2012. Le Parti socialiste vient d’accéder au pouvoir avec François Hollande, Montpellier est champion de France de foot (oui, oui), et toute zone périurbaine ou périphérique compte sa Pataterie. La franchise de restauration à table est alors à son sommet, avec plus de 220 enseignes à travers le pays. Douze ans plus tard, difficile de déterminer qui va le plus mal. Montpellier se bat pour son maintien en Ligue 1, le PS fait moins de 5 % à la présidentielle, et La Pataterie ne compte désormais plus que 56 restaurants, soit un quart de son ancien empire.
« La décennie 2010 a connu l’apogée des fast-foods et une concurrence toujours plus accrue », déplore Laurent Gillard, nouveau CEO de la chaîne depuis 2022. Le Covid-19 est aussi passé par là, provoquant une importante saignée – la chaîne comptait encore 130 établissements en 2019. Mais le patron l’assure, il n’est pas là pour se lamenter sur le passé, ou juger les décisions prises avant lui, mais bien pour présenter un plan de relance et une réorganisation en ce début février.
« Les franchises de restauration, ça ne marche plus »
Faire table rase des mauvais souvenirs peut sembler tentant, mais le passé a le mérite d’enseigner que le mal est profond. Car La Pataterie n’en est pas à sa première tentative de sortir la tête de l’eau bouillante, avec ou sans amidon. Elle avait déjà connu « un plan de relance » en 2021, initié par l’éphémère PDG Sébastien Laporte. Avant, en 2019, c’était une « réorientation » sous la houlette de Michael Cottin, nommé dirigeant en décembre 2017. Mais aussi un autre « plan de relance » en 2016, avec Alexandre Maizoué aux manettes. A chaque fois, des échecs.
Une chute presque inéluctable pour les yeux avisés de Bernard Boutboul, président de Gira, cabinet spécialisé de la restauration hors domicile. La problématique n’est pas celle d’une boîte qui a vu trop grand, mais d’un changement d’époque et de génération, un mouvement un poil plus complexe à arrêter. « Les franchises de restauration, ça ne fonctionne plus, tranche l’expert, citant Courtepaille ou Napaqaro (ex-Buffalo Grill). Pour les parents et les grands-parents, c’était l’assurance de la qualité d’un repas, le choix de la sécurité. Mais les moins de 30 ans sont anti-chaînes, ils veulent des expériences uniques, originales, décalées, des concepts ».
La pomme de terre contre la cuisine du monde entier
Même les marques américaines, hormis le duopole McDonald’s-Burger King désormais trop bien installé pour chuter, connaissent des difficultés au pays de la gastronomie, comme on l’expliquait dans ce papier. « Les consommateurs privilégient désormais les chaînes beaucoup plus petites et intimistes et ont plutôt tendance à fuir les grands groupes », relance Nathalie Louisgrand, enseignante-chercheuse spécialiste de la gastronomie à la Grenoble Ecole de management.
« La concurrence s’est accrue, si bien qu’il y a toujours un nouveau restaurant ou une petite chaîne à découvrir au lieu de refaire le même classique », poursuit la spécialiste. Que peut une pomme de terre contre des sushis, des poké bowls, des wokes, des pizzas, du poulet frit et toutes les nouvelles recettes ayant explosé ces dernières années ?
La Pataterie a-t-elle perdu son âme ?
C’est l’autre problème quasi insoluble de La Pataterie. Une carte qui ne correspond plus nécessairement aux attentes, comme l’explique Clémentine Hugol-Gential, professeure et spécialiste des enjeux contemporains de l’alimentation à l’université de Bourgogne. « Aujourd’hui, la nourriture doit être esthétisée, instagramabilisée, multiculturelle et healthy. » Pas vraiment son truc, à la pomme de terre. Sa consommation en France est d’ailleurs en chute libre : elle est passée de 65 kg par habitant et par an en 2007 à moins de 50 aujourd’hui.
Reste que quand on s’appelle La Pataterie – et Laurent Gillard a bien indiqué ne pas vouloir changer le nom –, on n’a pas vraiment le choix. Là encore, l’enseigne s’est parfois perdue. « Avec la tendance au mono produit, l’enseigne a tout intérêt à remettre la patate au centre de tout, à être une sorte de temple de la pomme de terre. Ce serait au moins un concept fort au lieu de proposer des nems, des salades ou des entrecôtes comme elle l’a fait, ce qui ne correspond pas à son identité », estime Bernard Boutboul.
Un mal trop profond pour être soigné ?
Laurent Gillard a bien noté certains de ces problèmes. Il souhaite moderniser l’enseigne, le logo, les établissements – fini les tracteurs en plein milieu de certains restaurants. Mais également se concentrer sur la patate, avec une nouvelle cuisson et une présence dans quasiment chaque plat de la carte (pas les desserts, on vous rassure).
Reste que le mal est peut-être déjà fait. « Ce genre de franchise a une image un peu vieillotte, pour ne pas dire ringarde », admet Clémentine Hugol-Gential. Bernard Boutboul : « Ce sont des marques avec une très grosse notoriété et une mauvaise image, c’est difficile à changer. Le consommateur va être sceptique si on lui dit ''Revenez, on a changé''. » Comme pour le Parti socialiste ou le jeu proposé par Montpellier, remarquez.
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