
Les actionnaires d'entreprises françaises peuvent avoir le sourire. De 2009 à 2016, les sociétés du CAC 40 ont versé en moyenne 67,4% de leurs bénéfices sous forme de dividendes et de rachats d'actions, pointe un rapport des ONG Oxfam et Basic publié ce lundi 14 mai. Les réinvestissements ont représentés quant à eux 27,3% des bénéfices et les primes pour les salariés (intéressements et participations) seulement 5,3%. La reprise économique aurait ainsi bénéficié avant tout aux actionnaires, dénoncent les deux associations. "Les richesses n'ont jamais été aussi mal partagées depuis la crise au sein des grands groupes, qui choisissent délibérément une course aux résultats de court terme pour conforter les actionnaires et les grands patrons au détriment des salariés et de l'investissement", souligne ainsi Manon Aubry, porte-parole d'Oxfam France, dans un communiqué.
Sur la période, le champion des versements de dividendes est, par rapport à ses bénéfices, Engie. L'entreprise affiche un taux de redistribution qui atteint... 333% de 2009 à 2016 ! Autrement dit, "les dividendes versés par Engie à ses actionnaires sont ainsi en moyenne trois fois supérieurs à ses bénéfices depuis 2009", constate le rapport. Sur la 2e place du podium, on retrouve Veolia, avec un taux de redistribution de 112%. Viennent ensuite Sanofi (95%), Orange (95%), Bouygues (94%) et L'Oréal (84%). ArcelorMittal quant à lui a reversé des dividendes entre 2012 et 2015, alors que le groupe affichait des pertes.
[Rapport] #CAC40 : des profits sans partage. Oxfam et le BASIC révèlent comment les grandes entreprises alimentent les inégalités : sur 100€ de bénéfices, elles versent en moyenne 67€ aux actionnaires et seulement 5€ aux salariés https://t.co/Cco7Q4HFX8 #LoiInegalites pic.twitter.com/I7quDWuRWS
— Oxfam France (@oxfamfrance) 14 mai 2018
"Des mesures de régulation ambitieuses"
La France serait devenue la championne du monde en matière de dividendes. De 2005 à 2015, 68% des bénéfices des sociétés du CAC 40 ont été reversés sous la forme de dividendes. L'Hexagone devance ainsi l'Australie et son indice phare (dans lequel 67% des bénéfices des entreprises sont reversés en dividendes), le Royaume-Uni (60%) et le Japon (57%), selon les calculs de Basic. La moyenne s'établirait à 55% en Europe et à 48% aux Etats-Unis, toujours selon les calculs des deux ONG.
Entre 2007 et 2016, le taux de distribution du CAC 40 a d'ailleurs eu tendance à progressivement augmenter. La crise financière pourrait expliquer en partie ce phénomène : afin de retenir leurs actionnaires quand les cours en Bourse baissaient, les groupes français ont tout fait pour maintenir un niveau attrayant de dividendes, y compris lorsque les bénéfices étaient en berne.
Oxfam et Basic appellent le gouvernement "à reprendre la main sur cette économie déboussolée avec des mesures de régulation ambitieuses", "en préservant la capacité d'investissement et en interdisant que la part des bénéfices reversée aux actionnaires dépasse celle qui est reversée aux salariés".
Le rapport a suscité de vives réactions politiques sur Twitter. "Le partage des bénéfices des entreprises du CAC 40 entre 2009 et 2016 (...) illustre l'imposture absolue de la théorie du ruissellement chère à Emmanuel Macron. Voilà l'illustration de cette sécession des riches qu'encourage le nouveau pouvoir", a ainsi écrit Benoît Hamon, ancien candidat socialiste à la présidentielle, aujourd'hui à la tête de Génération-S. Pour la France Insoumise, le rapport pointe une "exception française qui ne peut plus être tolérée: la richesse produite doit être partagée".
"La méthodologie d'Oxfam est très mauvaise"
"On a un indice (le CAC 40, ndlr) qui distribue beaucoup de dividendes", convient Loïc Dessaint, directeur général de Proxinvest, un cabinet d'analyse de gouvernance et de politique de vote, qui indique avoir de plus en plus de clients investisseurs s'inquiétant de cette tendance et développant des politiques de distribution de dividendes responsables. Mais le responsable émet quelques bémols sur le rapport: "pas mal d'entreprises françaises distribuent des dividendes en action", ce qui n'occasionne "pas de sortie de cash", observe-t-il notamment.
"La méthodologie d'Oxfam est très mauvaise", estime de son côté Patrick Artus, chef économiste chez Natixis et co-auteur d'un ouvrage intitulé "Et si les salariés se révoltaient?". Selon l'économiste, Oxfam ne s'intéresse qu'à la partie de la participation et de l'intéressement versés aux salariés, et ne tient pas compte de l'intégralité des salaires. Or, "en France, les salaires augmentent plus vite que la productivité", observe-t-il.
Autre problème, le rapport compare des données mondiales - les profits des multinationales - et des données françaises sur la participation et l'intéressement, critique l'économiste. En outre, "les dividendes ne disent rien sur la rentabilité du capital par actionnaire", ajoute-t-il, soulignant qu'en France, les entreprises versent plus de dividendes que dans d'autres pays comme les Etats-Unis mais que le rendement du capital y est nettement plus faible. Néanmoins, "il y a un vrai sujet qui est le partage des revenus entre les profits et les salaires, entre les salariés et les actionnaires", reconnaît M. Artus.
(avec AFP)
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