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Electricité et gaz : les dessous de la spectaculaire chute des prix de l'énergie en Europe - La Tribune.fr

Les prévisions en matière d'énergie ont-elles été trop pessimistes ? Alors même que l'Europe s'enfonce un peu plus dans l'hiver, l'année 2023 s'ouvre dans des circonstances favorables : c'est finalement le scénario du moins pire qui semble l'emporter, aussi bien pour le gaz que pour l'électricité. De fait, les alertes de coupures brutales ou d'envolée des cours qui ont marqué l'actualité en 2022 ont laissé place à une accalmie. Et ce, même si le mois de janvier, avec sa fraîcheur habituelle, s'annonçait comme le plus critique de tous pour le Vieux continent, privé d'une grande partie des hydrocarbures russes sur lesquels il comptait jusqu'alors.

En effet, ce lundi, le prix du gaz a chuté au plus bas depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, avec un mégawattheure (MWh) vendu pour le lendemain à 73 euros sur l'indice néerlandais TTF, la bourse de référence européenne. Soit un montant bien inférieur à ceux enregistrés en août dernier, lorsque le gaz avait culminé à près de 300 euros le MWh après l'annonce d'une réduction des livraisons par Moscou.

Surtout, et c'est une première, les cours du gaz ont également dégringolé sur les marchés à terme (où les prix sont établis pour une livraison dans le futur, de 3 mois à 5 ans plus tard) : les contrats pour le quatrième trimestre de 2023 se négociaient lundi autour de 80 euros le MWh, contre environ 150 euros ces derniers mois. Autrement dit, les marchés semblent désormais anticiper une embellie, après des mois de volatilité extrême.

Et la tendance s'avère encore plus marquée pour l'électricité : alors que, le 12 décembre dernier, le MWh de courant s'échangeait à 750 euros dans l'Union européenne, les prix ont oscillé entre 0 et 40 euros seulement du 13 décembre à hier ! Même s'ils ont fini par remonter ce lundi à 170 euros en moyenne, de tels niveaux ont de quoi surprendre, tant les signaux d'alarme se multipliaient ces dernières semaines.

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Chute de 15% de la consommation au second semestre 2022

Cela signifie-t-il que les mesures mises en place en Europe pour endiguer la flambée des cours ont fonctionné, et que la crise est terminée ? « En réalité, le principal facteur qui a joué, c'est la destruction de la demande d'énergie », explique à La Tribune Jacques Percebois, économiste et directeur du Centre de Recherche en Economie et Droit de l'Energie (CREDEN). En d'autres termes, la consommation a sensiblement diminué ces derniers mois, de 15% au second semestre en moyenne, ce qui a permis d'éloigner le spectre de pénuries. Et ce, pour plusieurs raisons, pas toujours souhaitables :

« Il y a eu des efforts de sobriété, mais des entreprises ont aussi réduit leur activité à cause de l'inflation ou du ralentissement de l'activité économique », souligne le chercheur.

Selon le gestionnaire français du réseau de transport d'électricité, RTE, l'industrie a ainsi réduit sa consommation d'électrons de 12% sur les quatre dernières semaines. Et pour ce qui est du gaz, le président d'Engie, Jean-Pierre Clamadieu, avait noté lors d'une conférence au Medef le 6 décembre dernier une baisse « très importante de la consommation, de l'ordre de 30% » sur un an dans de grands groupes industriels. Sans surprise, si ces comportements permettent de limiter la consommation d'énergie, participant à en baisser les prix, ils traduisent surtout les difficultés profondes que traversent le secteur. « Cependant, il faudra plusieurs mois de recul pour déterminer dans quelle mesure ce phénomène a été subi plutôt que choisi », nuance Jacques Percebois.

Des niveaux de stockage exceptionnellement hauts

Par ailleurs, un autre élément a conduit à une baisse significative de la demande : les températures se sont avérées extrêmement clémentes, en-dehors d'une courte vague de froid début décembre. Alors que ce temps doux a largement réduit la demande de chauffage, l'Europe a ainsi pu reconstituer ses réserves souterraines de gaz, notamment de gaz naturel liquéfié (GNL) acheminé par navire, dont les importations battent des records, mais aussi de gaz russe, avant l'amenuisement des livraisons.

Résultat : les stockages ont été peu sollicités, et restent donc à un niveau exceptionnellement haut, avec un taux de remplissage moyen de plus de 83% au niveau européen (contre 95 % à la mi-novembre). Soit 30% de plus que l'an dernier à la même époque, et 10% de plus que la moyenne de ces cinq dernières années. A cet égard, « l'Union européenne a joué un grand rôle », assure Jacques Percebois. De fait, les Vingt-Sept ont adopté cet été un règlement incitant les États membres à remplir à 80% au moins les installations de stockage souterrain de gaz d'ici à l'hiver.

Surréaction des marchés

Reste que le retour à la normale n'est pas pour tout de suite. « Même à 73 euros du MWh de gaz, on reste bien au-dessus des prix aux Etats-Unis, qui flirtent entre 25 et 30 euros, soit les niveaux qu'on connaissait en Europe jusqu'en 2020 ! », précise Jacques Percebois. Les factures des Français vont d'ailleurs grimper cette année, malgré l'accalmie, puisqu'il est prévu que le tarif réglementé du gaz augmente de 15% par rapport au 31 octobre 2021 - soit un enchérissement de 130 euros environ par tête et par an.

Par ailleurs, l'optimisme des marchés pour les contrats à terme n'est pas forcément un gage d'embellie réelle : « Ceux-ci ont tendance à surréagir par rapport au cours du jour pour le lendemain. Quand ces derniers baissent durablement, les marchés à terme baissent aussi. Mais il reste énormément d'incertitude sur les trois mois qui viennent, et la tendance pourrait bien s'inverser », ajoute le chercheur. Notamment si les températures venaient à baisser, puisque la météo « va énormément jouer » sur la consommation - ce qui signifie qu'il est quasiment impossible de prévoir avec précision l'évolution des prix. D'ailleurs, selon la dernière Grande consultation des entrepreneurs réalisée par OpinionWay pour CCI France, La Tribune et LCI et publiée ce lundi, 93% des industriels s'attendent toujours ainsi à des perturbations sur leur activité liées à la crise de l'énergie.

D'autant plus qu'en mars prochain, lorsque l'hiver sera passé, le pire restera à venir, a averti l'Agence internationale de l'énergie (AIE) en décembre dernier. Et pour cause, l'Union européenne pourrait alors faire face à un déficit potentiel de près de 30 milliards de mètres cubes de gaz naturel, étant donné qu'elle risque de devoir se passer totalement du gaz russe pour reconstituer ses réserves, ce qui n'a pas été le cas en 2022. De quoi menacer l'industrie du Vieux continent, et augmenter un peu plus la pression sur les ménages.

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