
Alstom a annoncé jeudi 9 juillet qu’il allait proposer à la Commission européenne plusieurs mesures, afin de pouvoir racheter son concurrent Bombardier Transport. Alstom avait notifié le mois dernier son projet de rachat de la branche ferroviaire du conglomérat canadien Bombardier, pour un prix compris entre 5,8 milliards et 6,2 milliards d’euros, à la Commission européenne, qui a jusqu’au 16 juillet pour un premier examen de l’affaire.
« Pour répondre aux préoccupations initiales de la Commission européenne », gardienne de la concurrence en Europe, « Alstom, en coordination avec Bombardier Transport et la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDQP), annonce aujourd’hui son intention de soumettre un certain nombre d’engagements », explique le groupe dans un communiqué.
Alstom propose notamment de céder ses trains régionaux pour le marché français, Coradia Polyvalent, et son site de production de Reichshoffen, dans le Bas-Rhin. Le groupe se dit également prêt à vendre la plate-forme Bombardier Talent 3 – des automoteurs vendus en Allemagne et en Autriche – ainsi que « des installations de production correspondantes situées sur le site de Hennigsdorf », au nord de Berlin, en Allemagne.
La société fournira également « un accès à des tiers à certaines interfaces et produits des différentes unités de signalisation embarquée de Bombardier Transport et de systèmes de gestion du contrôle des trains ».
Enfin, le nouvel ensemble se recentrerait sur les trains à grande vitesse d’Alstom (TGV), après avoir transféré la contribution de Bombardier Transport à d’autres trains à grande vitesse (Zefiro V300).
Affaire bouclée au premier semestre de l’année 2021
Ces engagements « sont soumis à l’approbation de la Commission européenne », précise Alstom, qui estime que l’acquisition de Bombardier Transport « reste en bonne voie pour une clôture prévue au premier semestre de l’année 2021 ».
Dans un communiqué séparé, Bombardier a dit jeudi confirmer son « appui aux engagements d’Alstom (…) relatifs à certaines préoccupations initiales de la Commission européenne concernant l’acquisition de sa division Transport par Alstom, y compris la cession de certains actifs détenus actuellement par Bombardier Transport ».
En février 2019, Bruxelles avait mis son veto à un projet de reprise d’Alstom par le groupe allemand Siemens, craignant une position trop dominante en Europe dans la signalisation ferroviaire et les trains à grande vitesse.
Avec un chiffre d’affaires cumulé de plus de 15 milliards d’euros et un carnet de commandes dépassant 75 milliards, le mariage Alstom-Bombardier doit créer un groupe puissant, capable d’affronter le mastodonte chinois CRRC.
Les deux groupes disposent actuellement d’un quasi-monopole sur le matériel roulant en France, où ils collaborent régulièrement, comme sur le métro parisien et le RER francilien.
« Une trahison »
La menace de la concurrence chinoise avait déjà été évoquée pour justifier la reprise d’Alstom par Siemens ; une opération qui avait été bloquée en février 2019 par la Commission européenne, qui craignait une position trop dominante en Europe dans la signalisation ferroviaire et les trains à grande vitesse.
Sis à Berlin, Bombardier Transport, a réalisé en 2019 un chiffre d’affaires de 8,3 milliards de dollars, terminant l’année avec un carnet de commandes de 35,8 milliards de dollars (33 milliards d’euros). Cette branche de Bombardier, détenue à 32,5 % par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), dispose notamment à Crespin, dans le Nord, de la plus grosse usine ferroviaire de France, avec 2 000 employés.
De son côté, Alstom exploite de nombreux sites plus petits. Le constructeur a bouclé son exercice 2019-2020 (clos à la fin de mars) avec un chiffre d’affaires de 8,2 milliards d’euros, son carnet de commandes culminant à 40,9 milliards d’euros.
La crise due au coronavirus devrait avoir un impact sur l’exercice en cours, mais le groupe estime disposer d’une trésorerie suffisante pour y faire face. Surtout, cette crise n’a pas entamé sa motivation à reprendre son concurrent.
De leur côté, les 780 salariés du site de Reichshoffen tombent des nues : « Personne ici ne pensait que notre usine allait être cédée. C’est plus ou moins une trahison, c’est ce que tous les salariés ressentent », a déploré Daniel Dreger, délégué CGT. « On a été très surpris. On attend maintenant la décision de la Commission européenne, mais, pour nous, c’est presque acté que Reichshoffen va être cédé… On ne voit pas comment ils pourraient revenir en arrière. »
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