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Frappes en Syrie : «Un avertissement extrêmement clair», juge Florence Parly

Le président Emmanuel Macron a pour la première fois ordonné une opération militaire d’envergure en décidant de mener des frappes, avec Washington et Londres, contre le régime syrien de Bachar al-Assad dans la nuit de vendredi à samedi.

Pourquoi avoir décidé de procéder à ces frappes ?

FLORENCE PARLY, ministre des Armées. Les événements dramatiques de la semaine dernière à La Ghouta orientale : une attaque chimique a fait des dizaines de victimes. Nous avons reçu toutes sortes de témoignages concordants et il nous a paru évident que la ligne rouge que le président avait fixée de façon très claire en mai 2017 avait été franchie. Nous avons pris le temps nécessaire à la juste appréciation de notre réaction et de sa proportionnalité.

Quel est l’objectif de cette opération ?

Nous voulions que le message adressé au régime syrien soit très clair, c’est-à-dire que le recours à l’arme chimique est un interdit absolu. C’est un crime monstrueux, une violation majeure d’une règle internationale. Nous voulons que la Syrie, qui a adhéré à la convention internationale d’interdiction des armes chimiques en 2013, cesse de considérer que ces substances font partie de la panoplie « normale » de l’arsenal militaire au même titre que les armes conventionnelles : il fallait le leur signifier. Par conséquent, nous avons choisi des cibles en lien direct avec ce programme chimique clandestin de la Syrie.

Plus de 350 000 personnes ont été tuées en Syrie. Des substances toxiques, mais pas seulement, ont provoqué la mort dans ce pays. Pourquoi le chimique est une ligne rouge ?

Nous, les Français, avons été les toutes premières victimes au début du XXe siècle des armes chimiques. Les gaz de la Première Guerre mondiale, ça nous parle ! Avant même le début de la Deuxième Guerre mondiale, la France a pris des initiatives pour mettre en place dans le cadre international une interdiction absolue d’emploi des armes chimiques. Ensuite, c’est une arme particulière. Elle est faite pour terroriser les populations civiles et accélérer la reddition de toute rébellion. L’arme chimique porte ce message : où que vous vous cachiez, quel que soit votre statut, nous vous trouverons, nous pourrons vous tuer. Je rappelle néanmoins que notre présence en Syrie a pour seul objectif l’éradication de Daech.

Quelles sont les preuves sur lesquelles la France se fonde pour établir l’utilisation de telles armes par le régime syrien ?

Elles sont nombreuses : des analyses d’images, de vidéos mais aussi des témoignages d’ONG et de médecins, qui sont des interlocuteurs réguliers et fiables. À La Ghouta, nous avons la certitude que les décès constatés n’auraient pas pu intervenir sans utilisation d’armes chimiques. Il y a eu des suffocations, de l’hyper salivation, des brûlures… Autant de signes qui démontrent l’utilisation de produits chimiques. Il est certain que du chlore a été employé. Nous n’avons pas le moindre doute. Par le passé, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a documenté l’utilisation d’un tel arsenal par la Syrie, notamment en 2016. C’est une tactique constante du régime. Nous avons aussi nos informations qui montrent l’implication de responsables militaires syriens. C’est accablant. Alors je veux bien qu’on débatte de ces sujets-là. Mais il faut aussi s’interroger sur les conséquences qu’aurait eu notre inaction. Quel aurait été alors le message adressé au régime syrien ?

La Syrie était censée faire disparaître son arsenal chimique. Qu’en est-il réellement ?

Si le régime n’avait pas conservé des armes chimiques, on ne déplorerait pas de victimes, décédées à cause de telles substances. Manifestement la Syrie n’avait pas fait de déclarations complètes… ni sincères.

Pourrait-il y avoir d’autres frappes ?

Il ne tient qu’au régime de cesser ces attaques. La démonstration que nous venons de faire est un avertissement extrêmement clair.

Dans quel cadre juridique s’inscrit cette opération militaire ?

Nous avons constaté une violation manifeste et inacceptable de la convention pour l’interdiction des armes chimiques et de plusieurs résolutions du conseil de sécurité des Nations Unies. Cette intervention est donc parfaitement légitime. Mais il n’y a pas de mandat de l’ONU puisque tout est fait pour qu’il n’y en ait jamais. La Russie met systématiquement son veto : à douze reprises sur le conflit syrien, six fois sur l’utilisation d’armes chimiques.

La Russie hausse le ton depuis qu’elle a connaissance de ces frappes. En cas de représailles, la France serait-elle en capacité militaire d’y répondre ?

Je n’imagine pas que des représailles militaires de la Russie puissent avoir lieu. Nous avons pris grand soin de ne pas conduire cette opération dans un sens qui pourrait constituer une quelconque escalade, militaire ou politique. Ce n’est pas le but. Nous sommes conscients que la résolution de la crise syrienne ne passera pas par l’utilisation des armées. C’est une solution politique et diplomatique dont nous avons besoin.

Quel est l’impact de ces frappes sur le champ diplomatique ?

Il y a une limite qui ne peut être franchie sur le chimique. Nous avons pris soin de ne pas ajouter à la situation des difficultés complémentaires et notamment nous ne souhaitions pas que les Russes soient pris par surprise. Maintenant que cet acte est posé, nous souhaitons que tout le monde se remette autour d’une table pour organiser la prise en charge humanitaire, sanitaire, de la population syrienne, poursuivre la lutte contre les armes chimiques et travailler à une solution politique. C’est une priorité absolue.

La France est-elle en capacité autonome de mener de telles frappes ? Pourquoi avoir conduit ce raid avec les Américains et les Britanniques ?

Préserver son autonomie stratégique est capital. Mais c’est aussi un objectif que de pouvoir intervenir dans le cadre d’une coopération.

Contrairement aux Américains et aux Britanniques, la France n’a pas frappé sur le site proche de Damas, pourquoi ?

C’est une question un peu technique de répartition entre les trois alliés. Mais ce n’est nullement un sujet politique. Le site proche de Damas est bien connu des observateurs du programme chimique syrien. Il faisait partie des cibles des trois alliés qui ont frappé de manière coordonnée et nous nous réjouissons qu’il ait été atteint.

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