
PORTRAIT - Le président et cofondateur emblématique du géant chinois du commerce en ligne Alibaba a annoncé son départ à la retraite à compter de lundi. Il va désormais se consacrer à des activités philanthropiques, à la manière de Bill Gates.
C'est un départ en retraite anticipée inhabituel dans les milieux d'affaires chinois. Jack Ma, l'emblématique président et cofondateur du géant du web chinois Alibaba, a annoncé au New York Times qu'il allait abandonner son poste dès lundi, jour où il soufflera ses 54 bougies. Le jeune retraité et homme le plus riche de Chine - 36,5 milliards de dollars - a prévenu que sa décision marquait «le début d'une nouvelle ère». Tout en continuant de conseiller le groupe, il se consacrera désormais à des projets philanthropiques, a-t-il indiqué au quotidien américain.
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Cet ex-professeur d'anglais laisse derrière lui une société prolifique de 85.000 employés au chiffre d'affaires annuel de 40 milliards de dollars, qui contrôle 80% du commerce en ligne chinois. Vendredi, elle pesait quelque 420 milliards de dollars de capitalisation boursière à Wall Street. Alibaba est aussi présent dans le «cloud», le cinéma, la finance, les VTC, la livraison de repas, les supérettes hyperconnectées... Traditionnellement présenté comme le vis-à-vis asiatique d'Amazon, le groupe présente ainsi des traits communs avec de nombreux autres géants américains de la tech tels que eBay, Google ou Uber. Par son esprit d'innovation, Jack Ma a largement contribué à changer la façon de consommer et de payer des Chinois.
Le nouveau Bill Gates?
L'annonce de ce retrait ne constitue pas tout à fait une surprise, le milliardaire ayant amorcé la transition dès 2013 en abandonnant son poste de directeur général tout en conservant le poste de président, chargé de la direction stratégique. Il avait distillé ces derniers jours des indices sur un départ imminent, notamment au travers d'un entretien à Bloomberg TV jeudi, dans lequel il indiquait vouloir suivre les pas du fondateur de Microsoft, Bill Gates, retiré des affaires pour devenir l'un des plus généreux philanthropes contemporains. «Je peux beaucoup apprendre de lui. Je ne pourrai jamais être aussi riche, mais je peux prendre ma retraite plus tôt (...) Bientôt, je retournerai à l'enseignement», avait-il glissé. Jack Ma a d'ailleurs déjà une fondation depuis 2014, qui porte son nom, vouée à soutenir l'éducation des enfants dans les campagnes chinoises.
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Son ascension a été fulgurante, relate Duncan Clarck, ancien banquier de Morgan Stanley qui lui a consacré une biographie en janvier 2017, Alibaba, l'incroyable histoire de Jack Ma, le milliardaire chinois (éd. François Bourin). Fils d'un photographe et d'une ouvrière, le natif de Hangzhou, près de Shanghaï, a tiré de son goût pour l'anglais l'atout qui l'a mené au succès. Refusé comme vendeur chez KFC à cause de sa petite taille, il s'improvise guide touristique. C'est ainsi qu'il rencontre David Morley, jeune Australien dont la famille choisit de le prendre sous son aile. Devenu professeur d'anglais, il fonde Hope, une agence d'interprète qui ne décolle pas. En 1995 il revient d'un voyage aux États-Unis, un ordinateur sous le bras. Il crée un annuaire en ligne d'entreprises chinoises tournées vers l'international, China Pages, qui ne fonctionnera pas mieux. Enfin, en 1999 il fonde Alibaba, avec 60.000 dollars empruntés à ses 18 employés, site qui permet aux PME chinoises de poster gratuitement des annonces. Goldman Sachs et SoftBank acceptent de le soutenir, marquant ainsi le début de la success story. Jack Ma complète ensuite son offre avec Taobao, dédié aux particuliers, puis Alipay, système de paiement en ligne. Face à lui, l'américain eBay ne fait pas le poids en Chine, et Yahoo! accepte une alliance.
Un habitué des prises de parole
Le destin hors norme de Jack Ma ne s'est pas limité à la sphère du e-commerce. En 2015 il reprend le South China Morning Post, l'un des quotidiens hong-kongais autrefois les plus critiques avec le régime. Figure du néocapitalisme à la chinoise, l'homme n'est pas avare de prises de parole, que ce soit au forum annuel de Davos ou face à des parterres d'étudiants en Chine ou en Californie. Sa popularité l'a même conduit à se faire interviewer par le président des États-Unis Barack Obama en personne, lors d'un sommet Asie-Pacifique en novembre 2015. Cette communication tous azimuts est une façon pour lui de faire passer des messages, sur la nécessité de lutter contre la pollution dans les grandes villes par exemple, ou d'encourager les milliardaires chinois à s'investir dans des actions philanthropiques. Le tout sans jamais se mettre en porte-à-faux avec le Parti communiste, qui apprécie au contraire la capacité d'Alibaba à stimuler la croissance locale par la consommation.
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Signe de son influence mondiale, le porte-étendard du e-commerce chinois a été reçu en janvier 2017 par Donald Trump avant même que ce dernier ne soit investi président des États-Unis. «C'est un grand, grand entrepreneur, l'un des meilleurs au monde. Jack et moi allons faire de superbes choses», avait déclaré le milliardaire américain, dont la fortune est sept fois moins élevée. Jack Ma, qui veut permettre aux petites entreprises américaines d'écouler leurs produits en Chine via ses sites, avait alors évoqué le chiffre peu réaliste d'un million de créations d'emplois aux États-Unis. Une façon d'être bien vu du nouvel occupant de la Maison-Blanche, et ainsi espérer faire sortir le site Taobao de la liste noire américaine des entreprises pratiquant la contrefaçon. Un objectif qui n'a, pour le moment, pas été atteint, et que l'état actuel des relations commerciales entre la Chine et les États-Unis ne devrait pas favoriser de sitôt. Peut-être le seul raté dans l'incroyable parcours de ce self-made man?
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