Dans cette Louisiane qui inspirait le « Sud » chanté par Nino Ferrer, il n’y a pas que du linge sur les terrasses, des enfants sur les pelouses, des chats, des tortues et des poissons rouges. Il y a aussi des puits de pétrole, des raffineries, des complexes pétrochimiques.
Et des usines de liquéfaction du gaz, qui aideront l’Europe – qui l’aident déjà – à se dégager de la dépendance au gaz russe. Et si cette substitution, au moins partielle, est possible, ce n’est pas parce que le président Joe Biden l’a décidé. Ses annonces, le 25 mars à Bruxelles, ont fait sourire les connaisseurs du marché, qui savent que ce sont les compagnies, toutes privées, qui décident d’exporter. Il se trouve que le gaz américain – comme le pétrole – est en plein boom et que des groupes comme TotalEnergies, Cheniere, NextDecade, trouvent, en Europe, des clients prêts à payer le GNL au prix fort, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années.
Le gaz et le pétrole au milieu de nulle part
Lorsqu’on longe la côte américaine depuis Houston jusqu’à l’usine de Cameron, dont TotalEnergies est actionnaire, en Louisiane, on s’expose à des contrastes surréalistes.
La toile de fond, ce sont des marais, à perte de vue. Dans ces bayous à demi déserts, les alligators dorment en paix, loin du bruit des pickups et des gros « trucks » (camions) qui sillonnent l’immensité du Texas, plus grand que la France, et de la Louisiane, qui fait cinq fois la Bretagne.
Les routes s’éternisent dans un entrelacs de terres, de lacs, de rivières, de roselières. Les prairies sont à peine grignotées par des magasins hétéroclites, des stations-service, des camps de caravanes, des églises, de petites usines, des habitations ingrates, souvent sur pilotis, parfois encore écorchées par le dernier ouragan. À bien y regarder, il y a deux catégories de maisons, en Louisiane : celles dont la toiture est détruite et celles dont la toiture vient d’être refaite.
Partout, le pétrole et le gaz s’imposent dans le paysage. Ici, c’est une pompe à pétrole, comme dans les films. Là, des canalisations, incongrues, qui sortent de terre dans un enclos grillagé. Au loin, dans les eaux du golfe du Mexique, les silhouettes des plateformes offshore ponctuent l’horizon.
Et, régulièrement, surgissant des marais, une forêt de tuyaux luisants, de cheminées et de réservoirs, où l’inox neuf le dispute parfois à la rouille plus ancienne. On peut être à Port Arthur, Galveston, Garyville, Baton Rouge, Beaumont. Ou au milieu de nulle part, le long de ce golfe du Mexique, devenu un eldorado des hydrocarbures.
À Calcasieu, les méthaniers entre les dauphins
À la lisière de la ville de Lake Charles, le Golden Nugget a un air d’hôtel de station balnéaire, avec sa piscine, son casino et sa plage sur la rivière. Mais les jet-skis y croisent plus de barges de charbon et de produits chimiques que de pédalos. Et à quelques centaines de mètres de là, lorsque le soleil se couche, les lumières qui brillent comme un sapin de Noël horizontal sont celles des raffineries.
Tout près, sur le paisible et immense lac Calcasieu, il n’y a pas que les chalutiers des pêcheurs de crevettes pour déranger les nombreux dauphins.
Tous les deux jours environ, des navires méthaniers de presque 300 mètres de long viennent à l’usine de Cameron LNG, sur ses berges, charger pour une centaine de millions de dollars de gaz naturel.
Chaque cargaison d’environ 150 000 m3, représentant l’équivalent de la consommation quotidienne de gaz de la France, repart entre quatre remorqueurs, sous l’œil flegmatique des pélicans.
Un essor fou après des décennies de déclin
Dans ces États du sud, il ne faut jamais longtemps pour que le pétrole et le gaz se rappellent à vous. Pourtant, s’ils ont fait la fortune d’un pays-continent né sur les champs de pétrole de Pennsylvanie, de Californie, d’Alaska, du Texas et des autres États du sud, puis des fonds marins du golfe du Mexique, les compagnies de « Big Oil » ne sont pas des amies fidèles.
La production pétrolière des États-Unis, longtemps la première au monde, a décliné après les années 1970 jusqu’à il y a peu.
Et celle des raffineries - également biberonnées au pétrole importé par l’unique terminal, louisianais, de Loop - a suivi la même tendance, laminant l’emploi au passage.
Le nombre de raffineries des États bordant la « Gulf Coast » (Texas, Louisiane, Mississippi, Alabama, Floride) est passé de 113 dans les années 1980 à 51 aujourd’hui. La Louisiane en a perdu une vingtaine à elle seule et, depuis 2014, « Big Oil » y a supprimé 25 000 postes.
Mais voilà qu’est survenue, à partir de 2007, la révolution du pétrole et du gaz de schiste. Une technique de production controversée, qui n’est pas récente (elle a été inventée au début du XXe siècle), mais a connu une optimisation fulgurante grâce à une nouvelle technique de forage horizontale et non verticale. Et grâce à elle, le pétrole « made in USA » bat tous ses records depuis quatre ans.
Quant au gaz, il explose. TotalEnergies mise sur ce nouveau filon, après avoir racheté une partie de l’activité d’Engie (ex GDF-Suez) il y a quatre ans.
TotalEnergies investit encore à Cameron LNG
TotalEnergies – qui possède une raffinerie à Port Arthur ainsi que des parts dans plusieurs champs de pétrole - mise plus que jamais sur les États-Unis. Il y investit à tours de bras dans le solaire, l’éolien en mer et dans ce nouvel eldorado américain : le gaz naturel liquéfié (GNL, ou LNG selon son sigle anglophone). Un gaz naturel identique à celui qu’on brûle pour se chauffer, mais qui est purifié et amené à la forme liquide par refroidissement extrême, pour pouvoir être exporté, par navire, dans le monde entier.
Le 11 avril, TotalEnergies et ses partenaires ont annoncé un accord signé pour un nouvel investissement, dans un quatrième « train » (bloc de liquéfaction du gaz) dans cette usine de Cameron LNG, qui en compte déjà trois.
De cette usine, TotalEnergies possède 16,6 %, comme les deux actionnaires japonais, Mitsui et Japan LNG Investment. Leur présence s’explique par la très forte dépendance au gaz de l’archipel nippon, dépourvu de ressources énergétiques. Le reste du capital, 50,2 % est détenu par le groupe américain Sempra.
Avec le quatrième « train » et des améliorations aux trois déjà existants, la capacité de production de Cameron LNG passera de 13,5 à 20 millions de tonnes de GNL par an.
L’usine produira alors l’équivalent d’un peu plus de la moitié de toute la consommation de gaz de la France, qui devra cependant batailler avec le reste du monde pour avoir sa part.
Une usine à 10 milliards de dollars
À Cameron LNG, où s’affairent 300 techniciens, les 10 milliards de dollars déjà investis se voient d’un coup d’œil : sur l’équivalent de 500 terrains de football, c’est une jungle rutilante de tuyaux, de réservoirs, de vannes, de compresseurs, d’échangeurs thermiques....
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