
Coup de poker ou coup de maître ? Salariés, pouvoirs publics, analystes et commentateurs se posent la question concernant l'annonce par le groupe Accor de ses " réflexions sur l'éventualité d'une prise de participation dans le capital d'Air France-KLM ". Pourquoi diable, le champion français de l'hôtellerie souhaite-t-il mettre la main sur les 14,3% du groupe aérien (et 22,7% des droits de vote) aujourd'hui détenus par l'Etat français ? " Ce serait un deal très politique, qui pourrait permettre à l'Etat de protéger ses deux fleurons en échangeant ses actions Air France contre des actions Accor, observe un analyste financier. Un coup de billard à deux bandes de la part de l'Etat stratège : en détenant envrion 3% d'Accor, l'Etat garderait un droit de regard sur l'avenir d'Air France-KLM. Dans le même temps, Bercy aurait un droit de regard sur Accor en pouvant s'opposer aux ambitions du groupe chinois Jin Jiang qui est déjà le premier actionnaire du groupe hôtelier français.
Accor a beaucoup de cash
Le scénario parait d'autant plus crédible qu'Accor a beaucoup d'argent et Air France, qui traverse une zone de turbulences, n'est pas cher. L'hôtelier vient de boucler la cession des murs de ses hôtels, empochant la somme de 4,6 milliards d'euros. De quoi largement s'offrir une participation estimée à 400 millions d'euros. Un placement payant pour Accor ? C'est loin d'être évident, même si l'expertise d'Air France dans le digital, le yield management et la fidélisation de milliers de détenteurs de la carte Flying Blue peuvent faire rêver l'hôtelier.
Mais ces derniers temps Sébastien Bazin, le président d'Accor est pressé d'utiliser le cash retiré de la vente de ses actifs jugés non stratégiques, pour prendre des positions capables de sauver son groupe d'un avenir funeste, vassalisé par les sites américains de réservations en ligne tels Expedia, Booking et concurrencé par AirBnb. Quitte à faire des erreurs assumées. Ainsi, il reconnaissait lui-même benoitement le 20 avril dernier lors de l'assemblée générale de l'entreprise que sur les 600 millions d'euros investis depuis trois ans dans des activités digitales (sur 7 milliards au total), il ne comprenait pas lui-même certains de ces investissements. Autre exemple de son empressement : l'arrêt récent de la plateforme AccorHotels, qui avait été lancée avec tambours et trompettes deux ans plus tôt.
Schéma soumis à l'Elysée
Selon les informations de Challenges, le patron d'Accor a d'abord tenté d'obtenir l'aval de l'Elysée en soumettant le mois dernier, au secrétaire général de la présidence de la république Alexis Kohler, un schéma de rapprochement entre les deux entreprises. Tout en haut de ce schéma, l'audacieux Sébastien Bazin a même placé son nom comme président non exécutif d'Air France-KLM secondé par deux patrons opérationnels à la tête des deux compagnies aériennes. La réponse n'a pas été négative, mais l'Elysée a demandé au patron d'Accor de commencer par convaincre les conseils d'administration des deux entreprises.
Chez Air France, les administrateurs n'avaient pas forcément vu le coup venir. " La priorité d'Anne Marie Couderc (la présidente non exécutive par interim) est surtout de régler les problèmes de gouvernance, cela peut lui compliquer la tâche ", pointe un proche du Conseil. D'autant que ce dernier n'a pas encore tranché le modèle à adopter après le départ précipité de Jean-Marc Janaillac du groupe. " Certains penchent pour la nomination d'un Chairman qui serait chargé de veiller aux alliances stratégiques, aux relations avec les Néerlandais et à l'évolution de la participation de l'Etat, poursuit notre source. Laissant les deux compagnies, Air-France aux mains d'un patron opérationnel avec une bonne connaissance de l'aérien. " Surtout, au sein d'Air France, même si on considère l'offre d'Accor comme " sérieuse ", on attend des garanties permettant de montrer qu'une telle opération serait équitable pour les deux groupes. " On voit bien l'intérêt d'Accor d'avoir accès aux clients d'Air France, mais on attend d'en savoir plus sur ce que l'hôtellier pourrait apporter de plus que les alliances commerciales que nous avons déjà," pointe un administrateur de la compagnie. Déjà, lors de l'introduction en Bourse d'Air France en 1999, l'idée d'une participation d'Accor avait été évoquée. Depuis de nombreux partenariats se sont mis en place entre les deux entreprises.
Les avis sont également partagés sur l'opportunité d'une sortie de l'Etat du capital. Certains administrateurs y sont très favorables. Jean-Marc Janaillac avait d'ailleurs lui-même évolué sur la question, jugeant que la présence de l'Etat était devenue un obstacle dans les négociations sociales, donnant aux salariés l'impression que la présence publique serait toujours le dernier recours en cas de crise. " La cession de la participation de l'Etat aux salariés serait aussi un moyen d'apaiser les esprits ", pointe un expert du secteur.
https://www.challenges.fr/entreprise/pourquoi-accor-veut-racheter-une-aile-d-air-france-et-sebastien-bazin-devenir-president-non-executif-d-air-france-klm_591723
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