Pourquoi interdire les chaudières à gaz ?
Réduire la consommation de gaz de chauffage a un double objectif. Le premier, environnemental. La France s’est engagée à faire baisser, d’ici à 2030, les émissions de C02 du secteur du bâtiment de 75 à 30 millions de tonnes. Un enjeu de taille car l’utilisation des locaux représente actuellement (hors construction) 18 % des émissions de gaz à effet de serre du pays. La part du chauffage au gaz, dans ce total, s’élève à 60 %, selon le ministère de la Transition écologique.
L’autre intérêt, pour le gouvernement, est de rendre la France moins dépendante au gaz fossile qui, en plus d’être mauvais pour la planète, coûte cher. Faute de gisements majeurs, notre pays, même s’il apprend à se passer du gaz russe, importe la quasi-totalité de ses besoins en gaz (98 %).
La réglementation interdit déjà, depuis le 1er janvier 2022, les solutions de chauffage exclusivement au gaz dans les maisons neuves. En 2025, la mesure sera étendue à l’habitat collectif. Dans un logement ancien, il était, en revanche, encore possible de remplacer sa chaudière en bout de course par une nouvelle chaudière à gaz, mais sans coup de pouce de l’État. Et, jusqu’à présent, l’exécutif démentait vouloir bannir le gaz dans l’ancien. « Il n’y a pas, à ce jour, d’objectif d’interdiction de la production de chauffage et d’eau chaude sanitaire dans le logement ancien », assurait encore le ministre délégué à la Ville et au Logement, Olivier Klein, au député du Morbihan (Liot), Paul Molac, lors d’une séance de questions au gouvernement, en avril.
Pure sémantique. Lundi soir, le gouvernement a fait savoir qu’il lance une concertation sur le sujet, jusqu’au 28 juillet, avec les élus et les professionnels. Officiellement, l’interdiction d’installer des chaudières à gaz neuves dans l’existant n’est qu’une « possibilité » mise sur la table. Selon certaines sources, la Première ministre, Élisabeth Borne, aurait évoqué l’échéance de 2026. Le ministère de la Transition écologique sait qu’il marche sur des œufs. Il a précisé qu’il ne s’agirait « pas d’une obligation de remplacement » (libre à vous d’attendre que votre chaudière gaz ait rendu l’âme pour changer de système) et que l’évolution serait « très progressive ».
Pourquoi une interdiction totale risque-t-elle de pénaliser les ménages ?
Près de 12 millions de foyers se chauffent au gaz, soit environ quatre ménages sur dix concernés (cinq millions en maison individuelle et sept millions en logement collectif). Or, accélérer la dépose des chaudières fossiles vieillissantes (gaz comme fioul) pour les remplacer, essentiellement, par des pompes à chaleur air-eau (PAC) ne se fera pas sans douleur. Si les prix font le grand écart, d’un modèle et d’un installateur à l’autre, le coût d’une PAC est, en effet, trois fois plus élevé, en moyenne, que celui d’une chaudière à gaz à condensation. Au final, la différence sur la facture atteint 10 000 euros, a comparé l’UFC- Que choisir. Pas rien, dans un contexte d’inflation et de baisse du pouvoir d’achat. Sans compter les frais de dépannage et d’entretien auxquels un nombre grandissant de foyers précaires peinent à faire face, selon le Synasav (Syndicat national de la maintenance et des services en efficacité énergétique). Dans une lettre ouverte adressée à Élisabeth Borne, son président, Roland Bouquet, estime que « plus de 50 % des PAC installées actuellement ne sont pas entretenues ». Le président de l’association Coénove, Jean-Charles Colas-Roy, cité par Capital, a, pour sa part, appelé le gouvernement à « ne pas mettre les Français face à des impasses techniques et économiques ».
Pourquoi ce projet du gouvernement inquiète-il les élus et les professionnels de l’énergie ?
Personne ne conteste la nécessité de décarboner le bâtiment mais les avis diffèrent sur la méthode pour y parvenir. Pour le sénateur centriste du Finistère, Michel Canévet, « l’heure n’est pas à interdire mais à accélérer la production de gaz renouvelable », alors qu’un millier de méthaniseurs seraient actuellement à l’arrêt, faute de visibilité.
La France, dont le premier EPR nucléaire n’est toujours pas en service, ne peut pas s’offrir le luxe de se passer de gaz, suggère aussi Paul Molac. « Pour remplacer l’ensemble des chaudières à gaz, il faudrait produire une quantité d’électricité équivalente à neuf EPR », illustre-t-il. Laurence Poirier-Dietz, directrice générale de GRDF, nous imagine devoir importer, l’hiver, de l’électricité issue des centrales à charbon d’Allemagne, ce qui serait contre-productif pour l’environnement. Interdire les chaudières à gaz est une « fausse bonne idée », dénonce-t-elle dans Les Échos.
Autre argument, de souveraineté industrielle celui-là : les chaudières à gaz, qui, demain, pourront être alimentées en gaz vert, « sont majoritairement produites en France et en Europe, contrairement aux composantes des pompes à chaleur qui proviennent d’Asie », fait valoir Michel Canévet dans une question posée au gouvernement.
Enfin, « on ne peut pas dire qu’en 2026, on supprime la chaudière à gaz et qu’on forme 200 000 chauffagistes à la pompe à chaleur. Ce calendrier n’est pas tenable », a déclaré, lors d’un point presse, le président de la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment), Jean-Christophe Repon, l’association Négawatt appelant à rénover et isoler prioritairement le parc bâti.
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