Le géant finlandais des télécoms vient d'annoncer un plan social alors qu'il s'était engagé à créer 500 postes. L'Etat attend des explications.
Voilà un dossier « un peu particulier pour l'Elysée », selon l'expression du délégué central CFDT de Nokia, Bernard Trémulot. Une rencontre de deux heures s'est tenue jeudi matin à Bercy après l'annonce, la semaine dernière, par le géant des télécommunications finlandais Nokia de la suppression de 597 emplois d'ici à 2019 sur les deux sites de Lannion (Côtes-d'Armor) et Saclay (Essonne), alors que quelque 400 postes avaient déjà été supprimés l'an dernier. D'un côté de la table, le secrétaire d'Etat à l'Economie Benjamin Griveaux. De l'autre, sept syndicalistes de Nokia membres de l'intersyndicale CGT, CFTC, CFDT, CFE-CGC. « Il n'y a eu aucun engagement. Nous sommes un peu déçus, mais nous avons été écoutés », concède Chantal Le Corvellec, déléguée CGT chez Nokia.
En cause : la situation en France de l'ex-n°1 mondial en téléphonie mobile, qui vient d'annoncer, contre toute attente, son deuxième plan social en deux ans... après avoir promis en 2015 pas moins de 500 créations de postes en recherche et développement devant un certain Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie. « Trois cents postes devaient être créés d'ici fin 2017, nous n'en sommes qu'à 111. Par ailleurs, Nokia s'était engagé à maintenir les effectifs en France à 4 200 personnes pendant deux ans. Le compte n'y est pas », dénonce Bernard Trémulot. « Faux ! rétorque une porte-parole de Nokia. Entre les départs et les arrivées, nous arriverons bien au chiffre de 4 200 postes, même si c'est long à mettre en place. »
«A chaque fois, Nokia réclame plus de temps, mais cet argument ne tient plus»
En 2015, c'est donc Emmanuel Macron, accompagné de son directeur de cabinet Alexis Kohler - aujourd'hui secrétaire général de l'Elysée - qui avait pris en charge le dossier et rencontré la direction dans le cadre du rachat du français Alcatel-Lucent par Nokia.
Depuis ce rachat, effectif en janvier 2016, des réunions « de suivi des engagements », organisées par l'entreprise finlandaise, ont eu lieu tous les six mois entre un représentant de l'Etat, les syndicats et la direction. « A chaque fois, Nokia réclame plus de temps, mais cet argument ne tient plus », souligne Bernard Trémulot. Par ailleurs, d'après la CGT, l'entreprise aurait touché 67 millions d'euros en Crédit d'impôt recherche (CIR) et CICE (Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) l'an passé. Un chiffre « tout à fait plausible », confirme un expert des questions fiscales. Du côté du ministère de l'Economie, on refuse pour l'instant de « brandir la menace ».
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« Quand on prend des engagements vis-à-vis de l'Etat, il faut les tenir, rappelle Benjamin Griveaux, visiblement agacé. Nous attendons d'avoir des explications sur la stratégie de l'entreprise », commente le secrétaire d'Etat, qui a prévu de rencontrer la direction de Nokia en début de semaine prochaine. « Pour être mené à terme, un plan social doit être validé par l'administration, rappelle néanmoins un haut fonctionnaire. Et, par ailleurs, Nokia fabrique des câbles sous-marins pour l'Etat et pourrait être frappé de mesures de rétorsion. »
Le dossier Nokia n'est pas sans rappeler la situation d'une autre entreprise étrangère, américaine celle-ci, qui a annoncé cet été un plan de restructuration deux ans seulement après avoir acquis un fleuron de l'industrie française. A Grenoble, l'américain General Electric (GE) Hydro, qui a racheté en novembre 2015 l'équipementier français Alstom Energie, a expliqué dans un courrier adressé à ses salariés le 5 juillet « échouer à atteindre ses objectifs financiers » et devoir supprimer 345 emplois à Grenoble (sur un total de 1 000 répartis dans toute la France). En 2014, pour pouvoir mener à bien cette acquisition, GE s'était pourtant engagé auprès de l'Etat à créer 1 000 emplois nets en France d'ici à fin 2018.
B.L.
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