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Bruno Le Maire à « Sud Ouest » : « Ceux qui travaillent n'en peuvent plus de payer pour tout et pour tout le monde » - Sud Ouest

L’Insee doit confirmer mardi le dérapage de nos finances publiques avec un déficit qui devrait dépasser les 5 %. Doit-on déduire que vos prévisions de croissance étaient fausses ?

Absolument pas ! Nous avions prévu 1 % de croissance en 2023, nous avons fait 0,9 %. Mais nous avons eu un ralentissement économique marqué fin 2023-début 2024. C’est ce qui a conduit beaucoup de pays de la zone euro, dont la France, à réviser leur prévision pour cette année. Début février, l’Allemagne a ramené la sienne de 1,3 % à 0,2 %. Pour la France, l’OCDE et la Commission européenne avaient estimé qu’en 2024, notre croissance serait, respectivement, de 1,3 % et de 1,2 %. C’est très proche du 1,4 % que nous avions envisagé. Si nous avons ramené notre prévision à 1 %, c’est en raison du fort ralentissement de l’activité en Chine, et en Allemagne, notre principal partenaire commercial.

Face à cela, en février, deux mois à peine après le vote du Budget 2024, vous avez annulé 10 milliards d’euros de crédit. Les oppositions estiment que ce Budget 2024 est « insincère », ce qui est une accusation grave…

Accusation grave et totalement infondée. Ces oppositions qui nous disent aujourd’hui de faire toujours plus d’économies sont les mêmes qui...

L’Insee doit confirmer mardi le dérapage de nos finances publiques avec un déficit qui devrait dépasser les 5 %. Doit-on déduire que vos prévisions de croissance étaient fausses ?

Absolument pas ! Nous avions prévu 1 % de croissance en 2023, nous avons fait 0,9 %. Mais nous avons eu un ralentissement économique marqué fin 2023-début 2024. C’est ce qui a conduit beaucoup de pays de la zone euro, dont la France, à réviser leur prévision pour cette année. Début février, l’Allemagne a ramené la sienne de 1,3 % à 0,2 %. Pour la France, l’OCDE et la Commission européenne avaient estimé qu’en 2024, notre croissance serait, respectivement, de 1,3 % et de 1,2 %. C’est très proche du 1,4 % que nous avions envisagé. Si nous avons ramené notre prévision à 1 %, c’est en raison du fort ralentissement de l’activité en Chine, et en Allemagne, notre principal partenaire commercial.

Face à cela, en février, deux mois à peine après le vote du Budget 2024, vous avez annulé 10 milliards d’euros de crédit. Les oppositions estiment que ce Budget 2024 est « insincère », ce qui est une accusation grave…

Accusation grave et totalement infondée. Ces oppositions qui nous disent aujourd’hui de faire toujours plus d’économies sont les mêmes qui me proposaient, il y a seulement quelques semaines, toujours plus de dépenses. Où est leur ligne de conduite ? Pour le Budget 2024, Les Républicains ont déposé 1 800 amendements représentant 124 milliards d’euros de dépenses supplémentaires. Ne parlons même pas des députés RN… Leur programme, c’est 120 milliards d’euros de nouvelles dépenses. Par ailleurs, lorsque j’ai décidé de sortir du bouclier tarifaire sur l’énergie – pour une économie de plusieurs milliards –, les LR s’y sont opposés. Et faut-il rappeler qu’ils n’ont même pas été capables de s’entendre sur la réforme des retraites ? Un peu de cohérence !

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Ce coup de rabot de 10 milliards ne devrait toutefois pas suffire. Vous avez annoncé un possible projet de loi de finances rectificatif. Ce qui supposerait un nouveau 49.3 et une nouvelle motion de censure. Pouvez-vous prendre un tel risque politique avant les Jeux olympiques ?

Soyons méthodiques. Notre objectif est de revenir sous les 3 % de déficit en 2027 et de commencer à baisser la dette publique à partir de 2026. Cet objectif est inchangé. Nous y parviendrons en maintenant un niveau de croissance solide, en créant des emplois, et en faisant les économies nécessaires. C’est ce qui nous a permis d’avoir une croissance positive en 2023, une des meilleures de la zone euro. C’est ce qui nous permettra de garder une croissance positive en 2024, avant sans doute un rebond économique en 2025 et 2026. Dans l’immédiat, concrétisons ces 10 milliards d’euros d’économies. J’ai invité ce jeudi 28 mars à Bercy tous les présidents de groupes parlementaires pour identifier les économies supplémentaires envisageables. Gardons notre sang-froid et faisons les choses avec sérieux.

