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Comment Amazon prépare son come-back - Le Journal du dimanche

Rebelote et nouvelle déconvenue pour le géant américain Amazon. Dix jours après le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre, la cour d'appel de Versailles a confirmé le 24 avril que la société n'avait pas correctement évalué les risques visant ses salariés en raison du coronavirus. Prière de respecter le droit du travail dans ses six entrepôts français, et surtout d'associer les représentants de ses quelque 10.000 salariés (dont 4.000 intérimaires) à l'évaluation des risques professionnels générés par l'épidémie.

Les prochains jours seront déterminants pour la filiale française de l'entreprise fondée par Jeff Bezos, valorisée 1.200 milliards de dollars en Bourse. Dans un communiqué de presse diffusé vendredi, Amazon réagissait avec humeur à l'arrêt de la cour d'appel de Versailles. "L'enjeu principal n'est pas tant la sécurité que la volonté de certaines organisations syndicales de tirer parti d'un processus de consultation complexe avec les comités sociaux et économiques". Fermés à l'initiative de l'entreprise depuis le 14 avril, les entrepôts ne rouvriront pas leur porte avant le 29 avril, voire au-delà. "Nous sommes en train d'analyser toutes les implications de cette décision", indiquait aujourd'hui Julie Valette, porte-parole d'Amazon. "Dans l'immédiat, nous allons prolonger le dialogue initié ces dernières semaines et une nouvelle réunion est à attendre dans les prochains jours pour aborder les modalités d'une consultation", ajoute-elle.

Une réunion a eu lieu samedi à 14 heures et une autre est prévue ce lundi avec les représentants du personnel. La réouverture des entrepôts appartenant à Amazon France logistique en dépend. Pour la direction, le sujet de fond n'est plus la sécurité mais "un processus formel relatif au Comité social et économique central (CSE central)". "Malheureusement, cela ne sert ni nos clients en France, ni nos salariés, ni les milliers d'entreprises qui vendent sur notre place de marché", déclare la porte-parole. "Nous espérons donc que chacun se mette à être plus sérieux et plus responsable, sinon cela sera plus complexe et nous devrons en évaluer les implications au plan industriel", avertit Julie Valette.

Forcé de relancer un dialogue social en panne

La décision met en lumière le sujet récurrent de la qualité du dialogue social chez le géant de Seattle. Comme si le Covid-19 venait exacerber le choc culturel entre les représentants des salariés attachés aux procédures de négociation et un groupe numérique obsédé par la satisfaction du consommateur et la performance industrielle et économique. Au point d'en oublier les salariés.

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Les partenaires sociaux n'ont cessé de proposer de négocier jusqu'à la veille de l'audience et même depuis la décision de la cour d'appel

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"Après deux décisions de justice, la direction maintient une démarche antisyndicale. Les partenaires sociaux n'ont cessé de proposer de négocier jusqu'à la veille de l'audience et même depuis la décision de la cour d'appel sur la procédure de consultation, la méthode d'évaluation des risques et les mesures de sécurité", s'indigne Me Judith Krivine. Cofondatrice du cabinet d'avocats Dellien Associés, elle représentait l'Union syndicale et Solidaires (SUD), la CGT transports et le Comité social et économique central (CSEC) d'Amazon France logistique devant les juges de Nanterre et de Versailles.

Même si l'entreprise accuse une baisse de son chiffre d'affaires de 20% depuis la fermeture de ses entrepôts, la mesure n'a aucun impact sur ses clients. Avec le confinement ses ventes s'envolent et depuis le jugement de Nanterre mi-avril, la société s'est organisée pour livrer la clientèle française depuis ses entrepôts situés à l'étranger ou en recourant à des vendeurs tiers de sa place de marché. Il n'empêche : les juges d'appel ont ordonné à Amazon de restreindre ses activités de réception, préparation et livraison à certaines catégories de produits dans ses entrepôts français en attendant de corriger ses manquements au droit du travail.

