
Le Premier ministre et le président de la République doivent des réponses aux Français sur ce dossier. Je suis certain que les discussions ont eu lieu au plus haut niveau entre la France et la Chancelière. Le fait que les conseils d'administration soient convoqués au surlendemain des élections allemandes ne peut relever du hasard. Ne nous racontons pas d'histoire : c'est Alstom qui sera avalé par Siemens. Plusieurs questions se posent : quel a été le rôle de l'exécutif ? Pourquoi n'a-t-on pas exploré une alliance avec Bombardier qui, du coup, risque de se précipiter dans les bras de CRRC, le nouveau géant chinois du ferroviaire ? Pourquoi n'y a-t-il pas eu un autre choix de rapprochement, par exemple entre Alstom et Thalès pour l'activité de signalisation, ce qui aurait créé un leader mondial ? Enfin, s'il s'agit bien de constituer un Airbus du ferroviaire, il faut absolument que l'Etat soit partie prenante. Pourquoi est-il prêt à jouer un rôle stratégique dans les chantiers navals, et pas dans le ferroviaire qui n'est pas moins stratégique ? L'argument selon lequel STX serait plus stratégique en raison de sa présence dans le secteur militaire ne tient pas : ce n'est pas la partie dominante des chantiers navals. Pour que la France ait abdiqué l'ambition d'avoir un champion français, il y a des raisons que le gouvernement doit expliquer. Je ne m'explique pas son silence et celui de l'Elysée. Avec cette opération, on ne construit pas un champion européen mais un champion allemand.
Les discussions que j'ai eues avec lui ne m'ont en rien rassuré. Il me parle de garanties pour l'emploi mais ce sont des garanties de papier : rien n'empêchera de changer les choses dans quelques années. J'attends d'ailleurs toujours que l'on m'explique comment le constructeur de l'ICE et celui du TGV peuvent nous garantir qu'il n'y aura pas à un moment ou à un autre concurrence entre les deux. En outre, la précipitation est suspecte : Alstom possède 2 milliards d'euros de cash et plus de 30 milliards d'euros de commandes. Où est l'urgence ? Je pose la question : est-ce la relation franco-allemande qui a dicté cette fusion ? Je ne veux pas que le prix à payer de l'amitié franco-allemande soit la relégation de l'industrie française.
C'est un faux Airbus du ferroviaire ! Si nous voulons vraiment en créer un, il faut que l'Etat lève son option sur les titres détenus par Bouygues. Cela montrera que l'Etat croit au caractère stratégique de l'opération et qu'il pourra même à terme en tirer une plus-value. L'Etat serait-il devenu si riche qu'il puisse se permettre de renoncer à une plus-value ? Il y a dans ce dossier un manque criant de transparence. Je suis président d'une région qui passe des commandes à Alstom, mais les trains qui nous sont destinés ne sont pas fabriqués dans ma région. L'enjeu pour moi n'est donc pas seulement régional, il est national. Veut-on encore garder des fleurons industriels en France ? Cela pose le problème de la politique industrielle de ce gouvernement. Veut-on ou non consolider des champions mondiaux ? Alstom est le symbole des années perdues en matière industrielle et la gestion de ce dossier montre que l'on est toujours dans cette logique, pas dans celle d'un rebond de notre industrie. Ce gouvernement n'a pas de ministre de l'Industrie, il baisse l'impôt sur les sociétés mais ne s'attaque pas aux 153 taxes qui pèsent sur la production. Il ne croit plus à l'industrie française.
Il aurait toujours une perspective de plus-value et rien ne l'empêcherait, s'il croit vraiment aux mérites de ce rapprochement, de monter à 15% ou 20 % via la BPI dont c'est aussi la vocation.
Absolument pas ! Mon raisonnement en matière de stratégie industrielle serait le même quelle que soit la nationalité. Le gouvernement allemand, la chancelière Merkel en particulier, a toujours fait la promotion de l'industrie allemande et je ne lui en fais pas le reproche. Ils défendent leurs intérêts, défendons les nôtres. Rappelez-vous : c'est le gouvernement allemand qui a fait échouer le rapprochement entre EADS à l'époque et le groupe britannique BAE car les Allemands avaient le sentiment que ce n'était pas l'intérêt de leur industrie.
https://www.lesechos.fr/industrie-services/industrie-lourde/030617720039-xavier-bertrand-alstom-siemens-on-ne-construit-par-un-champion-europeen-mais-un-champion-allemand-2117237.phpBagikan Berita Ini
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