
Alors que la Chine est le marché mondial de l'aviation qui connaît la plus forte croissance, Airbus franchit une nouvelle étape dans le pays. Le groupe inaugure à Tianjin un centre d'équipements-cabine pour les A330, qui générera jusqu'à 300 emplois directs. Dans un entretien aux « Echos », le numéro deux d'Airbus détaille la stratégie industrielle de l'avionneur en Chine. Il fait également le point sur les retards de livraisons des moteurs Pratt & Whitney et Rolls-Royce et estime qu'Airbus est en ligne avec son objectif d'une augmentation des livraisons d'A350 d'environ 50 %. Fabrice Brégier n'a pas souhaité commenter l'avis juridique remis lundi au parquet de Vienne, démentant formellement les accusations de fraude et de tromperie de l'Autriche dans le cadre d'un contrat d'achat d'Eurofighters.
Vous inaugurez ce mercredi un nouveau site industriel à Tianjin, dédié à l'installation des équipements intérieurs dans les A330. Qu'est-ce qui a motivé ce nouvel investissement en Chine ?
Notre stratégie en Chine a démarré au milieu des années 2000, avec cet investissement très important d'une chaîne d'assemblage à Tianjin qui a été reconnu par tous comme un très grand succès et qui a permis de soutenir nos ventes. Nous avons aujourd'hui une part de marché de 50 % en Chine, alors qu'elle était à moins de 20 % quand nous avons décidé cet investissement. Afin de prolonger cette stratégie et compléter notre dispositif, j'ai souhaité que l'on étudie les possibilités de coopérer aussi dans le domaine des avions long-courrier. Les perspectives de développement du trafic international de et vers la Chine sont en effet considérables. Nous avons donc décidé d'investir dans un centre d'équipements-cabine et de livraison des A330, situé près de notre chaîne d'assemblage avec nos partenaires chinois.
Que représente aujourd'hui le marché chinois pour Airbus ?
Le marché chinois est devenu le premier au monde pour les livraisons d'avions, avec des taux de croissance de plus de 10 %. La Chine représente pas loin de 25 % des livraisons d'Airbus. Nous avons une flotte en service de près de 1.500 appareils, c'est-à-dire plus que le nombre d'Airbus qui volent dans le ciel américain. Cette croissance va se poursuivre, sachant que la Chine a lancé de grands programmes d'infrastructures, avec la construction de plusieurs nouveaux aéroports, dont un deuxième aéroport international à Pékin, qui ouvrira l'an prochain.
Quelle sera la fonction de ce centre d'équipement de Tianjin ?
Ce centre aura en charge tous les A330 destinés aux compagnies chinoises. Les avions sont assemblés et testés à Toulouse, avant d'être acheminés au stade de ce qu'on appelle « l'avion vert » jusqu'à Tianjin pour y être équipés de l'ensemble des aménagements-cabine.
A terme, Tianjin aura aussi vocation à s'occuper des A330 Neo et des A350. Cela dépendra évidemment des commandes chinoises, mais nous pensons que le marché des long-courriers va se développer plus fortement en Chine qu'ailleurs. C'est déjà le plus gros marché pour l'A330 et je pense que ça le sera aussi à terme pour l'ensemble des modèles, notamment l'A350, avec la croissance du trafic transpacifique vers les Etats-Unis. Cet investissement en Chine est lui-même lié à une commande chinoise très importante de 75 A330 en juillet 2015.
Pourquoi ne pas avoir installé une chaîne d'assemblage d'A330 en Chine ?
Dupliquer la chaîne d'assemblage d'A330 de Toulouse à Tianjin aurait nécessité des investissements extrêmement lourds, qui ne se justifiaient pas pour une production chinoise de l'ordre de 25 avions par an. Le centre d'équipement va nous permettre de renforcer notre proximité avec les compagnies chinoises et de doper nos ventes, pour un investissement de l'ordre de 200 millions d'euros. Pour la Chine, l'équipement de cabines de long-courriers est une activité nouvelle, qui requiert un niveau de sophistication très supérieur à celui d'un A320. Ce site de Tianjin va générer jusqu'à 300 emplois directs.
Quelles sont les perspectives pour la chaîne d'assemblage d'A320 de Tianjin ?
