Les panneaux à vendre
commencent à revenir orner les balcons des maisons… Depuis quelques années, les agents immobiliers avaient à peine le temps de publier l’annonce que les biens, dans certaines grandes villes françaises étaient déjà vendus… Depuis quelques mois, le marché immobilier ralentit. Les derniers indicateurs le prouvent. Michel Mouillart, professeur émérite, spécialiste en économie de l’immobilier et directeur de l’Observatoire Credit Logement/CSA et Ingrid Nappi, économiste et professeure à l’école des ponts ParisTech, titulaire de la Chaire Immobilier & Développement Durable » s’expriment sur les causes de ce retournement de marché.
Que se passe-t-il sur le marché immobilier ?
D’abord, les acquéreurs potentiels obtiennent de moins en moins de crédits. Le volume de crédits accordés poursuit sa baisse de 43,2 % en août (en trimestre glissant), comparé à la même période, en 2022, selon L’Observatoire Crédit Logement/CSA.
En cause, une hausse des taux d’intérêt qui écarte du marché de nombreux potentiels acquéreurs. La moyenne des taux des crédits immobiliers aux particuliers est passée à 3,8 % (hors assurances), contre 1,82 % un an plus tôt (Observatoire Crédit Logement/CSA).
Conséquence, de moins en moins de ménages arrivent à se faire financer leur projet. Les biens se vendent moins rapidement et facilement.
La fédération nationale de l’immobilier pronostique désormais autour de 925 000 transactions cette année contre 1,2 million en 2021. Le réseau de courtage Meilleurs Agents table sur 890 000.
Par effet domino, les prix des logements refluent en France. En moyenne nationale, ils augmentent encore mais moins fortement. Ainsi la hausse enregistrée au deuxième trimestre 2022 s’élevait à 6,8 %. À présent, elle atteint 0,5 %, selon l’indice Notaires-Insee de référence publié jeudi 7 septembre.
Symboliquement, le prix du m² à Paris est repassé sous la barre des 10 000 €. D’après Meilleurs Agents, les prix baissent aussi dans de grandes métropoles françaises comme à Rennes -3,9 % entre septembre 2023 et septembre 2022, et -5,2 % à Nantes sur la même période.
Est-ce un retournement inattendu ?
Le feu couvait. Ce n’est pas un retournement subito presto mais c’est la résultante de décisions prises dès 2019 aux effets pervers incommensurables
, estime Michel Mouillart, Professeur émérite, spécialiste de l’économie immobilière.
Mais comme les niveaux de transactions grimpaient, avec un record à 1,2 million en 2021, l’euphorie perdurait.
« Le marché a commencé à se dégrader au quatrième trimestre 2021. En 2022, l’activité immobilière a freiné. C’est-à-dire que le volume de transactions et le nombre de crédits accordés ont diminué. Depuis, tout se dégrade à un rythme comparable. En revanche, la dégradation s’accélère sur la construction de maisons individuelles », poursuit Michel Mouillart.
C’est un retournement qui devait se produire car la période de hausse des prix et la capacité d’emprunt accrue des investisseurs et de ménages durant les années 2010 ont été la conséquence d’une période exceptionnelle de baisse des taux d’intérêt et d’absence d’inflation »,
confirme Ingrid Nappi, économiste, professeure, titulaire de la Chaire « Immobilier & Développement Durable »
.
Ce retournement du marché immobilier est-il inédit ?
Il semble extraordinaire par l’accumulation de phénomènes qui se télescopent. Ils sont à la fois d’ordre géopolitiques, avec la guerre en Ukraine, « cela a entraîné une hausse des coûts de construction » rappelle Ingrid Nappi. Mais le ralentissement du marché est aussi lié à des décisions politiques.
Depuis 2020, le Haut Conseil de Stabilité Financière a contraint les banques à être plus vigilantes sur la solvabilité des clients. Cela a écarté de l’accès au crédit de nombreux ménages.
Puis, à l’été 2022, les taux d’emprunt ont commencé à remonter à la suite des décisions de la BCE. Plus les taux montent, plus la contrainte à 35 % (taux d’endettement maximum, NDLR) du HCSF devient forte et efficace »,
indique Michel Mouillart, économiste de l’immobilier.
En parallèle, le secteur de la construction de logements fait face à une politique de plus en plus restrictive dans le contexte de la transition écologique. Les promoteurs immobiliers peinent à se voir délivrer des permis de construire. « La question de la transition écologique urbaine, indispensable face au réchauffement climatique, nécessite d’adapter le mode de production de logements […]. Une vraie transition s’engage. Mais cela prend du temps », ajoute Ingrid Nappi.
Lire aussi : Immobilier : taux d’emprunt et taux d’usure sont-ils au plus haut ? Ce que disent les chiffres
Quelles solutions pour y remédier ?
« Les solutions sont politiques », estime Ingrid Nappi. Cette accumulation de phénomènes pousse à revoir une meilleure régulation de l’occupation du parc immobilier. »
Notamment sur la fiscalité des logements meublés qui bénéficient d’avantages fiscaux, incitant les investisseurs à louer en courte durée pour mieux rentabiliser des biens qu’ils ont achetés ces dernières années à des prix très élevés.
« Même si en 2024 les taux du crédit immobiliers redescendent ce n’est pas pour autant que les marchés immobiliers repartiront », estime Michel Mouillart.
Le marché va se réguler mais cela va prendre du temps. Il ne faut pas sous-estimer la dimension psychologique de l’immobilier. Pour un vendeur cela prend plus de temps d’accepter que les prix baissent que l’inverse
, complète Ingrid Nappi.
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