
Certains foyers l’utilisent pour faire leurs comptes ; chez d’autres, il tapisse les fonds de tiroir. Le ticket de caisse n’est plus imprimé systématiquement depuis le 1er août, au nom de la sobriété écologique. Les enseignes pourront proposer à la place, sans y être obligées, un ticket dématérialisé, envoyé par courriel, compilé dans un compte client ou affiché par QR code. Les clients pourront tout de même obtenir un ticket en papier s’ils en font expressément la demande, et les enseignes seront tenues d’afficher l’existence de cette possibilité.
Des exceptions sont prévues : le ticket continuera d’être imprimé systématiquement dans les hôtels et les restaurants quand le document est requis pour faire valoir une garantie ou encore pour des prestations de services supérieures à 25 euros.
Prévue par la loi antigaspillage pour une économie circulaire, de 2020, cette mesure vise à préserver les ressources, notamment les forêts. Chaque année en France sont imprimés douze milliards de tickets de caisse, représentant 150 000 tonnes de papier, selon les autorités.
L’entrée en vigueur, initialement prévue pour janvier, a été reportée deux fois. D’une part, pour laisser aux commerçants le temps de se préparer. D’autre part, la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, Olivia Grégoire, « avait souhaité un report au moment où l’inflation des prix en grandes surfaces était au maximum », poussant les ménages à scruter encore davantage leurs dépenses, a expliqué le cabinet de la ministre lors d’un point de presse, le 24 juillet. Or « on observe depuis plusieurs semaines un reflux de l’inflation », selon le cabinet, qui y voit une occasion de concrétiser cette disposition.
« Le grand gagnant, c’est le commerçant »
En avril, au nom de la protection des consommateurs, douze associations s’étaient opposées à la suppression du ticket imprimé par défaut, exigeant que le commerçant soit tenu de proposer systématiquement à ses clients un ticket physique. Elles n’ont pas obtenu gain de cause. L’obligation d’afficher cette option près des caisses ne suffit pourtant pas, d’après Antoine Autier, responsable du département des études et du lobby à l’UFC-Que choisir, pour qui se pose la question de la « qualité de l’information ». Selon lui, certains clients pourraient oublier de demander leur ticket et « en subir les conséquences », se trouvant dans l’incapacité de retourner un produit ou de vérifier la conformité du prix payé avec celui qui est affiché en rayon.
Morgane Lenain, administratrice de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) chargée de la défense du consommateur, abonde : « Le grand gagnant de cette mesure, c’est le commerçant, qui va réaliser des économies de papier, mais aussi des économies de litiges et de réclamations en cas d’absence de ticket de caisse. »
A ces critiques une porte-parole de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) répond qu’il sera toujours possible de demander un ticket papier et souligne qu’« en pratique, les commerçants le proposent déjà ».
La dématérialisation du ticket est aussi en question. « Le commerçant va pouvoir constituer une base de données, savoir comment consomment ses clients et orienter sa politique de prix en fonction », déplore Mme Lenain, pour qui « c’est une atteinte à la vie privée et la porte ouverte à un certain nombre de publicités non désirées » en cas d’envoi par courriel. La DGCCRF rappelle que la collecte de données personnelles, qui doit être « minimale », est tenue de répondre au règlement général sur la protection des données, et que la Commission nationale de l’informatique et des libertés « veille au droit ».
La maîtrise de ses dépenses
Au-delà des questions de vie privée, l’UNAF, qui propose par ailleurs pour le compte de l’Etat des conseils gratuits de gestion budgétaire à destination des ménages, voit dans le ticket de caisse un outil précieux d’éducation financière. Or « la dématérialisation coupe le consommateur de la réalité de sa dépense », selon Morgane Lenain, induisant « une difficulté à se rendre compte que l’argent file ».
Qu’en pensent les premiers concernés ? En mars, une étude de l’institut OpinionWay pour la fédération de distributeurs Perifem a montré une certaine ambivalence. Les trois quarts des 1 063 personnes sondées (73 %) se disent favorables à la fin de l’impression systématique du ticket de caisse. En même temps, elles sont 89 % à déclarer utiliser le ticket imprimé pour vérifier le détail du prix payé. Une majorité de sondés compte d’ailleurs continuer à le demander : 91 % dans les magasins d’électroménager et 76 % pour les achats alimentaires.
Une courte majorité des sondés (59 %) se disent prêts à prendre une carte de fidélité pour recevoir leur ticket de caisse dématérialisé, solution qu’ils préfèrent au courriel et au QR code. Quant à communiquer des informations de contact personnelles, 76 % ne veulent pas le faire devant d’autres clients, et 66 % y voient une perte de temps.
Analyse de Franck Charton, délégué général de Perifem : « Ce dont les Français ont besoin, ce n’est pas du papier, c’est du service rendu par le ticket de caisse. Mais pour aller vers la dématérialisation, il faut de la pédagogie. » Pour lui, le ticket électronique « va pouvoir apporter beaucoup plus de services » aux ménages, comme la construction de statistiques de dépenses dans des applications.
Reste à savoir quel sera le bénéfice net pour la planète de la fin de l’impression systématique du ticket de caisse si les clients se reportent massivement vers les moyens électroniques, dont l’impact sur l’environnement n’est pas nul. L’Ademe, l’agence de la transition écologique, dit ne pas disposer d’information sur le sujet. Du reste, l’hypothèse d’une conversion totale des tickets en papier en tickets électroniques n’est « pas réaliste » aux yeux de la DGCCRF : « Le sens de la mesure est de limiter le nombre de tickets, qu’ils soient imprimés ou dématérialisés », selon l’administration, qui admet l’importance d’éviter les « transferts d’impact » écologique, notamment en travaillant à une « meilleure écoconception des services numériques ».
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