
[Article mis à jour après les clôtures des Bourses]
La Chine frappe là où ça fait mal. Attaqué par Bruxelles sur les voitures électriques, l'empire du Milieu répond sur les spiritueux européens. Les autorités chinoises ont annoncé ce vendredi avoir lancé une enquête antidumping sur les eaux-de-vie de vin, comme le cognac, importées de l'Union européenne (UE). Pour rappel, le dumping est une pratique qui consiste notamment à vendre à l'étranger à des prix inférieurs à ceux pratiqués sur le marché national.
L'annonce a fait plonger le cours de Bourse de plusieurs groupes européens de spiritueux. Ainsi, le titre de Rémy Cointreau a clôturé en chute de 12% à 95,88 euros à la Bourse de Paris, après avoir atteint son plus bas niveau depuis avril 2020 plus tôt. En effet, le cognac représente deux tiers des ventes du groupe et, selon les analystes d'Oddo BHF, la Chine près de 30% des ventes. Pernod Ricard a terminé à -3,57%. A Milan, Campari baissait de 1% et à Londres, Diageo perdait 1,90%. Même le géant mondial du luxe LVMH, dont la marque de cognac Hennessy représente une part marginale de son chiffre d'affaires, reculait aussi de 1,28% à la clôture.
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La Chine, gros importateur d'eau-de-vie
La décision de Pékin répond à une plainte déposée en novembre par l'Association chinoise des alcools, au nom du secteur chinois des eaux-de-vie de vin, précise le ministère chinois du Commerce. « Cette demande contenait les éléments de preuve nécessaires à l'ouverture d'une enquête antidumping en vertu » de la réglementation chinoise, est-il indiqué dans un communiqué. Dans le détail, l'enquête lancée ce vendredi s'intéresse alors à des soupçons de dumping entre le 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2023, ainsi que sur de potentiels dommages pour le secteur en Chine entre janvier 2019 et septembre 2023. Elle doit s'achever avant le 5 janvier 2025 mais pourra être éventuellement prolongée de six mois en cas de « circonstances particulières », précise-t-il.
Mais une telle enquête pourrait avoir des conséquences sur les producteurs européens exportateurs. En 2022, la Chine a importé plus d'eau-de-vie de vin que tout autre spiritueux, indique un rapport du cabinet Daxue Consulting, et la plupart des importations venaient de France. Parmi ces eaux-de-vie de vin produites dans l'UE figurent notamment le cognac et l'armagnac, tous les deux produits sur le sol français. D'autant que dans l'Hexagone, le Cognac et autres spiritueux ont vu leurs exportations fortement ralentir avec la crise inflationniste. Rien que pour le Cognac, les exportations ont baissé de 19% sur la campagne 2022/2023, après trois années fastes.
De son côté, le Bureau national interprofessionnel du cognac se veut néanmoins rassurant :
« Nous sommes convaincus que nos produits et nos pratiques commerciales sont pleinement conformes aux réglementations chinoises et internationales et que l'UE et la Chine trouveront un moyen constructif de résoudre tout différend bilatéral, comme cela s'est produit dans le passé sur d'autres sujets ».
Il assure également que les producteurs de Cognac coopéreront pleinement avec les autorités chinoises et estime que « cette enquête s'inscrit dans le cadre d'un désaccord commercial entre l'Union européenne et la Chine sur d'autres secteurs industriels, sans rapport avec notre activité ».
Dégradation des relations
Les relations entre Pékin et Bruxelles se sont en effet tendues depuis l'annonce par l'Union européenne qu'elle cherchait à réduire sa dépendance commerciale avec Pékin, notamment dans le domaine des technologies. Début octobre, l'UE a par exemple dévoilé une liste de domaines stratégiques qui devront être mieux défendus face à des Etats jugés rivaux comme la Chine - notamment l'intelligence artificielle.
Un autre point d'achoppement concerne le secteur automobile. Préoccupée par la concurrence des véhicules électriques chinois sur le marché européen et pressée par la France, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait annoncé en septembre l'ouverture d'une enquête sur le soutien et les subventions des autorités chinoises aux constructeurs nationaux d'automobiles électriques. La Chine a alors dénoncé l'enquête, soulignant qu'elle nuirait à ses relations commerciales avec l'UE. « Ce n'est rien d'autre que du protectionnisme pur et dur », avait jugé Pékin.
Plus largement, l'Union européenne s'inquiète de ce qu'il considère comme des relations économiques « déséquilibrées », affirmant que son déficit commercial de près de 400 milliards d'euros avec la Chine en 2022 reflète les restrictions imposées aux entreprises de l'UE opérant dans ce pays. L'annonce de Pékin intervient également au moment où le groupe néerlandais ASML, sous pression de Washington, a annoncé stopper ses exportations de machines à fabriquer des puces électroniques vers la Chine.
(Avec AFP)
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