
Devant les actionnaires d' EDF réunis en Assemblée générale ce jeudi, le patron de l'énergéticien public, Jean-Bernard Levy, est revenu à la charge contre les choix de l'Etat actionnaire. En particulier, celui, très controversé, d'augmenter les volumes d'électricité nucléaire vendus à bas prix dans le cadre du mécanisme « Arenh ». Prise au coeur de la crise et contre l'avis d'EDF, elle a permis de financer le bouclier tarifaire et de contenir en partie la flambée des prix de l'électricité.
« Je viens d'adresser à l'Etat un recours gracieux pour en demander le retrait, tant le prix que les conditions de ces attributions nous pénalisent considérablement », a déclaré le PDG d'EDF devant ses actionnaires. Pour mémoire, cette mesure, associé au gel des tarifs de l'électricité décidée par les pouvoirs publics a coûté environ 8 milliards d'euros d'excédent brut d'exploitation à EDF, selon ses estimations, en 2022 .
Répondre à la colère des actionnaires et des syndicats
Si l'énergéticien avait critiqué vigoureusement cette mesure « imposée » par les pouvoirs publics en début d'année et indiqué étudier « toute mesure de nature à protéger ses intérêts » , il a jusqu'ici évité d'engager un contentieux avec l'Etat, son premier actionnaire qui détient environ 84 % du capital du groupe.
Or, avec ce recours gracieux il franchit une étape qui pourrait l'amener devant les tribunaux. Cette procédure permet en effet de soumettre la demande d'annulation des volumes d'« Arenh » supplémentaires au gouvernement. Et, en cas de refus, de saisir les juridictions administratives compétentes. Par ailleurs, elle étend les délais offerts à EDF pour le faire.
Pour le groupe public, cette attitude belliqueuse vis-à-vis de son actionnaire marque un changement d'attitude. Si son concurrent Engie n'a pas hésité par le passé à contester les arbitrages tarifaires du gouvernement devant les tribunaux, EDF s'est toujours montré plus prudent en la matière.
Mais depuis plusieurs mois, EDF est pressé de réagir aux décisions de l'Etat que les syndicats et actionnaires dénoncent comme une « spoliation » de l'entreprise. De fait, son PDG est tenu de défendre l'intérêt social du groupe. Depuis début janvier, le cours de Bourse d'EDF a cédé près de 20 %. Et de nouvelles ponctions dans l'électricité nucléaire pour la vendre à prix décoté ne sont pas à exclure pour l'hiver prochain.
Des contentieux en cours à Bruxelles
« On aurait souhaité que l'entreprise défende plus tôt ses actionnaires, mais ce recours est un début. On espère que cela aboutira à une indemnisation de l'entreprise à hauteur du préjudice subit dans le cadre de la nationalisation du groupe notamment », fait valoir Martine Faure, qui préside le conseil d'administration des fonds communs de placement des salariés d'EDF.
De leur côté, les actionnaires salariés et les syndicats du groupe ont déjà engagé plusieurs contentieux sur ce sujet. Une procédure en référé a été déposée devant le Conseil d'Etat pour demander la suspension, puis l'annulation des volumes d'« Arenh » supplémentaires mis sur le marché par l'Etat. Pour l'instant, la suspension a été écartée mais le Conseil d'Etat doit encore rendre son jugement sur le fond.
Par ailleurs, une autre procédure a aussi été engagée devant la Commission européenne, au motif que la hausse des volumes d'électricité nucléaire vendus n'est pas conforme au droit européen puisqu'elle n'a pas fait l'objet d'une notification au préalable.
Avec ce recours gracieux, Jean-Bernard Levy répond à la colère de ses actionnaires, sans s'engager dans la voie contentieuse avec l'Etat. Un entre-deux qui lui permet de gagner du temps, en attendant de voir se matérialiser les projets de réforme du groupe, annoncés par Emmanuel Macron. «Nous attendons que notre pays se soit prononcé dans la séquence présidentielle puis législative, avant de relancer les réformes structurelles sur lesquelles nous ouvrirons un dialogue avec le gouvernement», a indiqué Jean-Bernard Levy, ce jeudi.
Corrosion : EDF détaille sa stratégie à l'ASN
L'énergéticien doit remettre ce vendredi le dossier détaillant sa stratégie de réparation des réacteurs touchés par le phénomène de corrosion sous contrainte à l'Autorité de sûreté nucléaire. L'ASN devra se prononcer sur les stratégies de réparation mais surtout sur le calendrier prévu par EDF. Celui-ci est crucial pour espérer passer l'hiver prochain sans coupure de courant. Compte tenu de ce problème inédit, près de la moitié du parc de réacteurs d'EDF est désormais à l'arrêt.
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