Sergio Marchionne, l'emblématique patron de Fiat et Ferrari décédé mercredi à l'âge de 66 ans, était un homme à poigne qui en 14 ans a redressé l'entreprise italienne pour en faire un mastodonte international.
C'est le patriarche Gianni Agnelli qui avait choisi avant sa mort cet Italo-Canadien peu connu, alors à la tête du groupe suisse SGS, pour reprendre en 2004 les rênes du constructeur turinois à l'époque au bord du gouffre.
Par son charisme, sa détermination, ses qualités de communication et sa vision stratégique, il a vite conquis politiciens, médias et syndicalistes en Italie, fascinés par sa capacité à sauver le plus grand groupe du pays sans suppressions massives d'emplois.
Réduction de coûts, nouveaux modèles, attention portée au design: dès 2005, ce manager au visage rond et à la voix rauque de fumeur -- il a arrêté l'an dernier selon la presse italienne --, a fait sortir Fiat du rouge après quatre ans de pertes.
En 2009, il a ajouté une dimension internationale à la marque italienne en s'alliant à l'américain Chrysler avec pour objectif de faire du groupe Fiat Chrysler Automobile (FCA) l'un des premiers constructeurs au monde.
- Franc-parler et main de fer -
Certes, sa culture anglo-saxonne et son franc-parler ont fait grincer des dents dans la péninsule, où Fiat reste le premier employeur privé avec 65.000 salariés.
"Nous avons eu des divergences (...) mais ensemble nous avons défié la petite Italie paresseuse qui préfère fermer les usines plutôt que se retrousser les manches", a commenté Marco Bentivoglio, secrétaire général de la branche métallurgie du syndicat CISL.
Derrière l'absence de manières et l'apparente décontraction du personnage presque toujours vêtu d'un pull-over sombre --pour ne pas perdre de temps le matin, disait-il--, se cachait en effet un patron implacable qui, dès son arrivée chez Fiat, a renvoyé des dizaines de hiérarques et mis en avant une équipe de jeunes dirigeants.
En 2014, il s'est même défait de Luca Cordero de Montezemolo, l'archétype des grands patrons "à l'Italienne" à la tête de Ferrari pendant près d'un quart de siècle, aux antipodes de l'enfant des Abruzzes devenu "self-made-man" au Canada, où sa famille a émigré quand il avait 14 ans.
"Je parlais anglais avec un fort accent italien. J'ai mis plus de six années à le perdre, six ans de perdus avec les filles", avait-il confié.
Au Canada, il a étudié la philosophie, le droit et le management. "Et de mes trois diplômes, ce n'est certainement pas la philosophie qui m'a servi le moins dans mon travail", a-t-il raconté.
Ne s'accordant quasiment jamais de repos, Sergio Marchionne n'hésitait pas à imposer des cadences infernales à ses équipes pour prendre de vitesse la concurrence, comme lorsqu'il a décidé d'avancer de trois mois le lancement de la nouvelle Fiat 500 en 2007.
- Chrysler, son coup de maître -
Et lors de la crise financière de 2008, il n'a pas perdu une minute pour s'adapter. Alors qu'il ne jurait que par les "alliances ciblées", il claironne qu'un choix s'impose: grossir ou mourir.
En janvier 2009, Fiat annonce son projet d'alliance avec Chrysler. En juin, l'Américain sort du dépôt de bilan, Fiat en prend le contrôle opérationnel sans débourser un centime et Marchionne en devient le directeur général.
"Certains disent que j'ai conclu cet accord parce que je suis un Italien qui raisonne comme un Américain. D'autres que je suis un martien. Mais je suis un avocat civil formé dans les écoles de droit anglo-saxon. C'est ça qui m'a aidé", a-t-il assuré.
En revanche, son projet suivant, racheter l'allemand Opel, a échoué. Et les experts ont souligné quelques erreurs comme l'arrivée tardive de FCA en Chine.
Passionné de bolides, surtout les Ferrari, il était en perpétuel mouvement entre ses trois demeures à Turin, en Suisse et à Detroit. Ces derniers jours, sa compagne Manuela et ses deux fils Alessio et Tyler issus d'un premier mariage étaient à ses côtés.
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