
Où en sont les usines françaises en matière de numérisation ? Bercy vient d'apporter voilà quelques jours une réponse plutôt rassurante à cette question, en s'appuyant sur des études d'Eurostat et de l'Insee, recalculées sur le périmètre de l'industrie manufacturière.
Premier constat : les entreprises manufacturières françaises se situent au-dessus de la moyenne européenne pour l'utilisation de technologies numériques éprouvées comme les progiciels de gestion intégrés ou l'échange de données informatisées (EDI). Et elles sont « dans la moyenne pour des technologies plus récentes comme le big data ou le cloud », explique-t-on au sein de la DGE.
Des progiciels très répandus
Dans le détail, plus de la moitié des entreprises manufacturières françaises (52 % en 2017) utilisent un progiciel de gestion intégré selon Eurostat. Apparus dans les années 90, ces outils sont très présents aux Pays-Bas (66 %), en Finlande (61 %) et en Allemagne (58 %), les pays leaders, mais la France se situe nettement au-dessus de la moyenne des 28 pays européens (45 %). L'automatisation des commandes et de la facturation aux clients, via un échange de données informatisées, est également bien répandue (37 % des sociétés contre 31 % en Allemagne et 28 % en Italie).
En revanche, les logiciels de relation client, les capteurs RFID ou les logiciels de gestion de la chaîne de production, qui évaluent en temps réel l'état des stocks, des matières premières et des produits finis, sont grosso modo deux fois plus présents dans le tissu industriel allemand que de ce côté-ci du Rhin. Une différence à mettre sans doute en lien avec le plan Industrie 4.0 lancé en Allemagne ces dernières années.
Franchir les portes des usines
Second constat : si elles font les gros titres des journaux, les technologies plus récentes comme le « cloud computing » et le « big data », peinent à franchir les portes des usines de l'Hexagone. Selon l'Insee, à peine 7 % des entreprises industrielles françaises analysaient en 2016 de grands volumes de données (big data), issues de la géolocalisation ou d'objets connectés, pour améliorer leurs systèmes de production. Ce chiffre, qui est inférieur à la moyenne de l'économie française (11 %), s'avère toutefois identique à celui de l'ensemble des industriels européens. Beaucoup d'entreprises méconnaissent le sujet ou manquent visiblement de compétences dans ce domaine.
Même chose pour le « cloud », l'accès par internet à des ressources hébergées chez un fournisseur extérieur. A peine 16 % des entreprises manufacturières françaises y avaient recours en 2016 selon l'Insee. Un niveau similaire à celui de l'Allemagne (14 %) ou de l'Espagne (16 %). Et essentiellement pour des services de courriel ou du stockage de fichiers en ligne.
Un énorme paradoxe
Le paradoxe, c'est que cette performance « dans la moyenne » est observée alors que le taux d'investissement en logiciels et bases de données des industriels français est beaucoup plus élevé que celui des autres pays européens depuis près de 25 ans (entre 4,5 % et 6 % de la valeur ajoutée contre moins de 3 % chez les autres pays selon une étude de France Stratégie et de la Fabrique de l'industrie parue en octobre ).
Il est désormais bien connu que les entreprises manufacturières françaises ont moins investi dans les machines et les équipements de production que leurs homologues européens ces vingt dernières années. En revanche, elles ont mis le cap sur l'immatériel. « Cet effort semble cohérent avec l'image d'une « industrie du futur » qui s'appuie sur les outils numériques pour être plus compétitive », note la Fabrique de l'industrie. Mais « il reste à comprendre pourquoi il ne s'est pas traduit jusqu'à présent par des gains plus nets en matière de productivité et de compétitivité. » Et pourquoi ces investissements ne se traduisent pas par un usage plus conséquent du numérique.
Le constat est clair. Les technologies numériques sont nettement plus utilisées par les sociétés de plus de 250 salariés que par les PME. Cela peut s'expliquer par des questions de coûts d'investissements et de personnel qualifié. « Mais il est difficile de faire la part entre ce qui relève d'un retard et d'un moindre besoin », écrit la DGE.
De fait, le discours sur l'industrie du futur est souvent perçu par les PME comme des injonctions à une robotisation et une digitalisation très éloignées de la réalité du terrain. Les industriels ont le sentiment que les fournisseurs de solutions ont parfois pris le pouvoir dans le discours sur l'industrie du futur, note Bpifrance à l'issue d'une enquête auprès de 2.000 PME et ETI. Ce qui les pousse à souvent considérer la digitalisation comme un enjeu secondaire.
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