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Naval Group / Fincantieri : 9 mois pour accoucher d'un rapprochement

En parallèle de l’accord conclu hier pour la prise de contrôle des chantiers de Saint-Nazaire par Fincantieri, la France et l’Italie ont annoncé leur volonté d’aboutir à une alliance progressive, dans le secteur du naval de défense, entre le constructeur italien et le français Naval Group. Dans cette perspective, un comité de pilotage composé de représentants des deux gouvernements et des dirigeants des deux industriels, va être mis en place. Ce comité devra définir d’ici juin 2018 une feuille de route détaillant les principes de mise en œuvre de la future alliance. Il s’agit, selon Emmanuel Macron, de « créer un champion mondial » dans le secteur naval. Les patrons de Naval Group et Fincantieri, qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour voir ce dossier ouvert, se sont félicité hier de l’initiative franco-italienne : « Nos deux groupes ont déjà coopéré avec succès sur les programmes de frégates Horizon et FREMM et nous sommes impatients de concrétiser ensemble notre ambition européenne. Ce projet doit permettre de soutenir notre développement international dans un contexte de concurrence accrue sur le marché du naval militaire, tout en poursuivant nos missions respectives au service des marines française et italienne », ont déclaré Hervé Guillou et Giuseppe Bono.

Les grandes fusions d’activités pour le moment exclues

Les deux pays se donnent donc 9 mois pour jeter les bases de la future alliance. Si  rapprochement il doit y avoir, cela ne passera pas, du moins à court et moyen terme, par une fusion des activités des deux industriels dans le domaine des bâtiments militaires de surface. Cette hypothèse, redoutée par certains syndicats, est exclue, tout comme le « découpage » de toute autre activité de Naval Group. Seule une reprise des discussions autour d’une société commune dans le marché de niche des torpilles devrait intervenir rapidement avec le groupe italien Leonardo. Mais sans aucune certitude quant à son issue, de précédents projets de rapprochement dans ce domaine, pourtant bien avancés, ayant déjà échoué.

Pas de grand programme structurant pour porter une consolidation

Sur le papier, fusionner l’activité franco-italienne sur le segment des frégates, corvettes et autres patrouilleurs ne serait pas dénué de sens. Cela éviterait une concurrence mortifère entre Européens, au moment où la concurrence étrangère, en particulier asiatique, monte dangereusement en puissance. Les deux pays pourraient donc s’allier pour répondre ensemble aux projets de marines étrangères, afin de décrocher plus de contrats et de se répartir ensuite les bateaux à construire. Mais cette perspective se heurte aujourd’hui à deux réalités. D’abord, si une telle réorganisation aurait été probablement possible il y a quelques années sur la base de projets communs, elle ne l’est désormais plus puisque chaque pays a récemment lancé ses propres modèles de nouveaux navires, avec en soutien des programmes nationaux qui courent jusqu’à la fin de la prochaine décennie (FTI en France et PPA en Italie). Dans le même temps, un tel scénario constituerait un non-sens économique pour Fincantieri, qui contrairement à Naval Group assoit son modèle non seulement sur le militaire, mais aussi sur les constructions civiles, en particulier les paquebots. Scinder ces deux activités, en l’état actuel des choses, fragiliserait l’équilibre sur lequel les chantiers italiens se sont développés depuis trois décennies.

Il n’est pas non plus question, pour la France, de partager son savoir-faire stratégique dans le domaine des sous-marins, sur lequel les Italiens se contentent de construire des modèles allemands en transfert de technologie. Ce qui peut néanmoins sur le long terme présenter un intérêt pour les Français, lorsqu’il s’agira de remplacer l’actuelle composante sous-marine de la flotte italienne. Mais sur le court terme, hormis une coopération autour des pétroliers-ravitailleurs, il y a donc bien peu de grain à moudre côté programme dans les années qui viennent, ce qui pose un vrai problème.

