
Comme attendu, l'autorité américaine de régulation des télécoms a précisé les contours de son offensive contre la «neutralité du Net». Seule une obligation de transparence sur leurs pratiques s'imposerait aux opérateurs.
La feuille de route est désormais sur la table. Comme annoncé mardi matin par plusieurs médias dont le New York Times, la Federal Communications Commission (FCC), l’autorité américaine de régulation des télécommunications, a précisé dans la journée les contours de son offensive contre la «neutralité du Net» – à savoir le principe de non-discrimination des flux de données, qui garantit aux internautes une égalité d’accès aux contenus en ligne quel que soit leur fournisseur d’accès à Internet (FAI). Le républicain Ajit Pai, nommé président de la FCC par Donald Trump en janvier, s’est pour l’occasion fendu d’une tribune dans le Wall Street Journal, intitulée «Comment la FCC peut sauver l’Internet ouvert».
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Tout est évidemment affaire de point de vue, et les partisans de la neutralité du Net – des associations de défense des libertés, comme l’American Civil Liberties Union (ACLU) ou l’Electronic Frontier Foundation (EFF), et un très grand nombre d’acteurs du numérique, d’Amazon à Spotify en passant par Facebook et Netflix – se seront sans doute étranglés à la lecture de ce titre. En 2015, à l’issue d’âpres débats, la FCC (alors à majorité démocrate) avait fait entrer l’accès à l’Internet haut débit dans la catégorie des services d’utilité publique, au même titre que le téléphone ou l’électricité. Et édicté de nouvelles règles interdisant aux opérateurs télécoms de bloquer l’accès à des contenus légaux, de ralentir le débit en fonction du type de contenu et de mettre en place des «voies rapides» surfacturées. Autant de mesures qu’Ajit Pai accuse d’avoir corseté les FAI et provoqué une chute des investissements – une étude menée par l’association Free Press, publiée en mai dernier, aboutissait pourtant à la conclusion inverse.
«Propos alarmistes»
Il s’agit donc désormais de mettre à bas les régulations adoptées sous l’ère Obama, et de n’imposer aux FAI qu’une seule obligation : être «transparents sur leurs pratiques, pour que les consommateurs puissent souscrire à l’offre qui leur convient le mieux». A charge pour la Federal Trade Commission (FTC) de protéger les droits des consommateurs. Les détails du projet de décret seront publiés mercredi, et le texte soumis au vote de la FCC le 14 décembre. Dans le Wall Street Journal, Ajit Pai promet en conséquence rien moins qu'«un accès à Internet meilleur, plus rapide et moins cher», et met en garde contre «les propos alarmistes». Comprendre : ceux qui pointent le risque d’un Internet à (au moins) deux vitesses, où rien n’empêcherait désormais un opérateur de fournir, par exemple, un débit plus rapide à un service de vidéos à la demande dont il est propriétaire, ou à celui qui aurait mis le plus d’argent sur la table… Et où pourraient apparaître des offres d’abonnement à des «paquets» de services, comme le soulignait en octobre un élu démocrate de Californie à partir de l’exemple du Portugal.
Les géants du secteur AT&T, Comcast et Verizon se félicitent évidemment des menées dérégulatoires de la FCC. Les associations de défense des libertés et les entreprises du numérique, notamment dans la Silicon Valley, les ont de leur côté vivement critiquées : une porte-parole de Facebook a annoncé vouloir travailler avec «tous les acteurs» attachés au principe de neutralité du Net, tandis que l’EFF appelle les internautes américains à contacter les membres du Congrès. En tout état de cause, la fameuse émission consacrée par l’humoriste John Oliver à la neutralité du Net, «seule expression qui promet plus d’ennui que "duo avec Sting"» et pourtant enjeu de premier plan, n’a pas pris une ride.
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