
Le ministre de la Transition écologique et solidaire a évoqué un «calendrier difficile à tenir», en dépit des promesses du candidat Macron. Les ONG dénoncent un «signal désastreux».
C’est une promesse de campagne d’Emmanuel Macron qui tombe aux oubliettes. Et en même temps, ce n’est pas une surprise. Nicolas Hulot a très clairement indiqué mardi que la France ne ramènera pas la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50% en 2025 – contre 75% aujourd’hui –, contrairement à ce qui est pourtant prévu dans la loi de transition énergétique de 2015. «Il sera difficile de tenir ce calendrier de 2025, sauf à relancer la production d’électricité à base d’énergies fossiles», a justifié le ministre de la Transition écologique et solidaire à l’issue du Conseil des ministres. «Si l’on veut maintenir la date de 2025 pour ramener dans le mix électrique le nucléaire à 50%, ça se fera au détriment de nos objectifs climatiques. Et ça se fera au détriment de la fermeture des centrales à charbon. Et probablement que si l’on voulait s’acharner sur cette date, il faudrait même rouvrir d’autres centrales thermiques», a-t-il souligné.
Et d’ajouter que ne pas tenir cet engagement de 50% d’atome en 2025 n’est que «la confirmation d’une information que beaucoup connaissaient sans vouloir l’énoncer». Effectivement, depuis des mois, le report de l’échéance était un secret de polichinelle. Pendant sa campagne, Emmanuel Macron n’avait prévu aucune sortie planifiée du nucléaire, contrairement à ce qu’envisageaient Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon et à ce qu’appelait alors de ses vœux Nicolas Hulot.
Macron n’avait rien promis de plus que de «garder le cadre» de la loi de transition énergétique de 2015. Ce qui impliquait entre autres de maintenir le cap de 50% d’atome dans la production d’électricité d’ici 2025. Il s’agissait déjà d’un sacré défi : afin de tenir cette promesse, il faudrait fermer l’équivalent de 17 à 20 réacteurs sur les 58 actuels selon la Cour des comptes, et 27 à 31 selon Greenpeace. Or le gouvernement Hollande n’a rien fait en ce sens, il n’a fixé aucun calendrier pour l’arrêt de réacteurs et n’a nullement commencé à organiser la reconversion industrielle et professionnelle du secteur.
Procrastination
Tout laisse à penser que la procrastination sera aussi de mise pendant le quinquennat actuel. Depuis son élection, Emmanuel Macron n’a rien dit non plus sur les moyens de parvenir concrètement à cet objectif de 50% de nucléaire en 2025. Seul Nicolas Hulot a osé déclarer publiquement en juillet qu’il faudrait pour cela faut fermer entre 17 et 25 réacteurs, ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait fait. Le 18 juillet, lors d’une audition au Sénat, il avait déjà déclaré que l’objectif serait «difficile» à tenir. «Comme nous avons déjà perdu des années précieuses, cet objectif, en l’état […], je pense qu’il va être difficile», avait-il souligné. Ce qu’il n’a pas manqué de répéter ce mardi, en expliquant que «rien n’a été entrepris pour y arriver» sous l’ère Hollande.
La Fondation pour la nature et l’homme (FNH, ex-Fondation Hulot), a fait part sur Twitter de son «incompréhension».