En septembre, Élisabeth Borne faisait de la transition écologique « la priorité absolue ». Pour Emmanuel Macron, l’éducation est « la mère des batailles ». Pour Gabriel Attal, l’agriculture est « au-dessus de tout ». Quel est le cap ?

Notre cap économique est le plein-emploi et la croissance.

« Nous n’augmenterons pas les impôts »

Thomas Cazenave, le ministre des Comptes publics, a annoncé que le prochain budget devrait compter au moins 20 milliards d’euros d’économies supplémentaires. Où les trouver ?

Regardons avec toutes les parties prenantes ce qui peut être fait. La moitié de la dépense publique, 50 % donc, ce sont les dépenses sociales, 30 % l’État et 20 % les collectivités. Le 9 avril, je réunirai l’ensemble des représentants des maires, des Départements et des Régions pour identifier des économies. Il faut discuter. Rétablir les comptes publics est vital pour tous les Français. Cela nous permet de reconstituer des réserves financières si demain une nouvelle crise devait survenir. Nous avons bien protégé pendant la crise du Covid et celle inflationniste. Qui pourrait le critiquer ? Maintenant, retrouvons nos capacités !

Doit-on s’attendre à des hausses d’impôts ? Sur les droits de succession par exemple ?

Non. Nous n’augmenterons pas les impôts. La hausse des impôts est une facilité, la réduction des dépenses publiques, un défi. Je préfère les défis à la facilité.

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Dans votre livre « La voie française » (Éd. Flammarion) vous plaidez pour passer de l’État-providence à l’État protecteur. Quelle est la nuance ?

Un État-providence dépense ce qu’il n’a pas, un État protecteur dépense ce qui est nécessaire et efficace. Depuis plusieurs décennies, on empile les dépenses supplémentaires sans jamais en remettre aucune en cause ni vérifier leur efficacité ou leur soutenabilité. Cet État-providence n’est pas viable. Il est encore moins approprié dans une période de fortes tensions géopolitiques. Surtout, il a comme horizon la gratuité de tout pour tous. Or, la gratuité a toujours un prix : celui que payent les contribuables. L’État protecteur, à l’inverse, fait des choix. Il garantit la sécurité des Français en investissant dans la justice, la police, dans les forces armées. Il est capable de faire face en cas de coup dur. Enfin, c’est un État qui garantit un haut niveau de protection sociale pour ceux qui en ont le plus besoin.

À vous lire, la « responsabilisation de tous » est la clé de cet État protecteur. Ça veut dire quoi ? On abaisse la protection sociale ?

Certainement pas. Mais si rien n’a de prix, plus rien n’a de valeur. Un médicament qui n’a pas de prix, il n’a pas de valeur. Si on ne dit pas combien coûte votre hospitalisation, vous pensez que c’est gratuit. Je suis profondément attaché à ce modèle de solidarité, mais nous devons nous interroger sur l’efficacité des politiques sociales. Les transports médicaux coûtent plus de 5 milliards d’euros par an. N’y aurait-il pas des économies à faire ? De même, pouvons-nous responsabiliser davantage le patient ? Sans doute. Il faut au moins ouvrir le débat. Ou alors risquons-nous de ne pas pouvoir faire face au plus grand défi français : le vieillissement de la population. C’est injuste.

Pour améliorer le pouvoir d’achat, vous plaidez pour une réduction de l’écart entre le salaire brut et le net. Or, ce sont les cotisations sociales qui financent notre modèle social…

En 1945, quand on a créé notre modèle social, il y avait très peu de prestations, beaucoup de cotisants et une démographie très dynamique. Quatre-vingts ans plus tard, nous avons multiplié les prestations, il y a moins de cotisants et le pays vieillit. Pour financer ce modèle, on a augmenté les prélèvements sur ceux qui travaillent. Et ceux qui travaillent n’en peuvent plus. L’écart entre leur salaire brut et le net peut atteindre 40 à 50 %. Est-ce normal que celui qui travaille paye systématiquement pour tout et pour tout le monde ? Je l’affirme : nous ne pouvons plus continuer à financer notre protection sociale uniquement sur ceux qui travaillent. Car beaucoup d’entre eux, à la fin du mois, ne s’en sortent pas.

