Les négociations bloquent sur le secteur du transport routier.
Les vingt-huit pays de l'UE peinaient ce lundi soir à s'accorder sur une réforme du travail détaché, une promesse qu'Emmanuel Macron a placée au cœur de sa campagne présidentielle. Malgré un projet de compromis poussé en dernière minute par la France et par l'Espagne, les ministres du Travail se préparaient à de longues et périlleuses tractations dans la nuit.
Le projet de directive, discuté depuis dix-huit mois à la Commission Juncker d'abord, puis au Parlement européen et par les vingt-huit capitales, vise à faire bénéficier 2 millions de travailleurs détachés hors de leur pays de la règle «À travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail». Le principe a longtemps inquiété des pays d'Europe centrale et orientale, soucieux de garder jusqu'au bout l'avantage compétitif d'une main-d'œuvre à bon marché. Pourtant, il a fini par faire un quasi-consensus à Luxembourg. Le blocage est venu d'ailleurs: le cas particulier du transport, passagers et marchandises.
Les routiers espagnols et portugais, qui n'ont que la France comme porte d'entrée dans l'UE, effectuent des opérations de «cabotage» dans l'Hexagone, une pratique qui consiste à charger puis décharger à plusieurs reprises hors de leurs frontières. Ils concurrencent ainsi les routiers français, dont les salaires et les charges sociales sont plus élevés. Le même contentieux pèse en Allemagne, face à des concurrents polonais et d'Europe centrale.
Paris, Berlin, les Pays-Bas, l'Autriche et le Benelux veulent limiter d'emblée le cabotage sur leur territoire et appliquer le principe d'égalité des salaires dès que la directive entrera en vigueur
Paris et Berlin, mais aussi les Pays-Bas, l'Autriche et le Benelux veulent limiter d'emblée le cabotage sur leur territoire et appliquer le principe d'égalité des salaires dès que la future directive entrera en vigueur. La Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie, mais aussi la Grèce, l'Irlande, le Portugal et l'Espagne s'y opposent vigoureusement. Ils veulent réserver la décision à une autre réglementation européenne en préparation et propre au secteur des transports: le «paquet mobilité». Le débat sur le travail détaché a commencé par opposer l'est et l'ouest de l'UE. Son issue s'est jouée hier soir sur les intérêts contradictoires des pays du centre et ceux de la périphérie.
En fin d'après-midi, un «compromis» de dernière minute poussé par l'Espagne et la France semblait avoir fait long feu. Peut-être préparé par Emmanuel Macron et Mariano Rajoy lors d'un tête-à-tête au sommet à Bruxelles, il prévoyait de repousser la question du cabotage de deux ou trois ans. Mais il s'est heurté de plein fouet à l'opposition du front oriental et d'un groupe de Visegrad ressuscité pour la circonstance. À la traditionnelle intransigeance de la Hongrie et de la Pologne s'ajoute désormais l'inflexibilité de la République tchèque, après le succès électoral du milliardaire Andrej Babis.
« Une décision à la majorité provoquerait une nouvelle fracture en Europe »
Le retournement de l'Espagne et l'échec du «compromis» qu'elle a poussé avec la France ont changé la donne à Luxembourg. Si Madrid confirme son positionnement, il existe du côté occidental de l'UE une majorité qualifiée pour imposer ses vues au camp oriental. Resterait alors à connaître le prix que le gouvernement Rajoy a demandé à Paris pour son ralliement. Resterait surtout à éviter un nouveau déchirement politique à l'intérieur de l'UE.
«Une décision à la majorité provoquerait une nouvelle fracture en Europe», avertit Szabolcs Takacs, le ministre hongrois, soutenu par ses trois collègues du club de Visegrad. Autour de la table, hier soir, beaucoup avaient en tête un précédent passage en force, il y a deux ans: l'introduction de «quotas» de réfugiés, point de départ d'une crise qui dure encore entre les deux moitiés de l'Europe. Avant d'en prendre le risque, les Vingt-Huit restaient hier soir à la recherche d'un difficile consensus.
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