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Les ombres cimmériennes des divergences menacent à nouveau la zone euro - Boursorama

Philippe Trainar
Philippe Trainar
La sévère remontée des taux d'intérêt qui se profile ne pourra être absorbée sans secousses violentes par la zone euro que si les politiques budgétaires des membres de la zone convergent. (Crédits photo : Unsplash - Maryna Yazbeck )

La sévère remontée des taux d'intérêt qui se profile ne pourra être absorbée sans secousses violentes par la zone euro que si les politiques budgétaires des membres de la zone convergent. (Crédits photo : Unsplash - Maryna Yazbeck )

La hausse des taux d'intérêt en Europe et le contexte économique international peuvent-ils créer des distorsions entre les pays de la zone euro ? Oui, estime Philippe Trainar qui démontre l'impérieuse nécessité pour les membres de l'Eurogroupe de faire converger leurs politiques monétaires

Durant l'été, les banquiers centraux, tout particulièrement la Federal Reserve et la Banque Centrale Européenne, ont assez largement levé les incertitudes qui planaient sur les politiques monétaires. Si nous ne savons pas à quel niveau l'inflation va plafonner, avant de diminuer, nous savons maintenant que les banquiers centraux feront tout pour la ramener rapidement autour de 2% et qu'ils augmenteront autant qu'il le faudra les taux d'intérêt, « quoiqu'il en coûte » à l'activité. Confiant dans la détermination des banques centrales, les marchés financiers, comme les experts, ont révisé sensiblement à la baisse leurs anticipations d'inflation et d'activité pour 2023. La zone euro, et la France en particulier, échapperaient de justesse à la stagnation tandis que l'Allemagne et l'Italie seraient en récession.

La violente secousse financière que vient de connaître le Royaume-Uni nous rappelle que dans cet environnement, toute erreur de politique économique, notamment budgétaire, est quasi-immédiatement sanctionnée par une crise de confiance de nature à assécher la liquidité de l'économie et à faire sombrer la monnaie. Au Royaume-Uni, cela a abouti à une crise de l'Etat et des fonds de pension, qui a obligé la Banque d'Angleterre à intervenir à contre-temps sur les marchés, au risque de perdre sa crédibilité. Avis aux amateurs ! Tout gouvernement et tout banquier central doit garder présente à l'esprit la leçon anglaise de ces dernières semaines s'il ne veut pas prendre le risque d'être emporté dans la tourmente.

Le poids de la dette publique va continuer à augmenter

La zone euro est plus particulièrement exposée sachant que, contrairement au Royaume-Uni, les pays de ladite zone ne peuvent espérer un soutien du taux de change en cas d'erreur de politique budgétaire. Pis, les divergences qui étaient supportables pour les investisseurs lorsque les taux d'intérêt étaient bas, voire négatifs, vont devenir de plus en plus difficilement supportables au fur et à mesure que les taux d'intérêt vont remonter. En d'autres termes, la sévère remontée des taux d'intérêt qui se profile ne pourra être absorbée sans secousses violentes par la zone euro que si les politiques budgétaires des membres de la zone convergent, et cela plus rapidement que programmé initialement lorsque les hausses de taux anticipées restaient relativement modérées.

Mais, les prévisions ne sont guère rassurantes à cet égard. Sur la base des politiques budgétaires et sociales connues ou en cours de discussion, le FMI ne prévoit guère de progrès sensible en matière de convergence au sein de la zone euro pour les deux années à venir. Si l'écart de déficit public par rapport à l'Allemagne va diminuer en Grèce et en Italie, il va en revanche augmenter sensiblement pour l'Espagne et surtout pour la France, où il va quasiment doubler en 2023 par rapport à 2022 pour dépasser 3 points de PIB, et cela bien que les mesures de protection contre l'inflation y soient plus modestes qu'en Allemagne (60 milliards d'euros contre 200). Le poids de la dette publique va donc continuer à y augmenter en pourcentage du PIB alors qu'il va diminuer en Allemagne. La hausse des taux d'intérêt à venir exercera un effet de levier dangereux sur cette divergence de fond, sachant que le besoin de financement annuel des administrations publiques françaises, qu'il faudra refinancer à des conditions bien plus onéreuses, devrait s'élever à l'équivalent de 17 % du PIB chaque année.

A quoi s'ajoute la priorité donnée aux subventions à la consommation par rapport à l'investissement dans nos finances publiques. Si celle-ci contribue à la modestie du taux d'inflation français, elle ne permet pas, en revanche, de s'attaquer aux causes de la crise actuelle, qui se situent du côté de l'offre et non du côté de la demande, comme l'ont compris la plupart de nos partenaires. Ceci confère à la divergence qui se creuse une dimension structurelle qui est de nature à amplifier les conséquences des tensions financières centrifuges qui se profilent au sein de la zone euro.

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