Une volonté politique et industrielle

Néanmoins, la volonté politique de tenter un rapprochement apparait forte, et on sait cet élément essentiel. Elle est en outre partagée, et même fortement encouragée, par les patrons de Naval Group comme de Fincantieri, qui prônent donc une alliance européenne pour résister à la montée en puissance de la concurrence internationale, en particulier asiatique et russe. Même si l’opération ne se fait pas industriellement dans les meilleures conditions, eu égard aux programmes nationaux structurants déjà lancés, qu’elle est complexe et prendra probablement du temps, la volonté des deux pays peut suffire à faire un premier pas vers une consolidation.

Echanges capitalistiques

Estimée comme la plus probable ces dernières semaines, la piste d’une prise de participation croisée entre les deux industriels semble bel et bien au goût du jour. L’idée actuellement est de travailler sur la possibilité de voir Naval Group (actuellement détenu à 65% par l’Etat français et à 35% par Thales) prendre 10% de Fincantieri (possédé à l’heure actuelle à 72% par l’Etat italien, le reste étant en bourse), les Italiens ayant une part équivalente dans le capital du groupe français. Dans les deux cas, la montée au capital se ferait sur les participations étatiques. Si la coopération se développe bien, une seconde étape pourrait voir les parts de chacun monter à 20%, et ainsi de suite pour tendre in fine, et progressivement, vers l’intégration d’un géant européen de la navale, sachant que Naval Group pèse aujourd’hui plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires et Fincantieri environ 4.5 milliards, auxquels il faut ajouter Saint-Nazaire (1.3 milliard) qui participerait de cette consolidation du fait de ses activités dans les grandes plateformes militaires.

Le fait que chacun possède une partie de son partenaire, mais aussi un représentant dans les Conseils d’administration (avec par conséquent un accès à des informations essentielles sur le plan stratégique, financier et commercial), permettrait, selon les promoteurs du projet, de favoriser la volonté de coopérer et en finir avec la concurrence que se livrent les deux groupes sur le marché international.

Différents axes de coopération

Dans cette perspective, à défaut de pouvoir conduire immédiatement des programmes communs en matière de bâtiments de combat, Français et Italiens réfléchissent à différentes manières de fortifier un rapprochement, au-delà des échanges capitalistiques. Cela va, comme déjà évoqué, de la possibilité de mettre en commun les ressources de R&D, afin notamment de développer une future gamme franco-italienne de navires, à la mise en place d’une stratégie commerciale concertée à l’export, en passant par des synergies industrielles, par exemple dans l’achat groupé d’équipements.

Un projet en gestation depuis un moment

Pour mémoire, cela fait deux bonnes années que Naval Group et Fincantieri discutent d’un possible rapprochement. En France, le précédent gouvernement avait néanmoins freiné les ardeurs industrielles autour de ce projet, connu sous le nom de Magellan. Il avait même été pour ainsi dire stoppé net lorsqu’il s’est avéré fin 2016 que, contre toute attente, Fincantieri se retrouvait seul en lice pour reprendre les parts de STX dans les chantiers nazairiens (le candidat soutenu officieusement par la France ayant jeté l’éponge au dernier moment).

Concrétisation grâce au bras de fer autour de Saint-Nazaire

C’est finalement la décision du nouvel exécutif français de renégocier l’accord conclu entre Fincantieri et le précédent gouvernement qui a offert l’ouverture tant attendue par Hervé Guillou et Giuseppe Bono. En refusant de laisser la majorité aux Italiens dans les chantiers nazairiens, provoquant une vive colère de l’autre côté des Alpes, la France, pour apaiser les tensions, s’est décidée à proposer à l’Italie d’élargir la coopération au secteur militaire. C’est ainsi que le projet d’un « Airbus naval », jusque-là considéré comme un serpent de mer, est ressorti du chapeau. Reste maintenant à voir comment tout cela va concrètement se traduire.

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