
Cash Investigation fait sa rentrée ce mardi 26 septembre avec une immersion inédite dans le monde impitoyable du travail. Dans le viseur de l'indomptable Elise Lucet, deux fleurons de la croissance en France: Lidl et Free. Le premier a fait le choix en 2012 de sortir du hard-discount, ce qui lui a réussi sur un plan économique. Mais la question que pose Sophie Le Gall, qui a mené cette enquête pendant un an est la suivante: "est-ce que cette montée en gamme a profité aux salariés?" Pour Free, ce qui a interpellé les enquêteurs de Cash Investigation est cette déclaration faite à l'été 2016 par Xavier Niel dans le magazine Society: "Les salariés dans les centres d'appels, ce sont les ouvriers du XXIè siècle. C'est un métier horrible. Le job qu'ils font, c'est le pire des jobs". "Qu'un patron parle ainsi de ses salariés nous a beaucoup surpris", raconte Sophie Le Gall qui dévoile pour Challenges les coulisses de ce premier numéro qui sera diffusé à 20h50 sur France 2.
Chez Free, la capacité à licencier comme critère de recrutement
"Dans le cadre de l'enquête, j'ai été amenée à rencontrer un responsable de plateau qui avait été licencié quelques mois plus tôt par Free alors qu'il était en dépression. Il a travaillé pendant dix ans chez Free, en montant petit à petit tous les échelons. Il était télé-conseiller à la base, c'était un très bon élément qui est devenu responsable d'équipe, puis responsable plateau. Il était très investi dans son travail et nous a parlé assez librement des critères de recrutement de Free. 'Quand on m'a recruté comme responsable d'équipe, une des questions qu'on m'a posées était: 'Est-ce que vous avez des états d'âme à licencier des gens?' Au fil du temps, le management Free était de plus en plus difficile à vivre pour ce cadre qui a dû licencier une centaine de salariés en quatre ans. Il avait le sentiment de faire des choses contre sa volonté. Puis un jour, il a reçu lui-même un avertissement et comme il connaissait assez bien le fonctionnement de ce centre d'appels Free, il s'est dit: 'C'est mon tour'. Un matin, il a été incapable de se lever et un médecin l'a arrêté pour burn-out. Il ne s'est plus rendu au travail pendant quelques mois et a été licencié. Ce qui a été très violent pour lui."
L'existence d'une "liste noire" de salariés dans un centre d'appels Free
"C'est toujours ce même salarié qui raconte qu'il a travaillé chez Mobipel en région parisienne, un centre d'appels qui est une filiale à 100% de Free. Fin 2014, des salariés ont fait un débrayage de trois heures. Par la suite, il lui a été demandé de faire une liste de ceux qui avaient débrayé et de les transmettre à la direction. Pour ces derniers, il leur sera quasiment impossible d'évoluer vers des postes à responsabilité. D'autant que la directrice des centres d'appels de Free a envoyé un mail aux représentants syndicaux où elle va leur dire que désormais, le site est considéré comme sensible et qu'ils vont arrêter les recrutements. Pendant quelques mois, les recrutements vont s'arrêter et les effectifs mois après mois vont fondre. Trois ans plus tard, les effectifs ont été divisés par deux", raconte Sophie Le Gall qui a fait une demande d'interview de Xavier Niel auprès du service de presse d'Iliad. "Hélas il n'a pas accepté", déclare-t-elle. C'est donc Maxime Lombardini, le numéro 2 de Free qui a accepté de répondre ce soir aux questions d'Elise Lucet.
La robotisation des préparateurs de commandes chez Lidl
L'équipe de Cash Investigation a infiltré un journaliste dans un entrepôt qui a travaillé pendant cinq semaines au rythme du management Lidl. "L'idée, c'était vraiment de pouvoir comprendre ce qu'était ce métier de préparateur de commandes. Ce sont principalement des hommes qui toute la journée portent les colis qui vont être acheminés dans les magasins. Ce qui nous a permis de vraiment comprendre ce métier. Chez Lidl, les préparateurs travaillent avec une commande vocale. Sept heures par jour, vous avez un casque sur la tête qui vous dicte ce que vous devez porter, dans quel rayon vous devez aller et toute la journée, vous échangez avec cette machine, répétant jusqu'à 3.600 fois le mot "ok", sachant que le salarié n'a le droit qu'à 47 mots pour répondre à cette commande vocale. Nous, ce qu'on voulait, c'était vivre de manière subjective ce travail. On a vu des études menées par des chercheurs qui s'inquiètent de ces méthodes de travail, qui certes augmentent la productivité dans les entrepôts, mais il y a un effet de robotisation sur les salariés, une déshumanisation du travail. Lidl nous avait assuré qu'il n'y avait pas d'objectifs de cadence à tenir et on découvre une toute autre réalité quand on se fait embaucher chez Lidl. Il y a une forme d'isolement du salarié qui est toute la journée en contact avec cette commande vocale, sans pouvoir échanger avec ses collègues".
Des milliers de caissières de Lidl licenciées pour inaptitude au travail
"Dans cet univers ultra-concurrentiel de la grande distribution, des entreprises comme Lidl mettent en place des nouvelles façons de travailler pour augmenter la productivité des salariés. Avec le système de caisses à triple scannage, une caissière doit passer 30 articles par minute et la question qu'on doit se poser, c'est à quel prix? Quand vous scannez des produits toute la journée, les risques de contracter des TMS (Troubles musculo-squelettiques) sont très forts. Au début de l'enquête, on a réussi à se procurer un rapport commandé par le comité d'entreprise qui scrute tous les éléments chiffrés chez Lidl. Un chiffre nous a particulièrement frappés: en 5 ans, Lidl a licencié plus de 2.200 salariés pour inaptitude au travail avec seulement 22 reclassements. Comment est-ce qu'on fait pour arriver à un chiffre aussi élevé et pourquoi Lidl ne reclasse pas ses salariés? Or, une partie d'entre eux sont devenus inaptes au travail. Des caissières nous ont raconté la difficulté de retrouver du travail quand on a le poignet qui lâche ou les cervicales totalement abîmées. Qu'est-ce qu'on fait après? Qu'est-ce qu'on fait de ces salariés qui ont été usés par le travail?"
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