vente en ligne comme Amazon ou Leboncoin. « Ces textes sont deux faces d’une même pièce », estime M. Breton. Le DSA devrait entrer en vigueur début 2023.
Ce règlement est aussi une victoire politique pour la France, qui espérait obtenir un accord avant la fin de sa présidence du Conseil de l’Union européenne (UE) prévue mi-juin.
Ces auteurs ambitionnent de mettre à jour, « pour les vingt années à venir », la régulation du Web, en vigueur en Europe depuis la directive sur le commerce électronique, adoptée en l’an 2000, quand Facebook n’existait pas et Amazon venait à peine d’ouvrir en France. En effet, pour certains, ce texte fondateur a laissé trop de liberté aux géants du numérique, car il exonère les hébergeurs de responsabilités pour les contenus postés par des tiers, tant qu’on ne leur a pas notifié.
Mais, rétorquent d’autres, rendre responsables les plates-formes ou les forcer à retirer sous vingt-quatre heures les contenus problématiques mettrait en danger la liberté d’expression et engendrerait une censure excessive – la proposition de loi de la députée (LRM) Laetitia Avia a été rejetée en 2019 par le Conseil constitutionnel pour ce motif.
Pour résoudre ce dilemme, le nouveau règlement européen impose des « obligations de moyens et de transparence » aux grands services. Comme les banques, ceux-ci seront tenus de mener périodiquement des « évaluations des risques », puis de proposer des mesures. Les domaines visés pour l’heure sont la lutte contre les contenus illégaux (incitations à la haine, produits dangereux ou contrefaits…), les atteintes aux processus électoraux (désinformation…), les atteintes à la liberté d’expression (afin d’éviter la surcensure) et les atteintes aux mineurs et à leur santé mentale. Tous sont liés à la charte des droits humains.
« Compensation » pour le consommateur lésé
Les grandes plates-formes ont déjà des politiques de modération des contenus, mais, désormais, les moyens alloués et les résultats seront évalués par la Commission européenne. Celle-ci pourra leur infliger des amendes allant jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires, voire les interdire dans l’UE.
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