Le marché de l'emploi des cadres va-t-il s'assombrir en 2024 ? Après plusieurs années d'embellie, les entreprises ont décidé d'appuyer sur le frein des embauches au cours de l'année 2023. L'emploi des cadres résiste mais les signaux négatifs se multiplient. Dans son dernier baromètre dévoilé ce jeudi 9 novembre, l'Association pour l'emploi des cadres (Apec) prévoit un fléchissement important pour la fin de l'année. « En 2023, on a ressenti un net ralentissement. On n'est toujours au-dessus du niveau d'avant-crise sanitaire mais il y a bien une diminution », a déclaré Gilles Gâteau, directeur de l'organisme, lors d'un point presse.
Le coup de frein de l'économie française, le resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) et l'inflation toujours élevée ont pu mettre à mal certains projets de recrutements. En effet, les embauches de cadres dépendent en grande partie des investissements dans les entreprises. Or, dans le contexte d'un durcissement des conditions financières et de la fin de « l'argent gratuit », beaucoup de dirigeants ont marqué le pas sur les investissements. En revanche, il est encore difficile de mesurer à ce stade l'impact de la guerre entre Israël et le Hamas sur le marché du travail et, a fortiori, l'emploi des cadres. « Le baromètre a été réalisé avant le conflit au Proche-Orient. La baisse n'est pas un reflet de cet évènement là », a rappelé le responsable.
Des prévisions d'embauche et des offres d'emplois en chute libre
Sur le front de l'emploi, la part des entreprises ayant l'intention de recruter dans les trois prochains mois a baissé de 4 points entre décembre 2022 et septembre 2023. Après avoir atteint un pic en fin d'année dernière (14%), la proportion d'entreprises n'a cessé de chuter au cours de l'année pour s'établir à 10 points de pourcentage. « Au quatrième trimestre, les entreprises prévoient de réduire la voilure de leurs recrutements de cadres », a poursuivi Gilles Gâteau.
L'autre signal inquiétant est que les offres d'emplois publiées par l'APEC sont en chute libre entre le troisième trimestre 2022 et le troisième trimestre 2023 (-13%; 123.000). Elles sont certes bien au-dessus des niveaux enregistrés en 2020 (83.000) et 2019 (118.000), mais la baisse se confirme tout au long de l'année 2023 et concerne toutes les régions.
Chute spectaculaire des offres d'emploi en Ile-de-France
A l'échelle géographique, c'est d'abord l'Ile-de-France qui enregistre la baisse la plus spectaculaire du nombre d'offres d'emplois (-17%). Cette inflexion est d'autant plus impressionnante que « 40% des emplois de cadres sont concentrés en Ile-de-France », souligne Gilles Gateau. Viennent ensuite l'Occitanie et les Hauts-de-France marquées par des baisses comparables (-16%). À l'opposé, le Centre-Val-de-Loire (-7%), le Grand Est (-6%) et la Bourgogne-Franche-Comté (-5%) limitent la casse.
Comment expliquer de telles divergences ? Tout d'abord, l'Ile-de-France est une région qui compte un grand nombre de centres de décision et de sièges sociaux d'entreprises. A cela s'ajoute le poids du secteur des services dans l'économie qui est également très important dans la région francilienne. Ce qui peut contribuer à une surreprésentation des métiers de cadres. A l'opposé, la spécialisation industrielle dans quelques régions comme la Bourgogne-Franche-Comté peut réduire en proportion le nombre de postes de cadres.
Les tensions demeurent élevées
Malgré cette chute des projets d'embauche, les tensions sur le marché du travail des cadres demeurent élevées. « Les délais de recrutement sont passés de 9 semaines à 12 semaines sur les deux dernières années », a insisté Gilles Gateau. Trois quart des entreprises anticipent des obstacles de recrutement dans les trois mois à venir. Cette proportion est certes en baisse par rapport au pic de janvier à 84%, mais demeure bien au-dessus de septembre 2020 (56%) ou de décembre 2020 (66%).
Pour les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), les difficultés de recrutement sont un sujet de préoccupation majeur (68%). Chez les PME, ce sujet est moins important (22%). Là encore, une telle divergence peut s'expliquer par le fort pourcentage de cadres dans les grands groupes et les entreprises de taille moyenne parmi les salariés. Dans les plus petites structures, ces métiers sont généralement moins nombreux en proportion. Comment expliquer ce paradoxe entre des tensions persistantes et un ralentissement des embauches ? « Le faible nombre de candidatures, le décalage entre les candidatures et le profil requis et la concurrence entre les entreprises peuvent être facteurs de tension », résume le patron de l'APEC.
Des cadres inquiets pour leur pouvoir d'achat
La flambée des prix est loin d'avoir épargné les cadres. La part du personnel encadrant inquiet pour leur pouvoir d'achat a grimpé de quatre points en un an selon les résultats du baromètre. « Compte tenu du contexte inflationniste, les inquiétudes sur le pouvoir d'achat sont au plus haut », a affirmé Laetitia Niaudeau, directrice générale adjointe de l'APEC. « Les niveaux de rémunération des cadres ont augmenté de manière significative. Les entreprises ont pris en compte l'inflation dans les négociations annuelles obligatoires (NAO) mais il est possible qu'il y ait un décalage entre la rémunération perçue et l'inflation », a-t-elle ajouté.
Résultat, la part des cadres ayant des projets de mobilité professionnelle demeure très élevée (37%). « Ces intentions sont tirées par des perspectives d'amélioration du pouvoir d'achat. Les cadres ont le sentiment que changer d'employeur est la meilleure manière d'augmenter sa rémunération », conclue-t-elle. Sans parler de « grande démission », les spécialistes s'attendent à de vastes mouvements sur le marché du travail en 2024.
Méthode : Cette publication repose sur deux enquêtes menées du 4 au 15 septembre 2023. Une enquête en ligne auprès d'un échantillon de 2 000 cadres, structuré pour
être représentatif des cadres du secteur privé en et hors emploi, en matière de sexe,
d'âge, de secteur d'activité, de taille d'entreprise et de région. La seconde enquête porte sur un échantillon de 1 000 entreprises (uniques et sièges) employant au moins un cadre.
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