Le 30 avril 2013, Muriel Pénicaud a fait une très bonne affaire. Selon l’Humanité, l’actuelle ministre du Travail et ancienne directrice des ressources humaines de Danone, a réalisé à cette date une plus-value boursière de 1,13 million d’euros sur ses stock-options. Deux mois auparavant, l’entreprise avait décidé la «suppression d’environ 900 postes managériaux et administratifs répartis dans 26 pays européens», dont 230 en France. L’annonce de ce plan social avait été suivie d’un bond important du titre au CAC 40. «La transaction porte sur un lot de 55 120 actions acquises à une valeur de 34,85 euros l’unité, bien en dessous du cours de l’action ce jour-là, et revendues aussitôt pour l’essentiel (52 220 actions) à 58,41 euros l’unité, au cours du marché. Soit 1 920 932 euros à l’achat, et 3 049 966,54 euros à la revente. Bilan de l’opération : une plus-value immédiate de 1 129 034,54 euros» calcule le quotidien. Une bonne passe boursière qui tombait à pic pour Muriel Pénicaud qui a effectué cette opération tout juste après l’expiration du délai de quatre ans imposé par Danone avant de pouvoir revendre ses stock-options. Selon l’Humanité, la ministre du Travail les avait acquises le 23 avril 2009 au plus bas, juste après le krach boursier.

Muriel Pénicaud a été interpellée à ce propos jeudi au Sénat par la présidente du groupe communiste, Eliane Assassi : «Cette énorme plus-value est grave sur le plan éthique et peut-être même sur le plan juridique car à vos fonctions de DRH vous avez réalisé ce plan social et en avez récolté les fruits pour votre profit personnel.» La ministre du Travail, qui a actuellement la charge de défendre le projet de loi d’habilitation pour la réforme du code du travail par ordonnances, a préféré esquiver : «Nous sommes ici pour fabriquer la loi, nous ne sommes pas ici pour répondre aux approximations, voire à la démagogie, qui concernent, en l’occurrence, ma personne.» Ajoutant simplement qu’il s’agissait d’une «rémunération décidée des années avant le plan de départ volontaire».

Synthèse tronquée

Dans sa déclaration d’intérêts relative aux cinq années précédentes et publiée ce jeudi par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, Muriel Pénicaud indique avoir reçu de janvier 2012 à avril 2014, plus de 4,7 millions d’euros de rémunération pour son poste à Danone. Au cours de la même période, la ministre du Travail avait aussi touché près de 128 000 euros de jetons de présence en tant que membre du conseil d’administration d’Orange. Puis en mai 2014, Muriel Pénicaud, nommée directrice générale de l’agence publique Business France, négocie un salaire qui peut atteindre 220 000 euros par an avec la prime de résultat. Elle déclare par exemple plus de 203 000 euros pour l’année 2016.

Muriel Pénicaud est par ailleurs inquiétée par une information judiciaire ouverte par le parquet de Paris pour délit de favoritisme et recel dans le cadre de l’organisation d’une réception à Las Vegas le 6 janvier 2016. L’organisme public Business France, qu’elle dirigeait à l’époque, est suspecté de s’être affranchi de la procédure d’appel d’offres en confiant à Havas la quasi-totalité des prestations relatives à l’organisation de la «French Tech Night», une soirée de promotion des start-up françaises. Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, était invité en grande pompe, peu de temps avant le lancement de son parti. Cette réception avait coûté près de 382 000 euros (avant renégociation). Libération avait révélé les détails de l’organisation et l’implication de Muriel Pénicaud dans la validation de certaines dépenses, et que l’actuelle ministre du Travail avait transmis aux organes internes de contrôle une synthèse tronquée d’un audit relatif à cette soirée qui gommait les risques judiciaires de l’affaire.

Ismaël Halissat