« Nous devons sortir de cette idée que l’écart entre le salaire brut et le net est irréversible »

Pour y parvenir, vous proposez de transférer 5 points de cotisation sociale vers la TVA qui est payée par tous, les plus riches comme les plus démunis…

C’est une question fondamentale que je pose dans mon livre. Mais je ne prétends pas que ce soit la seule solution et elle peut être améliorée. Avec ce livre, je veux surtout ouvrir le débat essentiel pour notre nation du financement de la protection sociale en arrêtant de faire porter la charge principalement sur ceux qui travaillent. Nous devons sortir de cette idée que l’écart entre le brut et le net est irréversible. Récompenser le travail, nous l’avons fait : nous avons défiscalisé les heures supplémentaires, mis en place la prime Macron, supprimé la taxe sur l’intéressement… Continuons !

Vous écrivez que les prestations sociales sont « de plus en plus contestées par ceux qui travaillent ». Ce sentiment favorise-t-il le populisme ?

Les deux mamelles du populisme sont l’inefficacité publique et l’injustice. Beaucoup ressentent comme une injustice de payer pour ceux qui ne se donnent pas le mal de chercher un travail. Et il est inefficace de ne rien changer aux règles d’indemnisation du chômage quand le taux de ce dernier baisse et que des centaines de milliers d’emplois sont non pourvus. Enfin, je suis révolté de voir que les plus de 55 ans ont autant de mal à retrouver un travail, parce que les entreprises ne jouent pas suffisamment le jeu et que nous avons transformé l’indemnisation du chômage en retraite déguisée. Prenons ce problème à bras-le-corps.

Pourtant, avec un taux de chômage qui ne cesse de baisser, son coût devrait aussi diminuer…

Si nous avions le plein-emploi à 5 %, nous aurions moins de problèmes de déficit public. Réformer l’indemnisation du chômage, confier sa gestion à l’État, mieux accompagner les plus de 55 ans, tout cela contribuera à améliorer notre société.

« Que veut-on ? Taxer toujours plus ? Pourquoi vouloir « taper » sur ce qui marche ? »

Vous estimez que ces questions entrent dans le champ du référendum. C’est une option pour ce quinquennat ou doit-on lire ce livre comme l’amorce d’un programme pour la prochaine présidentielle ?

Ce n’est pas un livre programme, c’est un acte de volonté et de foi dans la France. La meilleure façon de prendre des décisions solides, c’est que le peuple français marque son accord. La Constitution de la Vᵉ République prévoit que le référendum puisse être utilisé sur les questions économiques et sociales.

Emmanuel Macron n’a semble-t-il pas apprécié ce livre…

Cela fait sept ans que je lis les critiques du président rapportées dans la presse ! Je les lis et je les oublie aussitôt. Depuis sept ans, nous avons construit une relation de travail solide et confiante. Ce livre veut mettre cartes sur table, poser les grands défis devant lesquels se trouve la France dans les domaines économiques et financiers, ouvrir un débat politique. Mesurons le moment où nous sommes : nous risquons de nous retrouver étouffés entre le protectionnisme américain et l’interventionnisme chinois. Nous devons réagir fortement, dans le prolongement de tout ce que nous avons accompli depuis 2017. Il y a une voie française.

Le CAC 40 se porte très bien. Les grands groupes, forts de leurs surprofits, ne devraient-ils pas participer, eux aussi, au redressement des finances publiques ?

Mais nous les taxons déjà ! Tous les grands groupes payent un impôt sur les sociétés de 25 %. Il y a un prélèvement forfaitaire unique à 30 % sur les dividendes et les rachats d’actions et nous sommes un des seuls États européens à taxer les transactions financières. Que veut-on ? Taxer toujours plus ? Pourquoi vouloir « taper » sur ce qui marche ? Lutter contre les rentes, oui. Et nous le faisons. Quand une entreprise fait des bénéfices record uniquement parce que les prix du marché ont explosé, comme les énergéticiens, nous allons chercher cette rente. Car elle est illégitime. Et nous maintiendrons cette contribution.

En février, au G20 finances, l’idée d’une taxe sur les milliardaires a été évoquée. Y êtes-vous favorable ?

Totalement ! C’est la France qui a porté la taxation des géants du numérique, nous sommes les premiers à l’avoir fait en Europe, ça nous rapporte plus d’un milliard d’euros. C’est aussi la France qui a porté la taxation des grandes multinationales pour éviter l’évasion fiscale. Je m’engage pour une taxation minimale internationale pour les individus. Les personnes ciblées sont en nombre très limité, mais cela soulève des problèmes d’équité insupportables.

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