Compte tenu de la croissance du marché chinois, nous étudions la possibilité d'assembler un plus grand nombre d'appareils à Tianjin. La production actuelle est d'environ 50 appareils par an ; on pourrait vraisemblablement l'augmenter de 25 %. Mais, pour l'heure, ce n'est qu'une éventualité. Nous avons renouvelé notre accord en 2015 pour une durée de dix ans et, de mon point de vue, Tianjin a vocation à être un grand centre mondial Airbus au moins jusqu'à la fin des livraisons d'A320 et l'arrivée d'un avion de nouvelle génération, que je ne vois pas arriver avant 2030. Se posera ensuite la question de l'extension sur un nouveau modèle.
Sera-t-il question de commandes d'A380 à l'occasion de cette inauguration ?
Nous nous efforçons toujours de discuter des moyens de convaincre les compagnies chinoises de franchir le pas et de développer des hubs ou des liaisons entre grands aéroports mondiaux avec l'A380. Mais nous n'avons pas de perspectives de commandes d'A380 en Chine à court terme.
Pensez-vous que les compagnies chinoises ont vocation à devenir de grandes compagnies internationales ?
S'agissant de la Chine, il faut s'attendre à voir émerger des leaders mondiaux internationaux dans le transport aérien. La croissance du tourisme chinois à l'international est déjà très forte. Après la libéralisation des visas pour les Chinois aux Etats-Unis, on a vu des taux de croissance de 25 % à 30 % par an. Et ce n'est encore qu'une toute petite partie de la population chinoise qui voyage à l'international, alors que, sur le marché domestique, ils sont déjà plusieurs centaines de millions de Chinois à voyager chaque année.
La décision de Boeing d'ouvrir à son tour un premier site industriel en Chine a-t-elle changé quelque chose ?
Non, je ne crois pas. J'ai le sentiment que Boeing s'est senti obligé de le faire. Ils se sont d'ailleurs limités à l'équipement-cabine des 737, qui n'apporte pas la plus haute valeur ajoutée.
Nous avons ciblé des coopérations plus ambitieuses et nous les avons menés à bien, dans les délais. Ce qui est reconnu par les Chinois. Cela tient à notre volonté, mais aussi à notre savoir-faire en matière de coopération internationale, puisqu'Airbus s'est construit sur un modèle de partenariat entre pays européens. C'est un atout que notre concurrent monoculturel n'a pas. Cela nous a permis de rattraper notre retard, pour atteindre 50 % de part de marché. Sur les gros-porteurs, nous sommes même un peu au-delà des 50 % de part de marché.
Airbus devant Boeing sur les long-courriers, c'est plutôt inhabituel ?
Pas vraiment. Depuis le lancement du 787, nous avons pris plus de commandes d'A330 que Boeing, de 787. Boeing pouvait prétendre au leadership sur les gros-porteurs essentiellement grâce au 777-300ER, mais la production du 777 est passée de 10 à 3,5 appareils par mois. L'A350 a déstabilisé le leadership de Boeing sur les long-courriers. Nous en avons déjà livré plus d'une centaine, il consomme 25 % moins de carburant et son taux de disponibilité opérationnelle est déjà comparable aux meilleurs de sa catégorie. Avec l'A350-1000 qui va bientôt rentrer en service et l'A330 Neo, nous sommes en passe de devenir leader sur les gros-porteurs.
Les difficultés et les retards de livraisons sur l'A350 sont-ils résorbés ?
Oui. Nous avons déjà livré 43 A350 à fin août (contre moins de 20) à la même période de l'an dernier et nous sommes en ligne avec notre objectif d'une augmentation des livraisons d'A350 d'environ 50 %, comparé aux 49 livraisons de l'an dernier.
Les éléments de cabine qui nous sont livrés ne sont pas encore 100 % au niveau de qualité souhaité, mais il y a eu des améliorations considérables. Nous pouvons donc dire que le challenge de la montée en cadence du programme A350 sera derrière nous à la fin de l'année. Ensuite, il faudra continuer à réduire les coûts, réduire les cycles, améliorer les produits, mais nous entrons maintenant dans une phase classique d'évolution de la famille A350, parfaitement maîtrisée par les équipes d'Airbus.
