Search

Les multinationales ont délocalisé 1.000 milliards de dollars de bénéfices dans les paradis fiscaux en 2022 - La Tribune.fr

Panama Papers, LuxLeaks, Swissleaks, Pandora Papers... La liste des scandales d'évasion fiscale n'a cessé de s'allonger ces dernières années. Révélées par des consortiums de journalistes et de médias, ces affaires fracassantes ont mis au grand jour l'ampleur des mécanismes de soustraction à l'impôt des grandes entreprises et des plus fortunés. Dans ce contexte, l'Observatoire européen de la fiscalité piloté par l'économiste français Gabriel Zucman a tiré un bilan mitigé de la lutte contre l'évasion fiscale de la dernière décennie. Si la fin du secret bancaire en Europe et l'échange automatique de données ont permis des avancées, les multinationales ont pu profiter des largesses offertes par les Etats pour transférer une partie vertigineuse de leur richesse vers des juridictions peu scrupuleuses.

Lire aussiL'économiste français Gabriel Zucman récompensé aux Etats-Unis pour ses travaux sur l'évasion fiscale

Selon le rapport dévoilé ce lundi 23 octobre, les multinationales ont transféré en 2022 plus de 1.000 milliards de dollars de leurs bénéfices vers les paradis fiscaux. « Les transferts de bénéfices des multinationales ont explosé et demeurent à un niveau élevé », a déclaré l'économiste lors d'une présentation du rapport, ce lundi 23 octobre, dans l'amphithéâtre de l'Ecole d'économie de Paris dédié au célèbre professeur d'économie Daniel Cohen disparu en août dernier. Le président de l'Observatoire européen de la fiscalité et ancien conseiller du démocrate Bernie Sanders à la présidentielle américaine estime « que l'évasion fiscale n'est pas une loi de la nature. C'est un choix politique ».

Lire aussi« Tout le monde rechigne à s'attaquer à l'évasion fiscale » (Romain Huret, président de l'EHESS)

Des pertes fiscales substantielles

L'un des résultats frappants de ce travail mené par une centaine de chercheurs du monde entier est que ces transferts engendrent un manque à gagner fiscal substantiel. Ces pertes représentent environ 10% des recettes fiscales des entreprises collectées à l'échelle de la planète. Depuis le milieu des années 1970, ce déficit fiscal n'a cessé de grimper, malgré le renforcement de la réglementation planétaire.

Made with Flourish

Note : ce graphique présente l'évolution de la perte de recettes fiscales mondiales causée par la délocalisation des bénéfices, exprimée en pourcentage des recettes fiscales mondiales perçues par les entreprises.

En 2015, l'OCDE est montée au front pour réduire ces délocalisations de bénéfices avec le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) porté par l'ancien directeur fiscal de l'institution Pascal Saint-Amans. Aux Etats-Unis, l'administration a durci le ton. Elle a introduit des mesures visant à limiter ces transferts de bénéfices. Mais ce durcissement réglementaire et législatif n'a pas empêché les multinationales de loger leurs bénéfices dans des Etats jugés laxistes en matière fiscale.

Un taux minimum d'imposition mondial jugé décevant

En 2021, 137 Etats ont signé un accord planétaire « historique » sur la mise en place d'un impôt minimum mondial sur les multinationales. Pour rappel, cet accord repose sur deux piliers. Le pilier 1 porte sur la répartition des droits d'imposition entre pays de production et pays de consommation. En d'autres termes, les Etats doivent s'accorder sur une clé de répartition des recettes fiscales. Et le second pilier repose sur le taux minimum de 15%. Après d'âpres et intenses négociations, les chefs d'Etat avaient réussi à s'attendre sur le second pilier.

Mais les modalités du premier pilier ont fait l'objet de fortes réticences dans les négociations. « Sur le principe, l'impôt minimum est génial. Les Etats mettent un terme au moins-disant fiscal », estime Quentin Parrinello, conseiller à l'Observatoire européen interrogé par La Tribune. « Il y a eu une succession de trous dans la raquette », regrette ce spécialiste des questions fiscales.

Lire aussiTaxation des multinationales : « L'Europe fait face à une résistance inattendue », Pascal Saint-Amans, OCDE

En effet, de nombreux Etats ont continué à mettre en œuvre des stratégies pour éviter d'avoir un impôt effectif de 15% sur les sociétés. A cela s'ajoute la féroce bataille fiscale des puissances pour attirer les investissements et les entreprises dans la transition énergétique.

« On risque d'avoir une course aux crédits d'impôt et aux exemptions à l'échelle de la planète. Il y a un déplacement de la course fiscale des taux d'impôt vers les crédits d'impôt. On l'a vu avec l'Inflation Reduction Act aux Etats-Unis. C'est une rupture avec le projet initial », regrette Quentin Parrinello.

Lire aussiRiposte à l'IRA : « Le danger est l'éclatement du marché intérieur européen », (Camille Landais, CAE)

Des milliardaires moins taxés que le reste de la population

S'agissant des milliardaires, les résultats mis en avant par les économistes lors de la présentation du rapport indiquent que le taux effectif d'imposition des milliardaires est relativement faible. « Ils ne paient quasiment rien en proportion de leurs revenus. Les milliardaires ont un taux effectif d'imposition entre 0% et 0,5% », selon Gabriel Zucman. Comment les plus fortunés arrivent-ils à bénéficier d'un taux d'imposition aussi bas ? Ces personnes utilisent « des holding familiales » pour échapper à l'impôt sur le revenu, note Quentin Parrinello.

Face à ce manque à gagner fiscal, les économistes plaident pour la mise en œuvre d'un impôt minimum mondial de 2% sur le patrimoine des milliardaires. « En appliquant un taux de 2% sur les revenus de leur richesse, cela permettrait de rapporter 214 milliards de dollars chaque année. Nous sommes dans un Momentum politique », a déclaré Gabriel Zucman. « C'est une manière de réconcilier la mondialisation et la justice fiscale », avance-t-il. Reste à savoir si cette proposition sera entendue par les Etats.

Lire aussiTaxer à 2% le patrimoine des milliardaires européens rapporterait 40 milliards d'euros à l'Europe

Grégoire Normand

Adblock test (Why?)

https://news.google.com/rss/articles/CBMipwFodHRwczovL3d3dy5sYXRyaWJ1bmUuZnIvZWNvbm9taWUvaW50ZXJuYXRpb25hbC9sZXMtbXVsdGluYXRpb25hbGVzLW9udC1kZWxvY2FsaXNlLTEtMDAwLW1pbGxpYXJkcy1kZS1kb2xsYXJzLWRlLWJlbmVmaWNlcy1kYW5zLWxlcy1wYXJhZGlzLWZpc2NhdXgtZW4tMjAyMi05ODA5OTUuaHRtbNIBAA?oc=5

Bagikan Berita Ini

Related Posts :

0 Response to "Les multinationales ont délocalisé 1.000 milliards de dollars de bénéfices dans les paradis fiscaux en 2022 - La Tribune.fr"

Post a Comment

Powered by Blogger.