La principale organisation du secteur hôtellerie-restauration en France a assigné Airbnb devant le tribunal de commerce de Paris pour "concurrence déloyale", estimant que la plateforme de location touristique "viole sciemment" la réglementation qui régit son activité.
Dans une assignation consultée par l'AFP, la société Airbnb Ireland dont le siège est à Dublin est accusée de laisser en ligne des annonces litigieuses. Une première audience consacrée à la procédure se tiendra le 14 février 2019.
Ces annonces dépassent la durée légale de 120 jours par an, n'ont pas fait l'objet d'une déclaration de meublé de tourisme ou encore "violent les droits des propriétaires, lesquels sont victimes de sous-locations abusives", fait valoir l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih).
Elle demande à titre symbolique, en "réparation du préjudice moral", une condamnation de 143 euros qui correspond au prix de la nuitée encaissé par un hôte parisien qui avait sous-loué son logement sans l'accord de son propriétaire. Le Tribunal d'instance du 6ème arrondissement de Paris a condamné la plateforme à indemniser ce propriétaire à hauteur de quelque 8.000 euros, le 6 février 2018.
Elle réclame également 50.000 euros au titre du remboursement de frais d'avocat.
Selon l'organisation, "le non-respect de la réglementation par la société Airbnb est parfaitement assumé" dans la mesure où "sur son site, elle reconnaît expressément" ne désactiver les annonces à Paris, au-delà de 120 nuitées, que dans les quatre arrondissements du centre.
Ces violations de la réglementation prévue par le Code du tourisme et le Code de la construction et de l'habitation, constituent "nécessairement des actes de concurrence déloyale", argumente l'Umih dans son assignation.
- Offre estimée à 6,5 milliards d'euros -
L'Umih accuse la plateforme d'"agissements illicites nécessairement pharaoniques", reprenant des "estimations non démenties" qui ont chiffré à 6,5 milliards d'euros l'offre d'hébergement touristique proposée en France par Airbnb en 2016.
"En partant du postulat que la société Airbnb propose à la location 1% d'offres illicites, le préjudice total pour la profession (hôtelière) se quantifierait en dizaines de millions d'euros uniquement sur une année", fait valoir l'organisation.
"En tant que syndicat, l'Umih ne peut pas obtenir réparation en lieu et place de ses membres, mais il peut faire reconnaître la concurrence déloyale. Si elle était reconnue, l'intégralité de ses membres pourrait prétendre individuellement à une réparation", a précisé à l'AFP Me Jonathan Bellaïche, l'avocat de l'Umih.
Pour Airbnb, "les lobbies hôteliers continuent à protéger leurs intérêts et à tenter de restreindre les droits des Français de bénéficier également du tourisme", selon un porte-parole.
La plateforme n'est "pas surpris(e) de cette nouvelle tentative des lobbies hôteliers français, qui suit une longue série d'actions en justice - toutes infructueuses", a-t-il dit à l'AFP.
Fin octobre, une locataire qui avait sous-loué son appartement parisien sur Airbnb sans l'accord de sa propriétaire a toutefois été condamnée à reverser à cette dernière l'intégralité des 46.000 euros qu'elle avait perçus de 2011 à 2018, et à être expulsée.
Et en début d'année, la plateforme a aussi été condamnée parce qu'un locataire avait sous-loué son appartement via la plateforme au-delà de la durée légale de 120 jours par an.
En juin, les plateformes de location touristique s'étaient engagées "volontairement" à limiter à 120 jours par an la location des résidences principales, en mettant en place d'ici à la fin de l'année un blocage automatique qui deviendra de toutes façons obligatoire au 1er janvier 2019.
Dans Paris intra-muros, Airbnb propose quelque 65.000 hébergements, dont 38%, environ 25.000, avaient fait l'objet d'un enregistrement au 5 novembre dernier, a précisé à l'AFP la Ville de Paris, alors que l'offre hôtelière est de 80.000 chambres dans la capitale.
A l'échelle de la France entière, un demi-million d'hébergements, dont 10% en zone rurale, font l'objet d'une annonce sur la plateforme.
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