
Depuis un an, Total l'avait maintes fois annoncé. Cette fois, c'est fait. Ce matin, le pétrolier a lancé sous son propre nom une offre d'électricité et de gaz à destination des particuliers. Avec Total Spring, il veut conquérir 3 millions de clients avant cinq ans (il en possède déjà 400.000 avec Lampiris, l'opérateur belge qu'il racheté l'an dernier) et vise 10% de parts de marché. Comme l'a dit Patrick Pouyanné, lancer un nouveau produit n'est pas dans les habitudes de Total. Pour l'occasion, le géant des d'hydrocarbures s'est doté d'une touche jeune. Le PDG a enlevé sa cravate et c'est dans un appartement " branchouille " du neuvième arrondissement de Paris (avec un poêle à bois au milieu de la pièce, une baignoire vieillotte et une sculpture de Mao) qu'il a présenté Total Spring. " Le marché des particuliers est ouvert à la concurrence depuis dix ans mais les Français n'en ont pas vu le résultat sur leurs factures (EDF détient 84% du marché de l'électricité et Engie 75% de celui du gaz, NDLR), a-t-il indiqué. On veut agiter la concurrence. Il y a des dormeurs et il faut les réveiller." Depuis quelques mois, le mastodonte EDF est d'ailleurs ébranlé sur ses bases. L'opérateur français connaît une hémorragie sans précédent dans son portefeuille d'abonnés. Sur le dernier trimestre EDF a perdu 329 000 abonnés, soit 100 000 par mois, un rythme totalement inédit même si avec plusieurs dizaines de millions d'abonnés EDF n'est pas encore en panique.
L'agitateur Pouyanné arrive avec une offre qu'il qualifie d' " agressive" : un rabais de 10% par rapport aux offres au tarif régulé sur le gaz et l'électricité verte. " D'après nos simulations, avec un appartement de 75 m2 , vous pouvez bénéficier d'une réduction de 126 euros sur votre facture annuelle d'électricité, indique Sophie Audic, directrice de Total Spring. Les possesseurs d'une maison de 150 m2 pourront économiser 222 euros. " Pas négligeable mais pas " bouleversifiant " non plus. Ceux qui s'attendaient à une offre disruptive, à des prix bradés à l'image du marché des terminaux mobiles resteront sur leur faim. Patrick Pouyanné a demandé au fondateur de Lampiris Tom van de Cruys si une baisse de 20% lui semblait possible. Ce dernier lui a répondu qu'une génèrerait des années de pertes. Le patron a préféré renoncer. " Avec 10% de diminution on sera en tête sur les sites comparateurs de prix", assure-t-il.
Le numérique, « un game changer »
Le marché de l'énergie n'est pas celui des télécoms. Dans le gaz et l'électricité, la marge des opérateurs alternatifs est plus réduite car la concurrence ne joue que sur les coûts d'approvisionnement des électrons et de la molécule, soit un tiers du prix de la facture. Les deux tiers restants –les coûts de réseaux et les taxes- sont des dépenses incompressibles. " Le seul moyen réel de réduire sa facture, c'est de consommer moins, indique Nicolas Goldberg, consultant énergie à Colombus Consulting. Sur ce poste de l'efficacité énergétique, les énergéticiens ont un rôle d'accompagnateur à jouer." A l'avenir, avec l'arrivée des compteurs intelligents, des offres plus inventives devraient voir le jour avec des tarifs week-end, des prix cassés passés 20 heures etc. Les prix pourraient alors connaître une baisse significative. Un autre " game changer " sera la propagation du numérique. " Mais cela prendra du temps, confie Etienne Beeker, chargé de mission à France Stratégie. Car pour réaliser des économies d'électricité, il faudra que tous les objets du foyer (radiateur, four, eau chaude, congélateur, voiture électrique) soient connectés."
La polémique avec Jean-Bernard Lévy
Dans ce nouveau paysage énergétique, Total estime avoir des arguments à faire valoir. Depuis cinq ans, le pétrolier possède différentes briques dans le secteur de l'électricité et des renouvelables: la technologie avec le fabricant de panneaux solaires SunPower, le stockage avec Saft, le distributeur avec Lampiris, et depuis septembre le producteur solaire avec la prise de participation dans EREN RE et le spécialiste dans l'efficacité énergétique avec GreenFlex. Reste qu'au sein du petit milieu des électriciens, la stratégie de Total ne fait pas l'unanimité. " SunPower a perdu 3 milliards ces dernières années (en vérité 1,536 milliard de dollars depuis 2013, NDLR), nous disait le mois dernier le PDG d'EDF Jean-Bernard Lévy. Lampiris, ils l'ont acheté à un prix plus élevé que celui que nous proposions. Ils n'ont pas les synergies pour commercialiser de l'électricité. Et de toute façon, dans nos métiers, ce n'est pas dans la commercialisation que l'on gagne de l'argent. " Ce matin, Patrick Pouyanné a répondu à son homologue d'EDF. " Je ne sais pas s'il est nerveux. Nous en tout cas, on ne l'est pas. On verra si on a ou pas de synergies. On est un des plus grands acteurs du gaz (avec 5% de parts de marché mondial du GNL) et on veut se développer vers l'aval, amener le gaz un peu partout sur la planète et le transformer en électricité." Dans le pétrole, le groupe qui produit, raffine, transforme et fournit le carburant aux clients, ne fait pas autre chose. Cette stratégie intégrée a prouvé son bien fondé dans les hydrocarbures. Peut-elle maintenant se dupliquer avec la même efficacité dans les électrons ?
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