L'Europe spatiale, c'est ce géant placide aux ambitions très limitées dans le domaine de l'exploration spatiale. Réunis les 6 et 7 novembre à Séville, les pays membres de l'ESA (Agence spatiale européenne) vont clairement saboter la vision stratégique ambitieuse dans l'exploration spatiale qui avait été annoncée en mars dernier par le groupe consultatif de haut niveau (HLAG, High Level Advisory Group) mis en place par l'Agence spatiale européenne (ESA). Alors que l'Inde s'apprête à devenir le quatrième pays à envoyer un homme dans l'espace, l'Europe, elle, se refrène, se limite, se bride... et est en train de passer à côté du train de la nouvelle conquête spatiale, dont les fruits seront partagés par les grandes puissances spatiales. Elles en ont compris l'intérêt stratégique et... économique. Mais pas l'Europe, malheureusement. Pourtant, le HLAG avait affirmé que « l'exploration humaine de l'espace connaît une révolution que l'Europe ne peut se permettre de manquer ».
« Les pays et les régions qui ne s'assureront pas un accès indépendant à l'espace et une utilisation autonome de celui-ci deviendront stratégiquement dépendants et seront économiquement privés d'une partie importante de cette chaîne de valeur. L'Europe doit viser à s'emparer d'un tiers de ce futur marché », avait pourtant expliqué très clairement le rapport des douze experts.
Un dossier très compliqué
A Séville, il n'y aura donc pas une feuille de route ambitieuse dans l'exploration spatiale pour les Européens. Des Européens, il est vrai, obnubilés par la crise des lanceurs, qui n'aide pas la France et ses rares alliés à monter au créneau pour défendre une vision stratégique dans le domaine de l'exploration spatiale. « C'est quand même compliqué d'aller expliquer qu'on veut aller sur Mars alors qu'on n'est pas capable de faire décoller un lanceur européen », déplore un proche du dossier. Sur le fond et sur la forme, la crise des lanceurs a par ailleurs volé à Séville la vedette à l'exploration spatiale, qui devait être le sujet prédominant de ce sommet spatial.
Pour autant, les pays européens vont lancer à l'issue de ce sommet un certain nombre de briques technologiques pour « éventuellement un jour peut-être » aider au développement et à la conception d'une station orbitale européenne privée. Soit un vrai cache-misère pour pouvoir se congratuler à la fin du sommet spatial de Séville... « La porte est ouverte, elle n'est pas grande ouverte », estime néanmoins ce proche du dossier.
Les raisons de ce renoncement
La première raison de ce renoncement est le manque de consensus des pays européens sur ce dossier. C'était déjà le cas en février 2022 quand Emmanuel Macron avait tenté de passer en force. En vain. « Il n'y a pas de consensus clair, il n'y a pas encore de direction stratégique claire », avait alors expliqué la présidence. C'est toujours le cas. Ce dossier « ne fait pas l'unanimité en Europe, explique une source proche du dossier. Il y a des pays qui ne veulent pas y aller et qui veulent absolument rester dans la roue des États-Unis ». C'est pour cela que ces pays s'opposent à une autonomisation de l'Europe dans ce domaine. Et cette dernière continuera donc à faire du troc avec la NASA pour obtenir des strapontins dans les missions américaines.
« Aujourd'hui, on troque quelque chose dont ils ont besoin », avait expliqué en juin Didier Schmitt, le chef de la stratégie et de coordination des vols habités et l'exploration robotique à l'ESA à l'occasion du Paris Air Forum organisé par La Tribune.
Emmanuel Macron aurait pu incarner le Kennedy européen de la conquête spatiale. Mais lui aussi se heurte en France à des résistances très fortes incarnées par certains ténors de la majorité présidentielle qui n'ont pas cette vision stratégique. Pour des questions budgétaires essentiellement. Le rapport du HLAG avait pourtant affirmé que « le coût de l'inaction dépasserait de loin l'investissement nécessaire pour faire de l'Europe un acteur spatial fort et indépendant ». Enfin, beaucoup de pays européens sont opposés à l'exploration humaine en expliquant que la question du climat est plus importante.
« Visons-nous la Lune, où les Chinois retourneront prochainement, puis Mars, que visent les Américains ? Il nous faut, là aussi, anticiper un positionnement européen pour une première mission internationale humaine vers Mars prochainement à la fin de la prochaine décennie », s'était interrogé Emmanuel Macron en février 2022 à Toulouse lors de la réunion informelle des ministres européens chargés de l'Espace, dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Des questions « vertigineuses » il y a 20 mois à la triste réalité d'aujourd'hui. A Séville, l'Europe spatiale n'ira nulle part. Ni sur la Lune, ni sur Mars. Faute d'ambitions.
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