Orange avec Media Services, publié le mercredi 19 avril 2023 à 13h00
Après la ville de Saint-Ouen, c'est au tour de Carrefour de prendre des mesures pour ses salariées (sous conditions). En Espagne, le congé menstruel est la norme.
Le groupe de grande distribution Carrefour annonce, mercredi 19 avril, autoriser 12 jours d'absence par an pour ses salariées en France atteintes d'endométriose.
Une mesure soumise à la présentation d'un document attestant de leur situation invalidante. "Pour faire progresser les droits des femmes et l'égalité au travail, nous avons décidé (...) d'accorder 12 journées d'absence aux femmes souffrant d'endométriose, soit un jour par mois", a déclaré lors d'une conférence de presse le PDG du groupe, Alexandre Bompard, se félicitant que Carrefour soit "la première grande entreprise à le faire".
Document attestant du handicap
Cette mesure va notamment bénéficier aux "50.000 femmes qui travaillent tous les jours dans les magasins de Carrefour en France", a détaillé le PDG, qui espère ainsi "changer le quotidien de nos collègues pour que ces femmes puissent s’épanouir dans le travail sans craindre d'être ostracisées par leur santé". Pour bénéficier de ces jours d'"absence médicale autorisée", les salariées devront présenter "un document attestant la situation de handicap reconnu par l'entreprise (reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH), carte d'inclusion ou attestation d'invalidité délivrée par la CPAM)", précise le groupe.
Le groupe de grande distribution a aussi annoncé deux autres mesures en lien avec la santé des femmes au travail : "trois jours d'absence médicale autorisée à la suite d'une fausse couche" - une mesure actuellement débattue au Parlement -, ainsi qu'une journée d'absence pour les femmes ayant recours à la PMA, "au moment du transfert d'embryon".
Rares entreprises
Permettre aux femmes de s'absenter du travail en cas de règles douloureuses, sans perte de salaire : l'idée fait son chemin en France, où des députés préparent des propositions de loi pour tenter de créer un congé menstruel, quelques mois après l'adoption de ce dispositif en Espagne. De rares entreprises offrent déjà la possibilité à leurs employées de prendre des "congés règles". Le fabricant de mobilier Louis Design propose ainsi des jours de congés payés supplémentaires à celles qui souffrent de règles douloureuses.
Dernièrement, la municipalité de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, a lancé l'expérimentation d'un congé menstruel pour ses agentes souffrant de douleurs ou d'endométriose. "On ne doit pas en rester à des initiatives individuelles, il faut que ce dispositif puisse se généraliser pour toutes les femmes qui en ont besoin", commente auprès de l'AFP Sébastien Peytavie, député écologiste.
Proposition de loi
Avec les députées de son parti Marie-Charlotte Garin et Sandrine Rousseau, il a lancé une concertation sur le sujet auprès d'associations féministes, de représentants du monde médical et de celui de l'entreprise. Objectif, rédiger une proposition de loi pour créer un congé menstruel indemnisé, sans jour de carence, tout en respectant le secret médical. Le texte doit être déposé le 26 mai. Les députés PS Mickaël Bouloux et Fatiha Keloua Hachi ont également mené une série d'auditions de leur côté en vue du même objectif. "C'est le bon moment pour faire cette proposition de loi en France, l'intérêt pour le sujet est très fort, la population est prête", estime auprès de l'AFP Fatiha Keloua Hachi, qui souhaite déposer le texte "le plus vite possible".
Pour Aline Boeuf, doctorante à l'université de Genève, il s'agit d'un sujet qui a encore du mal à s'imposer, en particulier dans l'univers du travail. "Les expériences féminines, comme les menstruations, la grossesse ou la ménopause, ne sont pas encore prises en compte" par les employeurs, souligne-t-elle. Outre un congé menstruel, prévoir des toilettes avec poubelle et lavabo dans les cabines ainsi que des espaces de repos pourrait améliorer le quotidien des employées, selon elle.
Les organisations patronales contre, tout comme certaines associations féministes
Un congé supplémentaire pour certaines pourrait entraîner une "désorganisation" au sein des petites entreprises, s'inquiète toutefois la Confédération des PME (CPME). En outre, "les femmes ne vivent pas toutes cette période des règles de la même manière, celles qui en ont besoin peuvent se faire arrêter" par un médecin, pointe sa vice-présidente, Stéphanie Pauzat. Son de cloche similaire du côté du Medef, qui se dit opposé au congé menstruel. Une telle mesure "renverrait l'image que les femmes ne peuvent pas occuper les mêmes postes que les hommes", relève l'organisation patronale.
Des associations féministes s'inquiètent également d'un éventuel retour de bâton. Créer un congé menstruel pourrait se traduire par des discriminations à l'embauche à l'encontre des femmes. "C'est une bonne idée de trouver une solution d'urgence aux femmes qui ont des règles douloureuses ou de l'endométriose mais il faut adresser le problème dans sa globalité", estime Maud Leblon, directrice de l'association Règles élémentaires, qui lutte contre la précarité menstruel et le tabou des règles. Elle évoque notamment la nécessité de "mieux connaître" et de "mieux prendre en charge" les pathologies qui touchent les femmes, comme l'endométriose.
Stratégie nationale de lutte contre l'endométriose, qui touche une femme sur dix
On estime qu'une femme sur dix environ souffre de cette maladie gynécologique inflammatoire et chronique, qui peut se manifester par des règles abondantes et des douleurs violentes. "La santé des femmes est restée longtemps taboue et ignorée", souligne Isabelle Rome, la ministre déléguée à l'Égalité entre les femmes et les hommes, dans une déclaration transmise à l'AFP. "Il est impératif qu'elle ne soit plus jamais ni une source de précarité, ni un frein à la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle".
Le gouvernement a lancé en janvier une stratégie nationale de lutte contre l'endométriose, qui inclut un programme de recherche doté de plusieurs millions d'euros. Concernant les initiatives des députés visant à créer un congé menstruel, "nous pourrons nous prononcer" lorsque les propositions auront été déposées "et que nous aurons une visibilité sur leur contenu", selon la ministre.
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