La démission vendredi de Jean-Marc Janaillac ouvre une période d'incertitude pour le groupe et pour la suite de la grève au sein de la compagnie aérienne.
Alors que 55% de salariés d'Air France se sont prononcés, vendredi 4 mai, contre l'accord salarial proposé par la direction, avec une participation de 80% du personnel, le PDG d'Air France-KLM Jean-Marc Janaillac a démissionné. La consultation a en effet tourné au désaveu du PDG, qui avait mis son mandat dans la balance.
Cette démission ouvre une période d'incertitude et de questions pour la compagnie aérienne. Le Figaro fait le point.
• Qui sera le successeur de Jean-Marc Janaillac?
Il sera resté moins de deux ans à la tête d'Air France-KLM. Jean-Marc Janaillac partira donc un an avant la fin de son mandat. Il déposera sa démission lors du prochain conseil d'administration qui se tiendra, selon nos informations, mercredi 9 mai. Au cours de celui-ci, une organisation de transition pourrait être élaborée. Dans un communiqué commun paru dans la foulée de la démission du PDG, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire et la ministre des Transports Élisabeth Borne déclarent d'ailleurs qu' «il appartiendra au conseil d'administration de définir les conditions de sortie de la crise actuelle».
Mais pour trouver le candidat idoine, le conseil d'administration pourrait prendre un peu plus de temps que prévu. «Nous ne pensons pas que le conseil d'administration nommera quelqu'un dès mercredi. Ils ont tous été surpris par le résultat de la consultation. Ils ne sont pas encore prêts», croit savoir Grégoire Aplincourt, président du Syndicat des pilotes d'Air France (SPAF). En attendant la désignation du futur pilote d'Air France-KLM, des noms circulent pour assurer l'intérim.
«Anne-Marie Idrac», dévoile Le Monde. L'ancienne patronne de la RATP est administratrice indépendante au conseil d'administration de la compagnie depuis novembre 2017. Le quotidien du soir évoque aussi Fabrice Brégier, ancien numéro 2 d'Airbus, qui serait plebiscité par les pilotes. Mais Grégoire Aplincourt pense que l'État gardera la mainmise sur la nomination du futur patron: «Nous souhaiterions un vrai patron mais nous ne déciderons rien. Donner un nom me semble alors contre-productif car l'État ne nommera pas quelqu'un que nous souhaiterions voir à la tête de la compagnie». D'ailleurs, selon Marc Rochet, vieux routier du transport aérien, dirigeant des compagnies Air Caraïbes et French Bee, l'avenir immédiat «ce n'est pas seulement le remplacement d'un homme, mais c'est une nouvelle vision» et la question du «désengagement de l'État» (actionnaire à hauteur de 14,3%) pour permettre à «chacun d'être face à quelque chose qui n'est pas une espèce de protection ou d'immunité supérieure et de s'engager dans l'avenir».
Enfin, un troisième nom circule. Celui de Gilles Gateau, actuel directeur des ressources humaines d'Air France, peut-on lire dans Libération. «Cela ne vous surprend pas qu'un DRH nommé par Manuel Valls il y a quelques années assure la direction par intérim?», ironise Grégoire Aplincourt.
• Les revendications ont-elles changé?
La direction d'Air France avait proposé 2 % d'augmentation de salaire pour tous en 2018 puis 5 % au cours des trois années suivantes. Mais elle n'avait pas obtenu l'accord des syndicats qui avaient lancé une grève fin mars. Treize journées de débrayage se sont enchaînées depuis ainsi que la fameuse consultation des salariés qui a débouché sur le départ du PDG du groupe. Les préavis des 7 et 8 mai sont maintenus. «Les revendications sont toujours les mêmes. Nous demandons une augmentation de 5% de la grille salariale ainsi que des discussions sur les conditions de travail des pilotes. Tout est négociable mais encore faut-il échanger avec quelqu'un qui accepte de négocier«, poursuit Grégoire Aplincourt.
• La grève va-t-elle se renforcer?
Le conflit a déjà coûté plus de 300 millions d'euros à Air France. Dans un communiqué commun, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, et la ministre chargée des Transports, Elisabeth Borne, ont appelé «au sens de la responsabilité de chacun». Mais du côté du SPAF, «le conflit ne s'arrêtera pas là. Un conseil syndical aura lieu, lundi 7 mai, et des décisions seront prises pour fixer de nouveaux jours de grèves si nécessaire. On voudrait que de vraies négociations débutent enfin. Mais si Air France-KLM refuse de poursuivre les discussions sous prétexte que le PDG est parti, nous n'avons aucune raison d'arrêter la grève. Nous avons un directeur général qui peut assurer les négociations en attendant le nouveau PDG». Ce samedi matin, Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste semblait avoir la même analyse sur France Inter: «Ce qui a mis le feu aux poudres c'est le refus de négocier de la direction... on décide en haut et ensuite circulez il n'y a plus rien à voir».
• La viabilité de l'entreprise est-elle menacée?
«Si elle veut durer, cette entreprise doit être compétitive, il faut qu'elle adapte son format,(...) maintenant on repart de zéro, il va falloir trouver une solution», a souligné le secrétaire d'État au numérique Mounir Mahjoubi, ce samedi, sur France Info. «Là, le géant est en situation de faiblesse et les autres vont accélérer, c'est clair», commente Alain Battisti, président de Fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM), qui représente plus de 95% de la flotte et des activités du transport aérien français. Arrivé à la tête du groupe en 2016, Jean-Marc Janaillac s'était donné pour mission de lutter contre la concurrence féroce des compagnies du Golfe et des low-cost. Mais Air France doit aussi tenir tête aux deux poids lourds européens IAG - maison-mère des compagnies espagnoles Iberia et Vueling, britannique British Airways et irlandaise Aer Lingus - et l'allemande Lufthansa.
Depuis une dizaine d'années, 90% de la croissance du nombre de passagers transportés a été captée par des acteurs étrangers, tandis que la part de marché des compagnies françaises diminue d'un point par an depuis 20 ans, selon la FNAM.
Si l'histoire d'Air France est celle d'une succession de crises et grèves, la situation aujourd'hui n'est plus la même. «La compétition est beaucoup plus rude, Air France ne maîtrise plus son marché comme elle le faisait, il y a 10 ans», poursuit Alain Battisti. «Il y a des concurrents qui sont plus puissants, plus agiles, et comme la France est le deuxième marché (...) d'Europe on est forcément convoités», ajoute-t-il.
Pour les observateurs, le pavillon français a besoin d'un nouveau plan de développement pour sortir de sa situation de vulnérabilité. Air France, qui a affiché une perte d'exploitation de 178 millions d'euros au premier trimestre, «sera dans une situation extrêmement critique dès qu'on aura une hausse des prix du carburant ou une baisse du volume de passagers», commente un expert sous couvert d'anonymat. «C'est le moment de reconstruire un nouveau plan d'entreprise avec deux volets, un volet de développement du trafic et un volet d'optimisation des performances», ajoute-t-il. Le coût du kérosène pèse lourd - entre 15 à 35% du prix de revient complet d'un vol- pour les compagnies aériennes.
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