Retour sur les quelques intox de l’Emission politique, diffusée hier jeudi soir, qui avait pour invité le Premier ministre, Edouard Philippe.

Le mensonge du 13e mois offert aux Français

Les réalisateurs de l’Emission politique ont été taquins, en confrontant dès la deuxième séquence le Premier ministre au mensonge de son ministre du Budget. Une vidéo diffusée sur le plateau a montré Gérald Darmanin assénant un gros bobard: «Pour résumer, on va donner un treizième mois aux Français.» Ce qui est donc faux, comme nous l’avions expliqué dans ce Désintox. Invité à réagir, Edouard Philippe a été plus prudent, mais en restant particulièrement flou, sans désavouer vraiment son ministre: «On a un certain nombre de Français, un grand nombre de Français, qui vont avoir bénéficier d’un treizième mois». En réalité, cet élément de langage ne se vérifie que pour les Français les plus modestes (y compris les salariés autour du Smic), à la condition de ne pas prendre en compte les hausses d’impôt (tabac, augmentation de la fiscalité écologique, par exemple le diesel).

Le mensonge de la baisse des APL votée dans le précédent budget

Mis en cause lors de la scène de la visite à Emmaüs à propos de la baisse de cinq euros des APL, Edouard Philippe répond: «Moi je suis arrivé en mai 2017 et je dois exécuter le budget qui a été voté par quelqu’un d’autre.» Un propos déjà formulé sur BFM TV : «Si on avait pu faire autrement on l’aurait fait, ça c’est vrai. Cette baisse générale des APL pour tout le monde sans remise en cause des conditions d’attribution, elle est contenue dans le budget précédent, que moi j’exécute, mais que je n’ai pas voté.»

L’argument de l’exécutif sur les APL est connu, mais beaucoup moins simple que ne le dit Edouard Philippe. Primo, la loi de finances pour 2017, citée par le Premier ministre, ne comporte aucune mention d’une baisse des allocations logement. Figure seulement dans ses annexes une mesure dite «verrou», comme en impose parfois Bercy pour ne pas se faire accuser d’avoir présenté un budget insincère: «S’il s’avérait que l’équilibre financier du système d’aides au logement nécessitait de nouvelles actions, des mesures réglementaires seraient envisagées, sans remise en cause des conditions d’attribution.» Par ailleurs, il est exact que la loi de finances, selon la Cour des comptes, a sous-budgété les APL. Les magistrats financiers estimaient dans un audit daté de fin juin le «trou» à 100 millions d’euros

En bref, Edouard Philippe ne peut en aucun cas affirmer que la baisse des APL était votée, comme il l’a encore répété. Et s’il peut arguer que le budget 2017 était sous-dimensionné… le choix de combler ce trou en procédant à un coup de rabot de cinq euros sur les APL en général est bien une décision de son gouvernement. 

L’augmentation mystère du pouvoir d’achat des fonctionnaires en 2018

Si on peut globalement affirmer, après bientôt quatre mois, que le gouvernement Macron applique peu ou prou les grandes lignes du programme d’Emmanuel Macron, le premier coup de canif dans les engagements présidentiels est venu à propos des fonctionnaires. Alors qu’Emmanuel Macron avait promis dans de nombreux discours que les fonctionnaires, comme les salariés, verraient leur pouvoir d’achat augmenter en dépit de la hausse de la CSG, il n’est plus question depuis quelques semaines que de compenser cette perte de pouvoir d’achat. Pire, les discussions sur les modalités de cette compensation sont encore en cours… Et cette compensation ne devrait pas concerner les nouveaux recrutés. 

En dépit de quoi Edouard Philippe a asséné hier: «Les fonctionnaires n’auront pas de perte de pouvoir d’achat, ils auront même une augmentation moyenne de leur pouvoir d’achat au cours de l’année 2018.»

On ne sait pas trop à quoi Edouard Philippe fait allusion. Car plusieurs mesures d’économies ont été annoncées concernant la fonction publique, comme le gel du point d’indice pour la rémunération des fonctionnaires, qui n’augmentera pas l’an prochain, malgré une inflation attendue à 1,1%. Idem pour le rétablissement du jour de carence, consistant à supprimer la paie le premier jour d’absence pour maladie. 