Une réouverture encore en suspens

Les juges d'appel ont précisé et élargi la liste de produits autorisés par rapport à ceux du tribunal judiciaire. Leur éventail couvre 50% du catalogue Amazon avec, pèle mêle, les articles de high tech, d'informatique, de bureautique, l'animalerie, la santé, les soins du corps, la parapharmacie, l'épicerie, les boissons et les produits d'entretien. En cas d'infraction, Amazon encourt une astreinte de 100.000 euros par produit interdit. La cour a eu la main moins lourde que le tribunal qui avait fixé l'astreinte à 1 million d'euros par manquement. Pour autant, le groupe ne prend pas la menace à la légère.

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Nous gérons énormément de références et ne sommes pas à l'abri d'une livraison accidentelle de la part de nos fournisseurs

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"Nous gérons énormément de références et ne sommes pas à l'abri d'une livraison accidentelle de la part de nos fournisseurs. Un taux d'erreur même infime de 0,1% pourrait nous exposer à plus d'un milliard d'euros de pénalité par semaine", souligne Julie Valette. Trop cher, même pour un groupe qui a réalisé l'an dernier 11,6 milliards de dollars de profits et qui préfère prolonger la suspension temporaire de l'activité de ses centres de distribution dans l'Hexagone. Encore faut-il que l'infraction soit constatée. Un risque que la direction n'est pas prête à assumer dans son épreuve de force avec les syndicats.

"Les salariés payés au Smic ont très mal vécu de devoir prendre des risques pour leur propre santé et pour leur entourage, non pas pour servir la nation mais pour expédier des vernis à ongle", pointe Me Judith Krivine.

Une décision très attendue par les entreprises qui redémarrent

Au-delà du numéro un du commerce en ligne en France, l'arrêt Amazon était scruté et attendu notamment par les entreprises qui se préparent à redémarrer leurs activités. "Le déconfinement sera un moment de vérité pour voir si Amazon et si les autres entreprises comprennent qu'il faut associer les représentants du personnel, y compris à travers le mécanisme de consultation – dont les modalités peuvent faire l'objet de négociation – à l'évaluation des risques et au choix des mesures de prévention à mettre en place", analyse l'avocate dont le cabinet a également obtenu la condamnation de La Poste en première instance le 9 avril. La justice a enjoint l'entreprise publique de recenser les activités postales estimées essentielles à la vie de la nation et tous les risques liés à l'épidémie.

Les actions en justice vont-elles se multiplier dans la foulée de l'affaire Amazon? Si Cdiscount, le principal concurrent français d'Amazon, se dit serein face au risque de contentieux, beaucoup de plaintes pourraient émaner des salariés travaillant dans la grande distribution, en première ligne depuis la crise sanitaire. La Fédération CGT Commerce et services a ainsi assigné un hypermarché Carrefour en référé pour demander la fermeture de ses rayons "non essentiels". Le tribunal judiciaire de Lille l'a, toutefois, déboutée le 24 avril. Mais les avocats de droit social pro-salariés anticipent une montée en puissance des actions en justice, notamment dans le secteur des transports où les points de contacts sont fréquents et parfois mal protégés.

Amazon sait, quant à elle, qu'elle va rester sous les projecteurs et prépare son come-back. Le groupe qui n'a pas demandé d'activité partielle et continue de payer les employés de ses entrepôts français, assure vouloir encore renforcer son dispositif de sécurité. "Nos sites sont sûrs. Ce qui a été mis en place est majeur. Nous appliquons la même rigueur à la protection de la santé qu'à nos processus logistiques", appuie Julie Valette. Le groupe de Seattle publie ses résultats trimestriels mondiaux jeudi. Et signe que le marché français est porteur pour le géant numérique, il projette d'ouvrir 8 à 10 nouveaux entrepôts et agences de livraison dans l'Hexagone. Coronavirus ou pas.

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