Les katanas sont tirés. Après avoir mis en scène début avril à Paris la volonté commune de tourner la page Ghosn , les vieilles rancoeurs refont déjà surface entre Renault et Nissan. Ces derniers jours, des cadres du constructeur japonais se sont répandus « en off » dans les médias nippons pour affirmer que le groupe français essayait, de nouveau, de forcer un rapprochement entre les deux entreprises. Ils ont même suggéré une trahison de Jean-Dominique Senard, le président de Renault, qui leur aurait promis de ne pas immédiatement aborder le chantier sensible de la relation capitalistique entre les deux entités. « Finalement, il a sorti ses crocs », s'est agacé, dans le quotidien Asahi, un cadre de Nissan. Pis, disaient-ils, ce sont les autorités françaises qui seraient à la manoeuvre.
Ulcérés par cette campagne et effrayés par la dégradation des résultats de Nissan , les partisans d'une réorganisation de l'Alliance se sont résolus à dévoiler les grandes lignes d'une architecture pérennisant le partenariat entre Nissan, Renault et Mitsubishi Motors. Cette réflexion, dont les deux directions connaissaient l'existence, aurait dû rester confidentielle jusqu'à la mise en place d'une nouvelle équipe à la tête de Nissan, lors de l'AG prévue fin juin.
Mariage entre égaux
Les banquiers de SMBC Nikko ont été mandatés par Renault pour inventer une structure « entre égaux », comme l'a réclamé Nissan par la voix de son PDG, Hiroto Saikawa. Selon nos informations, l'Alliance pourrait ainsi prendre la forme d'un holding qui chapeauterait les groupes Renault et Nissan. Les titres des deux constructeurs seraient « délistés » et leurs actionnaires se verraient remettre des actions du nouveau holding Renault Nissan, dans un rapport valorisant au même niveau les deux entreprises.
Pour atteindre cet équilibre, les banquiers ont calculé que la capitalisation de Renault, hors les 15 % de titres détenus par Nissan, atteignait 15,5 milliards d'euros, soit l'équivalent de 1.930 milliards de yens. Dans le même temps, la capitalisation de Nissan, hors les 43,3 % détenus par Renault, équivaut à 2.130 milliards de yens (17 milliards d'euros). « Il y a une légère différence en faveur de Nissan qui nécessiterait un paiement en cash de Renault », souffle un expert ayant consulté le plan de SMBC Nikko.
Afin de ne frustrer personne, le holding serait établi dans un pays tiers, éventuellement en Asie. Ses titres seraient introduits sur les places de Paris et Tokyo. Renault et Nissan conserveraient leurs identités, leurs équipes propres emmenées par leurs PDG respectifs, et leurs sièges actuels. « Il ne s'agit aucunement de fusionner les entités qui restent chacune en charge de leurs opérations, précise un proche du dossier. Le holding serait en charge de la supervision et permettrait d'intégrer à son niveau certaines fonctions communes, notamment financières ».
Les deux constructeurs nommeraient un même nombre de représentants au sein du conseil d'administration du holding. Celui-ci devrait également accueillir une majorité d'indépendants. Ce conseil désignerait enfin un président et validerait un comité exécutif, qui se pencherait sur les grandes pistes stratégiques.
Point de départ, pas d'arrivée
L'équipe de SMBC Nikko a testé son idée auprès des constructeurs et des autorités des deux pays. Le cadre du projet séduit plutôt Renault et semble jugé acceptable par l'Etat français, qui se retrouverait actionnaire à hauteur de 7,5 % du nouveau holding - mais qui ne pourrait plus bénéficier des droits de vote double apportés par la loi Florange.
Du côté du METI, le ministère de l'Industrie japonais, l'accueil est moins enthousiaste. « Il n'y a pas de non catégorique », souffle-t-on à Tokyo. De son côté, l'état-major de Nissan a tout simplement refusé pour le moment de se faire présenter le plan par SMBC Nikko. Plusieurs propositions de rencontres ont été rejetées, à la colère du clan français, qui estime ne pas pouvoir aller beaucoup plus loin niveau concessions.
« Ce n'est pourtant qu'un point de départ et pas un point d'arrivée », regrette l'un des négociateurs, admettant que de nombreux ajustements devront être faits, notamment pour intégrer Mitsubishi dans l'équation. Les deux gouvernements devraient également demander des garanties en termes d'emplois pour leurs bases industrielles. A Paris, on a en tête l'idée d'approfondir l'alliance d'ici à la fin d'année ou le début de l'année prochaine.
https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/nissan-boude-le-mariage-entre-egaux-suggere-par-renault-1014626Bagikan Berita Ini
0 Response to "Nissan boude le mariage « entre égaux » suggéré par Renault - Les Échos"
Post a Comment