Incompréhension face au recul opéré par le gouv. de reporter la baisse du #nucléaire à 50% d’ici 2025 ss nvelle date butoir ni plan d’action
— FNH (@FondationNH) 7 novembre 2017
Malgré le temps déjà perdu par Hollande, Macron n’a jamais eu l’air pressé d’accélérer la cadence : dans son programme, il disait plutôt qu’il était urgent d’attendre et de ne prendre des décisions concrètes de fermeture de réacteurs qu’une fois que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) aurait rendu ses conclusions sur la prolongation de certaines centrales au-delà de quarante ans. Cet avis du gendarme du nucléaire était initialement attendu pour 2018 mais risque d’être reporté au-delà de 2019, selon l’AFP. Voire au-delà, «en 2021 au mieux», estime Yves Marignac, directeur de l’agence Wise-Paris et membre du groupe permanent d’experts pour les réacteurs nucléaires à l’ASN. Pour l’instant, seule la fermeture des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) a été actée. Et encore, même cette fermeture, déjà promise sous le quinquennat Hollande, risque d’être repoussée aux calendes grecques, car elle est désormais liée à l’entrée en service de l’EPR de Flamanville, laquelle est suspendue au feu vert de l’ASN…
«Collusion» et «signal désastreux»
Emmanuel Macron avait déjà laissé entendre à plusieurs reprises que l’horizon de 2025 serait difficilement atteignable. Façon sans doute de préparer le terrain à un report de la date, comme le demande EDF, qui pousse pour qu’elle soit reportée à 2050. L’électricien semble donc avoir obtenu gain de cause. Même si Nicolas Hulot n’a pas fixé de nouvelle date pour l’objectif de 50 % mardi, expliquant qu’il souhaite prendre le temps pour trouver une «date réaliste». «Tout cela va prendre quelques mois, et en fonction de ça nous fixerons une nouvelle date», a-t-il indiqué.
Mardi matin, une poignée d’heures avant la déclaration de Nicolas Hulot, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE (filiale d’EDF) a pointé la difficulté à atteindre l’objectif de 2025 sans augmenter les émissions de CO2. Il faudrait en effet utiliser plus de centrales à gaz et à charbon, souligne RTE dans son bilan prévisionnel. Soit à quelques mots près le même argumentaire que celui employé par Nicolas Hulot. Hasard ? Pas du tout, selon Greenpeace.
«RTE a reporté plusieurs fois l’annonce de ce bilan, or ils ne le font jamais, sauf quand le politique s’en mêle. L’utilisation par le politique de la communication d’une entreprise privée montre la collusion qui existe entre les deux», dénonce Cyrille Cormier, responsable des campagnes Energies et Climat de l’ONG. Ce dernier ne se dit pas surpris par l’annonce gouvernementale. «En revanche, ce qui est une surprise, c’est que ce soit Nicolas Hulot qui le fasse. C’est un signal désastreux. La finalité de la date de 2025 fixée dans la loi était surtout d’initier la transition énergétique. Reporter cette date équivaut pour Hulot à créer une machine à perdre ses arbitrages lors de la discussion de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) [qui doit, en 2018, mettre en musique les objectifs de la loi de transition énergétique pour la période 2023-2028, ndlr]. J’estime aussi qu’il va à l’encontre de ses convictions et porte une responsabilité extrêmement lourde d’être le fossoyeur des efforts et du constat faits depuis des années par la société civile sur le nucléaire. Combien de couleuvres est-il encore prêt à avaler ?»
«Mettre en péril les énergies renouvelables»
«Nicolas Hulot, ne vous trompez pas de combat !» a par ailleurs lancé l’ONG dans un communiqué de presse. «RTE, filiale d’EDF, a agité le chiffon rouge des émissions de gaz à effet de serre en conditionnant leur diminution au maintien de la part prépondérante du nucléaire dans le mix électrique français. Or c’est justement les défaillances du nucléaire, avec l’accumulation des dégradations sur les réacteurs et la mise à l’arrêt fréquente et subie de nombreuses unités, qui contraignent la France à consommer du charbon mais aussi à en importer, notamment en provenance d’Allemagne», estime Greenpeace. «Actuellement, 21 réacteurs nucléaires sont à l’arrêt sur les 58 que compte le parc nucléaire français. Comment peut-on prétendre que le nucléaire peut encore répondre aux besoins énergétiques français ? s’interroge Alix Mazounie, chargée de campagne pour l’ONG. Pour répondre à la demande et pour réduire efficacement les émissions de gaz à effet de serre dans la production d’électricité, c’est d’énergies renouvelables dont la France a besoin ! Pas du nucléaire qui, en plus d’être dangereux, nécessite des investissements colossaux de la part de l’Etat français.»
«Retarder la baisse du nucléaire, c’est mettre en péril les filières des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique qui commencent pourtant à créer des emplois, et laisser la place aux énergies fossiles qui viendront remédier aux défaillances du nucléaire vieillissant, comme l’hiver dernier, ce qui serait désastreux pour le climat», estime de son côté Anne Bringault, en charge de la transition énergétique pour le Cler-Réseau pour la transition énergétique et le Réseau action climat.
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