Loïc Tribot La Spière, délégué général du Centre d'étude et de prospective stratégique était invité de franceinfo.
Coup de théâtre jeudi 6 juin dans le monde économique : Fiat-Chrysler annonce son retrait de projet de fusion avec Renault-Nissan. L'opération est stoppée pour l'instant, même si Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, annonce sur franceinfo que les discussions entre FCA et Renault "pourraient reprendre dans les prochains temps". Pas de quoi étonner Loïc Tribot La Spière, délégué général du Centre d'étude et de prospective stratégique (CEPS).
franceinfo : Comment comprenez-vous ce retrait ?
Loïc Tribot La Spière : Ce retrait est extrêmement brutal, mais il était totalement prévisible. Arrêtons de nous faire des nœuds à la cervelle. On a un acteur, Renault-Nissan, qui essayait de se marier avec Fiat-Chrysler. C'était de la haute voltige, et les Italiens l'ont bien compris. D'ailleurs, les relations franco-italiennes, même au niveau économique, sont parfois assez tendues, on l'a vu dans un certain nombre de segments industriels. Cette fusion, c'est inclure non seulement un acteur italien et américain, mais aussi un acteur français et japonais. C'était, à mon avis, beaucoup pour cette entité. Deuxièmement, le fait d'avoir un acteur étatique posait un problème dans la culture italienne. Bien souvent, le rapprochement avec des acteurs économiques italiens avaient eu à souffrir de la relation avec l'État français. Tout cela était hautement prévisible.
Pourquoi une telle impatience de la part de Fiat-Chrysler ?
S'il y avait une impatience, c'était pour se dire : "Il y a un grand combat qui est mené dans le domaine de l'automobile. Il y a beaucoup trop d'acteurs, il est important de se rapprocher." Mais on a vu combien c'était délicat. Il y a la culture Nissan, nappée de la culture Renault, et en même temps de la culture étatique française : ça faisait beaucoup pour un seul entrepreneur. À mon avis, le rapprochement ne pourrait se faire que si les choses sont claires entre Renault et Nissan. C'est-à-dire si la gouvernance et les données de partenariat sont clairement établies. Et là, il y a encore des petits problèmes qui sont à résoudre. Et puis, il faudra voir ce que fait l'État, s'il reste un actionnaire, et à quel niveau.
Vers qui Fiat pourrait-il se tourner désormais ?
Les jeux sont ouverts. Il y a pléthore sur le marché. On s'est aperçu que des rapprochements industriels pouvaient faire sens, mais il y a le problème de la culture. Et là, il y a le problème de la culture étatique dans un conseil d'administration et de la culture franco-japonaise. Ce n'est pas parce qu'on se marie que ça donne de beaux fruits. Il y a eu une précipitation, il va falloir remettre le couvert avec modération cette fois-ci. Il vaut mieux ne pas faire plutôt que de mal se marier.
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