Quentin Guillemain, porte-parole de Génération écologie et président de l’association des familles victimes du lait contaminé aux salmonelles voit des similitudes dans les deux scandales.
Le gouvernement français a tenté mercredi d’apaiser les inquiétudes des parents qui ont découvert avec effroi les conclusions d’un avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) relevant «la présence de différentes substances chimiques dangereuses dans les couches jetables qui peuvent notamment migrer dans l’urine et entrer en contact prolongé avec la peau des bébés». A longueur de journée et de nuit, les bébés sont exposés à une soixantaine de substances cancérogènes ou de perturbateurs endocriniens, dont des pesticides interdits dans de nombreux pays dont la France (lindane, quintozène), du glyphosate, l’herbicide controversé de Bayer-Monsanto, ou des dioxines.
Convoqués ce mercredi matin par la ministre de la Santé Agnès Buzyn, le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, et celui de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, les fabricants et distributeurs ont été priés de prendre «avant quinze jours des engagements pour éliminer ces substances des couches pour bébé». Les contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) seront aussi renforcés, et celle-ci «dressera un bilan dans six mois».
Pas de quoi rassurer Quentin Guillemain, porte-parole de Génération écologie, parti présidé par l’ex-ministre de l’environnement Delphine Batho, et président de l’association des familles victimes du lait contaminé aux salmonelles (AFVLCS), créée fin 2017 suite à l’affaire Lactalis. Il voit des similitudes dans les deux scandales sanitaires. Et envisage une action en justice pour faire retirer du marché les couches contaminées.
En quoi cet avis de l’Anses vous choque-t-il ?
Le rapport nous dit qu’il y a des produits qui sont dangereux pour la santé des nourrissons, le gouvernement réunit les marques mais on ne nous donne pas le nom de ces marques ! C’est très choquant. Les parents s’inquiètent, ils aimeraient savoir quelles marques sont concernées. Peut-être le sont-elles toutes, c’est peut-être pour cette raison que le gouvernement ne communique pas. Mais on aimerait le savoir. L’information du consommateur est obligatoire surtout dans le cas d’un produit dangereux pour la santé. L’Anses le dit clairement : certaines des substances en cause sont considérées comme cancérogènes ou perturbateurs endocriniens.
Je fais un rapprochement avec l’affaire Lactalis, où l’entreprise ne souhaitait pas retirer ses laits infantiles du marché et où il a fallu engager un bras de fer pour les y contraindre. Je ne comprends pas pourquoi il n’y a pas de retrait ou de rappel des produits s’ils représentent un vrai danger pour les nourrissons. On parle de bébés, d’enfants en très bas âge dont on sait qu’ils sont hypersensibles à ce type de substances chimiques ! On est en train de créer des cancers à long terme. Et volontairement parce qu’on connaît le risque. Il n’est pas normal que l’on continue à vendre ces produits.
La réponse du gouvernement ne vous satisfait donc pas du tout ?
Non. Je ne comprends pas qu’on attende encore six mois pour faire quelque chose, éventuellement. Et qu’on s’arrange avec la loi : celle-ci dit qu’à partir du moment où il y a un danger pour la santé, les produits doivent être retirés du marché ou rappelés. Le gouvernement se contente de négocier avec les fabricants, de leur demander des «engagements» et des actions volontaires. On fait confiance, et les industriels s’exécuteront ? On sait très bien que cela ne marche pas comme ça dans le milieu économique, que l’objectif de ces entreprises est de faire du profit. Elles ne sont pas dans une logique où elles vont volontairement faire quelque chose qui leur pose un problème économique. Ce qu’il faut, c’est que pas une seule couche ne soit vendue sans qu’on soit sûr qu’elle soit saine et qu’elle ne représente pas un danger pour les enfants. Si vraiment on se préoccupait des questions de santé, on ferait en sorte que ces produits ne soient plus vendus.
Pourquoi le gouvernement ne le fait-il pas ?
Imaginez ce que représenterait économiquement le fait que 23 marques de couches soient obligées de retirer leurs produits… Donc on s’arrange de cela, on dit «oh ce n’est pas grave, elles sont là depuis toujours, donc on peut les laisser quelques mois de plus sur le marché». C’est ce que m’avait dit mon pharmacien quand je suis allé ramener la boîte de lait infantile de Lactalis : «Que votre fille en boive un peu plus ou un peu moins, elle en boit depuis six mois, il n’y a aucune raison que cela change la donne.» Des propos inadmissibles et scandaleux qui m’avaient poussé à porter plainte et à me lancer dans ce combat, toujours en cours. C’est exactement ce qui est en train de se passer avec le gouvernement sur les couches. Cette non-transparence est incompréhensible et révoltante.
Vous étudiez la possibilité d’une action en justice ?
Nous allons d’abord demander les noms des personnes morales responsables de ces produits à l’Anses, qui est dans l’obligation de nous les donner à partir du moment où c’est problématique pour la santé. Depuis l’affaire Lactalis, la jurisprudence va dans ce sens. Nous allons aussi lancer une pétition pour montrer que les consommateurs s’inquiètent. Et nous allons étudier la question juridique. Une fois que nous aurons le nom des marques, nous demanderons à l’Etat l’ensemble des contrôles qui ont été réalisés sur ces marques car on aimerait savoir si les autorités étaient au courant ou pas. Et nous ferons des recours. Apparemment, c’est la seule solution pour arriver à faire avancer les choses.
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