"Le Roundup n'a pas causé le cancer de M. Hardeman": Monsanto a tenu fermement sa ligne de défense lundi au premier jour du procès que lui intente un septuagénaire américain, atteint d'un cancer qu'il impute au désherbant au glyphosate.
Pour les avocats d'Edwin Hardeman, 70 ans, le produit est un "facteur considérable" dans la maladie de cet habitant du comté de Sonoma, au nord de San Francisco, où se déroule le procès.
A l'issue d'un premier procès historique intenté au géant agrochimique par un jardinier, Dewayne "Lee" Johnson, atteint d'un lymphome non-hodgkinien (LNH), Monsanto (désormais propriété de Bayer) avait été condamné à lui verser 289 millions de dollars.
M. Hardeman, atteint lui aussi d'un LNH, a utilisé du Roundup de 1986 à 2012. "Il versait le concentré dans une pompe de deux gallons (environ 8 litres), le mélangeait à de l'eau et le vaporisait", a expliqué lundi l'une de ses avocates, Aimee Wagstaff.
Fin 2014, "il s'est réveillé et a senti une grosseur dans sa gorge", a poursuivi Me Wagstaff avec à ses côtés le plaignant, traits tirés et rides creusées, cheveux châtains coiffés en brosse et fine barbe blanche clairsemée.
Diagnostiqué en février 2015, Edwin Hardeman a porté plainte l'année suivante contre la firme. Sa maladie est aujourd'hui en rémission.
- Causalité? -
Reprenant l'argumentaire habituel du groupe, son conseil Brian Stekloff a asséné plusieurs fois que "le Roundup n'a(vait) pas causé le cancer de M. Hardeman", affirmant que le "LNH est un type de cancer courant" avec environ 70 à 75.000 nouveaux cas par an aux Etats-Unis.
Et "la plupart d'entre eux n'ont jamais utilisé de Roundup", a-t-il assuré, ajoutant que le taux de LNH dans la population américaine était le même que parmi les utilisateurs de Roundup. Et "les médecins ne savent pas ce qui cause le NHL", a-t-il encore dit.
Même si le procès Johnson sera dans toutes les têtes durant ces débats, censés durer quatre à cinq semaines, celui-ci s'annonce sous un jour plus favorable pour Monsanto, tant du fait du profil du plaignant que de l'organisation du procès.
Edwin Hardeman "avait 66 ans quand il a été diagnostiqué", a souligné Me Stekloff, alors que Dewayne Johnson, père de deux petits garçons, était quadragénaire.
Autre argument massue selon la défense: Edwin Hardeman a eu une hépatite C, "facteur de risque", selon Me Stekloff.
A la demande de Bayer, le juge Vince Chhabria a accepté de diviser les débats, la première phase étant consacrée uniquement à tenter d'établir s'il y a une "relation de causalité" entre Roundup et cancer. Un lien qui fait lui-même débat au sein de la communauté scientifique.
Si le jury décide qu'un tel lien existe, une deuxième phase cherchera à déterminer si Monsanto connaissait les risques et les a cachés.
L'idée est d'aider le jury à se faire une idée sans être influencé par la réputation de Monsanto, qui a une image plus que mauvaise dans le monde entier, accusé notamment de cacher sciemment la dangerosité de ses produits, d'avoir manipulé des études etc...
Les avocats de M. Hardeman, eux, insistent sur le fait que son hépatite C était guérie depuis plusieurs années et qu'il n'y avait pas de cas de LNH dans sa famille.
Et selon eux, le Roundup est même plus dangereux que le glyphosate seul, a expliqué Me Wagstaff, car "les autres composants (agents moussants par exemple) sont plus toxiques que le glyphosate seul", a-t-elle affirmé.
- "Signal fort" -
Ce procès est le premier à être organisé au niveau fédéral, le procès Johnson en étant resté au niveau de la Californie.
"Il est beaucoup plus compliqué pour le plaignant de gagner au niveau fédéral mais si on gagne cela enverra un signal fort à Monsanto et à Bayer (disant) qu'ils ont un gros problème", a expliqué à l'AFP Brent Wisner, un avocat du plaignant qui avait aussi défendu Dewayne Johnson.
Une juge avait réduit à 78 millions de dollars le verdict d'août, pour lequel Bayer a fait appel.
Contrairement à l'agence fédérale américaine de protection de l'environnement (EPA), l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé depuis 2015 le glyphosate comme "cancérigène probable", mais pas les agences européennes Efsa (sécurité des aliments) et Echa (produits chimiques).
La France a promis lundi une étude "indépendante" pour "trancher" sur la controverse sur le glyphosate.
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