Comment expliquez-vous que certaines compagnies comme United ont décidé de convertir des commandes d'A350-1000 en A350-900 ?
La vertu d'une gamme bien conçue est d'offrir au client du choix et de la flexibilité. United a révisé ses plans de croissance et a considéré que l'avion le mieux adapté pour remplacer ses 777-200ER était l'A350-900. Le bénéfice dans tout ça, c'est qu'ils en ont acheté 10 de plus, soit 45 au total. Peut-être que, dans quelques années, United décidera de compléter avec des A350-1000...
N'est-ce pas un signe inquiétant pour la croissance future du trafic ?
Non, la croissance du trafic ne bénéficie pas forcément aux acteurs établis. Certains ont également des stratégies plus prudentes que d'autres, ce qui les conduit à réduire un peu la capacité. C'est d'ailleurs ce qui pénalise les ventes d'A380. C'est un avion fantastique, plébiscité par les passagers, mais qui se situe clairement dans une stratégie de croissance et de conquête de parts de marché. Je pense que ça sera également pénalisant pour le Boeing 777X, qui offre 50 sièges de plus qu'un 777 actuel. En revanche, cette tendance correspond bien au positionnement de notre offre, ni trop gros, ni trop petit, avec de la flexibilité.
Où en est-on des problèmes de moteurs et des retards de livraisons de l'A320 Neo ?
Pratt & Whitney a connu des débuts difficiles, qui font souffrir un certain nombre de nos clients, à la fois sur la montée en cadence et sur des problèmes de maturité technique. Mais je pense que les solutions techniques définitives devraient être certifiées fin 2017 et que la situation sera revenue à la normale en 2018. Safran et GE ont également pris quelques semaines de retard dans la montée en cadence du moteur Leap, mais sans pour autant connaître les mêmes problèmes de maturité. La conséquence pour 2017, c'est que nous livrerons un peu moins d'A320 Neo équipés de moteurs Pratt que prévu. Toutefois, notre objectif de livrer autour de 200 A320 Neo cette année [contre 68 l'an dernier NDLR] reste accessible, même si c'est un objectif qui devient tendu.
Et concernant les retards de livraisons des moteurs Rolls-Royce de l'A350-1000 et de l'A330 ?
Le problème de Rolls-Royce est différent. Ils ont fait un travail exceptionnel sur le moteur de l'A350-900, tant en performance qu'en maturité, mais ils ont connu un pic de développement et quelques problèmes, qui ont conduit à des retards, pour nous comme pour d'autres clients. Cela a retardé un peu la campagne d'essais en vol de l'A350-1000, mais j'ai bon espoir que nous aurons la certification de cet avion avant la fin de l'année et nous continuons à travailler à la première livraison d'un A350-1000 pour la fin de l'année. L'A330 Neo a pris un peu plus de retard, mais nous allons faire le premier vol le mois prochain et la première livraison à TAP Air Portugal devrait intervenir vers la fin du premier semestre. Nous avons toute confiance dans la capacité de ces nouveaux moteurs à délivrer toutes les performances attendues dès leur premier jour d'entrée en service.
Safran présentera la semaine prochaine un démonstrateur de moteur « open rotor ». Croyez-vous que ce sera le moteur du successeur de l'A320 ?
L'« open rotor » est un concept intéressant, sur lequel nous avons commencé à travailler dès 2010. Mais il reste des progrès à faire sur la réduction des nuisances sonores et de sécurité. Par ailleurs, Il faut savoir que les moteurs à l'architecture plus conventionnelle ont aussi progressé énormément. On le voit avec les moteurs de l'A320 Neo. Et on parle maintenant d'une étape suivante que seraient les moteurs à très haut taux de dilution. Il est donc encore trop pour dire quelle sera la meilleure solution et le meilleur couple avion + moteur. Tout cela nous conforte dans l'idée que les avions de nouvelle génération ne seront pas prêts pour une entrée en service avant 2030.
https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/030582166751-fabrice-bregier-il-y-a-plus-dairbus-qui-volent-en-chine-que-dans-le-ciel-americain-2115696.phpBagikan Berita Ini
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