Notons que les fonctionnaires sont les grands absents du petit livre (jaune) du pouvoir d’achat, vanté hier par Edouard Philippe. Ce récapitulatif des mesures de pouvoir d’achat profitant aux Français s’attarde sur les salariés, les handicapés, les familles, les indépendants et les retraités. Mais le mot «fonctionnaire» n’y figure pas une seule fois.

Les chiffres faux (toujours) d’Edouard Philippe sur les contrats aidés.

Sur les contrats aidés, Edouard Philippe a récidivé dans la mauvaise foi, tordant de nouveau un peu les chiffres pour justifier les coupes à venir. Le Premier ministre a raison quand il affirme que «sur le secteur non marchand, le taux d’insertion durable dans l’emploi quelques mois après la fin du contrat aidé est de 26%.» Ce chiffre, qui date de mars 2017, est celui de la Dares, le bureau des statistiques du ministère du Travail. L’étude porte sur des personnes sorties de contrats aidés en 2014. Toutefois, quand Edouard Philippe affirme à la suite que dans «les trois quarts des autres cas, six mois après le contrat aidé, il ne s’est rien passé», il se trompe. Et il l’avait déjà fait en août. La Dares compte bien 26% d’emplois stables six mois après la fin d’un contrat aidé dans le secteur non marchand… Mais elle estime aussi à 41% le nombre de personnes ayant trouvé un emploi (stable ou non) six mois après la fin d’un contrat aidé. Contrairement à ce que le laisse entendre Edouard Philippe, il n’y a pas 74% de chômeurs chez les personnes ayant terminé leur contrat aidé dans le secteur non-marchand depuis six mois, mais 51% (auxquels s’ajoutent 4% de personnes en stage ou en formation et 4% d’inactifs) ainsi donc que 41% de personnes en emplois (dont 26% durables). Le Premier ministre ne précise pas non plus que pour les contrats aidés du secteur marchand, eux aussi dans le viseur du gouvernement, la proportion d’emploi stable six mois après la fin du contrat aidé est de 57%. Un chiffre qui monte à 67% si l’on considère tous les types d’emplois.

Consigne de vote de l’entre-deux tours : Mélenchon refait l’histoire

Critiqué par certains à gauche (et par Edouard Philippe hier) pour n’avoir pas appelé à voter Macron face à Marine Le Pen, Jean Luc Mélenchon s’est défendu : «Le soir du résultat, j’ai dit qu’il ne fallait pas qu’il y ait une seule voix pour madame Le Pen. Alors, attendez, sachant qu’il n’y a que deux candidats, que ce n’est pas moi qui l’ai choisi, je dis qu’il ne faut pas voter pour l’autre. Vous ne me prendrez pas en défaut de lutte contre le Front national et les fascistes dans toute l’Europe.» 

Or, comme l’a fait immédiatement remarquer sur Twitter le journaliste Lilian Alemagna, qui a longtemps suivi Mélenchon, ce n’est pas vraiment comme cela que l’histoire s’est passée. Au soir du premier tour, Mélenchon n’a jamais prononcé ces mots. Ni même le nom de Marine Le Pen. Dans une déclaration amère, il évoque une consultation des Insoumis pour le deuxième tour.

 

«Quoi qu’il en soit, et quels qu’ils soient, lorsque les résultats officiels seront connus, nous les respecterons. Je ne saurai dire ni faire davantage à cette heure. Chacun, chacune, d’entre vous sait en conscience quel est son devoir. Dès lors, je m’y range. Je n’ai reçu aucun mandat des 450 000 personnes qui ont décidé de présenter ma candidature pour m’exprimer à leur place sur la suite. Elles seront donc appelées à se prononcer sur la plateforme et le résultat de leur expression sera rendu public.» 

Mais si Mélenchon ne l’a donc pas dit le jour même, ses amis l’ont fait dès le lendemain. Le 25 avril, lors d’une conférence de presse, Alexis Corbière précise : «Dans la consultation, il est clair qu’à aucun moment le choix du vote Front national n’est posé […] Pas une voix pour le Front national, cette option n’existe pas!», explique le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon. 

Quant à Mélenchon, ce n’est que 28, dans la vidéo sur YouTube qui marque son retour public après quatre jours d’absence, qu’il dit qu’il ne votera pas Marine Le Pen, en ajoutant un propos sibyllin: «Je ne voterai pas Front national, tout le monde le sait. […] Moi, je vais aller voter. Ce que je vais voter, je ne vais pas le dire. Mais il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour deviner ce que je vais faire.»

SERVICE DESINTOX