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Rachat de Twitter par Elon Musk : pourquoi la « liberté d'expression » défendue par le milliardaire inquiète - Le Monde

Elon Musk, président-directeur général de la société SpaceX et directeur général de Tesla, le 6 avril 2022.

Au lendemain de l’annonce du rachat de Twitter par Elon Musk, lundi 25 avril, le clivage politique est net face à la volonté affichée par le milliardaire de faire du réseau social « une arène ouverte pour la liberté d’expression » en relâchant ses règles de modération. Sans surprise, l’annonce ravit la droite conservatrice américaine, qui reproche régulièrement aux entreprises de la Silicon Valley de favoriser les démocrates. Le sénateur républicain Jim Jordan, par exemple, a salué « le retour de la liberté d’expression » sur la plate-forme, tandis que la sénatrice du Tennessee, Marsha Blackburn, connue pour ses positions conservatrices, a déclaré qu’il s’agissait d’un « grand jour pour être conservateur sur Twitter » et qu’il était « temps que Twitter devienne ce qu’il est censé être : une plate-forme numérique ouverte à toutes les opinions ».

En France aussi, certains se réjouissent de l’événement, particulièrement à l’extrême droite. « Le rachat de Twitter par Elon Musk : une très bonne nouvelle pour la liberté d’expression ! Stop censure, on suffoque ! Vive la liberté ! », a par exemple écrit Florian Philippot, président des Patriotes et ancien bras droit de Marine Le Pen.

Réactions épidermiques

A l’opposé du spectre politique, pourtant, on s’inquiète de ce culte d’une liberté d’expression absolue défendue par le nouveau patron de Twitter, à rebours des efforts menés depuis plusieurs années par la plate-forme pour améliorer la modération des contenus haineux. La sénatrice démocrate Elizabeth Warren a immédiatement mis en garde contre un « accord dangereux pour notre démocratie ». Dans l’Union européenne, le commissaire responsable du marché intérieur, Thierry Breton, a prévenu que le réseau social « devrait s’adapter totalement aux règles européennes », tandis que le secrétaire d’Etat chargé de la transition numérique en France, Cédric O, a tenu à rappeler que « le Digital Services Act – et donc l’obligation de lutter contre la désinformation, la haine en ligne, etc. – s’applique[rait] quelle que soit l’idéologie » du propriétaire de Twitter.

Si la capture de l’oiseau bleu par Elon Musk provoque des réactions aussi contrastées, c’est que le patron de SpaceX et de Tesla a démontré par le passé qu’il avait une conception très personnelle de la liberté d’expression : supportant mal la critique, sa volonté de faire taire les voix discordantes s’est parfois illustrée de la façon la plus puérile.

En juillet 2018, il qualifiait sans aucune raison de « pédophile » un Britannique ayant participé au sauvetage d’enfants piégés dans une grotte en Thaïlande. Seul tort de l’intéressé : avoir qualifié de « coup marketing » l’offre faite par Elon Musk de contribuer à l’opération en prêtant un sous-marin de poche. La même année, mécontent des analyses financières critiques au sujet de Tesla qu’un blogueur postait sur Internet, M. Musk décrochait lui-même son téléphone pour se plaindre directement auprès de l’entreprise qui employait l’internaute. Deux ans plus tôt, c’est un autre blogueur qui faisait les frais du courroux de l’homme d’affaires : parce qu’il avait publié en ligne une critique acerbe d’un événement organisé par Tesla, ce dernier avait vu sa commande de véhicule purement et simplement annulée.

A ces épisodes, qui illustrent la dimension égotique de la personnalité d’Elon Musk, s’ajoutent plusieurs événements montrant que le milliardaire goûte peu les contre-pouvoirs. A commencer par les syndicats, envers lesquels il n’a jamais caché son hostilité. « Pourquoi payer des cotisations syndicales et abandonner des stock-options pour rien ? », avait-il ainsi un jour tweeté, alors qu’au même moment un employé de Tesla qui tentait de mettre sur pied un syndicat s’était fait licencier.

Censure à géométrie variable

Elon Musk a aussi nourri une relation plus que houleuse avec les médias dont la couverture de son entreprise automobile lui déplaisait. Sur son compte Twitter, en 2018, il n’a pas hésité à multiplier les messages très hostiles à l’encontre d’une journaliste de Business Insider, qui avait enquêté sur Tesla, tandis que des médias comme Reuters ou CNBC ont fait l’objet de sa colère publique. Toujours sur son compte Twitter, M. Musk a longuement détaillé sa défiance et sa réprobation vis-à-vis des médias traditionnels, caressant même l’idée de créer un service de notation des médias et des journalistes. Le plan initial était d’appeler cette structure « Pravda », du nom du journal officiel du Parti communiste sous l’Union soviétique. Elon Musk étant extrêmement suivi par une foule de fans en adoration, chacune de ses critiques était amplifiée et démultipliée, occasionnant d’importantes vagues de harcèlement visant spécifiquement les femmes journalistes, nombreuses à désormais s’autocensurer lorsqu’il s’agit de couvrir Tesla ou Elon Musk.

La culture de la liberté d’expression façon Musk semble par ailleurs savoir cohabiter avec une certaine dose de la censure qu’elle prétend pourtant combattre, dès lors qu’elle sert les intérêts de ses entreprises. En 2021, selon l’agence de presse Bloomberg, sa société Tesla n’a ainsi pas hésité à se rapprocher des autorités chinoises afin de se plaindre des attaques à ses yeux injustifiées dont elle faisait l’objet sur les réseaux sociaux du pays, demandant que Pékin intercède en sa faveur et bloque certains de ces messages. La Chine représente en effet le deuxième marché, après les Etats-Unis, pour le constructeur d’automobiles électriques.

Combinée à ses blagues graveleuses et ses prises de position très politiquement marquées, que ce soit au sujet d’un prétendu « virus woke » ou de la pandémie de Covid-19 – dont il qualifiait la panique en découlant de « stupide » –, cette mosaïque d’éléments explique pourquoi l’arrivée d’Elon Musk à la tête de Twitter ne fait pas l’unanimité. Sauf, peut-être, sur les nombreuses chaînes Telegram de la « complosphère », où l’on célèbre un homme qui « s’apprête à rendre la liberté d’expression à des millions de gens », commentant la nouvelle par ces mots : « Bonne nouvelle : On va pouvoir retourner sur Twitter. »

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