
(BFM Bourse) - Trois krachs en six jours, c'est beaucoup. Trop, pour de nombreux investisseurs, professionnels et particuliers, qui réclament la fermeture du marché parisien. À circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. Mais une telle mesure d'urgence serait inédite, à Paris.
Impensable en temps normal, l'idée de fermer la Bourse de Paris fait désormais bon train parmi les professionnels des marchés. De fait, la panique est telle sur les marchés que les banques centrales - huit d'entre elles ont annoncé des baisses de taux ou des injections massives de liquidités lors des dernières 24h, à commencer par la Fed (-100 points de base) la Chine et le Japon- semblent bien impuissantes. La crise sanitaire emporte les marchés financiers sur son passage et la question est désormais de savoir où s'arrêtera la chute. , À Paris, le CAC abandonne encore 8,6% lundi à 9h45 et se dirige tout droit vers son 3e krach sur les six dernières séances (-12,3% jeudi dernier, plus grosse chute de son histoire, et -8,39% lundi dernier). Depuis le 1er janvier, la chute atteint désormais 37% et l'indice vedette du marché parisien a effacé ses gains accumulés depuis fin juin 2016.
À qui revient la décision ?
Ne serait-il pas temps de "débrancher les marchés", afin que les investisseurs puissent "reprendre leurs esprits" comme l'avait recommandé Jean-Claude Trichet alors président de la BCE pendant la crise financière de 2008? La décision est politiquement lourde car elle va à l'encontre des principes fondamentaux de l'auto-régulation des marchés et prive les investisseurs de leur liberté d'arbitrer. Au vu de l'ampleur et de la rapidité du krach boursier en cours, Nicolas Chéron admet toutefois qu'il "n'a jamais entendu autant d'investisseurs professionnels et particuliers demander la fermeture des marchés".Le responsable de la recherche marchés admet que cela "serait injuste pour les vendeurs à découvert qui ont souffert toute l'année 2019 de la hausse des indices et peuvent enfin profiter de la chute" mais, s'il a "du mal à le dire", il confesse qu'il serait également "pour, dans un cas extrême", comme celui auquel nous sommes confrontés. "Je pense qu'il aurait fallu le faire au préalable car il y a désormais eu beaucoup de casse sur la plupart des dossiers" ajoute-t-il.
Pour Christopher Dembik, responsable de la recherche macroéconomique chez Saxobank, "la priorité serait d'interdire les ventes à découvert, puis éventuellement la fermeture de la Bourse" mais "uniquement si c est coordonné". Si cela devait arriver, il imagine que "la Bourse US donnera le tempo, en concertation avec l'AMF, Euronext et l'État français" pour le cas du marché parisien. "Bercy sera sûrement à la manœuvre en premier" avance-t-il. À ce stade et à sa connaissance, l'idée n'est toutefois "pas encore évoqué en France".
David Le Bris est professeur de finance à la Toulouse Business School et "historien" de la Bourse. Il affirme qu'il "n’y pas de règle de qui décide". "Historiquement, c’est l’Etat qui cherche à imposer la fermeture pour éviter des mouvements de capitaux ou simplement "casser le thermomètre". Mais les acteurs cherchent à poursuivre leurs activités malgré la fermeture officielle" signale-t-il.
"Pas question de fermeture des marchés à ce stade" pour Euronext
Directrice de communication d'Euronext, Pauline Bucaille confirme qu'"il n'est pas question de fermeture des marchés à ce stade". "Une telle décision doit être prise par les autorités de régulation et suppose une coordination pan-européenne, si ce n'est plus large" juge-t-elle. Avant de tenter de rassurer en affirmant qu'Euronext "a la capacité d'opérer, dans le contexte actuel, de manière à maintenir une activité de marché équitable, ordonnée et efficace et la bonne fin des contrats".Que se passera-t-il si ça ferme ?
"Vu l’irrationalité ambiante, cela ne pourra guère être pire" estime Christopher Dembik. Sauf si la fermeture des Bourses "effraie encore plus les opérateurs et engendre une panique supplémentaire" considère Nicolas Chéron, pour qui ce "coup de poker" pourrait "se retourner contre les autorités".Chef analyste chez IG, Alexandre Baradez abonde en ce sens : "Ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on arrête la fièvre" indique-t-il, pour reprendre un vieil adage boursier. "Si on ferme les marchés, ils risqueront de continuer à "pricer" le risque à la réouverture" considère l'expert. Celui-ci ajoute que "les marchés étant un vecteur de transmission de la liquidité, une fermeture de ces derniers pourrait même impacter la situation économique déjà fragilisée".
Le marché parisien n'a jamais fermé depuis 1968
Si les autorités venaient à passer à l'acte, la décision serait inédite. De fait, cela fait près de 52 ans que la Bourse de Paris n'a pas fermé ses portes. La dernière fois, c'était entre le 21 mai et le 8 juin 1968", en pleine crise sociale, alors qu'un incendie avait même menacé de ravager le palais Brongniart où se tenaient les échanges à l'époque. Auparavant, il faut remonter à la Seconde guerre mondiale, lorsque la Bourse était restée fermée neuf ans pour finalement rouvrir ses portes le 27 juin 1949. Et encore, "la bourse de Paris a été fermé le 10 juin 1940 mais les titres continuaient à s’échanger à la Coulisse (marché noir quasi-officiel) et surtout l’essentiel des transactions s’est vite déplacé à Lyon" signale David Le Bris.Autre précédent, celui de mai 1981 et de l'élection présidentielle de François Mitterrand. Contrairement à ce que le dit la légende, la Bourse de Paris n'avait pas réellement fermé ce jour là, mais beaucoup de valeurs n'avaient pas coté pendant une voire deux séances.
Mettre en place des coupe-circuits comme aux États-Unis
Outre-Atlantique, le NYSE (qui opère les principaux indices) a commencé à mettre en place des pare-feu après le krach de 1987 pour empêcher qu'une chute aussi brutale puisse se renouveler à l'avenir. Concrètement, les échanges sont suspendus 15 minutes à partir de 7% de baisse, puis de nouveau un quart d'heure si la chute atteint 13% après reprise des cotations et, enfin, le seuil de 20% de baisse ne peut plus être dépassé sur une séance, puisqu'il est prévu tout simplement de clore celle-ci si la Bourse de New York arrive à une telle extrémité.
Ce type de "coupe-circuit" n'existe pas encore sur les Bourses européennes mais Nicolas Chéron se dit "d'accord pour la mise en place d'un filet de sécurité". "La présence de coupe circuits, notamment sur les indices US, freine la baisse mais ne l’arrête pas" nuance toutefois Alexandre Baradez. Reste que ces "circuit-breakers" devraient de nouveau avoir l'occasion de démontrer leur utilité lors de l'ouverture des échanges à Wall Street ce lundi.
En attendant, pour Sven Henrich, fondateur de NorthmanTrader.com, "s'ils (la Fed et l'État américain) ne peuvent pas contrôler les marchés aujourd'hui, ils devraient simplement les fermer jusqu'à ce que les choses soient réglées". Autrement, ils (toujours les mêmes, NDLR) risquent de faire exploser des fonds importants et de causer des dommages irréparables dont les conséquences se feront sentir pendant longtemps, même si le coronavirus est éliminé".
Quentin Soubranne - ©2020 BFM Bourse
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