Au terme d’une semaine de tractations, le grand marchandage du Black Friday a fini par produire un accord, qui reste à valider définitivement par le chef de l’Etat. En échange d’une réouverture de l’ensemble des commerces dès le samedi 28 novembre, les différentes fédérations du commerce ont accepté de reporter d’une semaine, au 4 décembre, la méga-braderie commerciale d’avant les fêtes. Pas question pour le gouvernement de faire coïncider les deux dates, au risque de provoquer un rush dans les magasins.

Car le Black Friday, qui a généré six milliards d’euros de ventes en France l’an dernier (cinq dans les points de vente physiques et un en ligne), est devenu au fil des années le meilleur week-end d’activité dans les magasins. Ce fut le cas en 2019, par exemple, aux Galeries Lafayette. «En cette période chaque jour compte triple», témoigne un commerçant d’une épicerie fine parisienne.

«On a créé les conditions pour parvenir à cet accord en multipliant les propositions, explique Jacques Creyssel, de la Fédération du commerce et la distribution, qui regroupe les gros acteurs physiques du secteur. Tout le monde a fini par se ranger à la solution proposée par le gouvernement, qui permet d’envisager une réouverture pérenne des commerces en toute sécurité, malgré l’épidémie.»

Une personne pour 8 m²

En donnant, en dernier, son accord jeudi soir à ce report, le leader du e-commerce en France, Amazon, avait permis d’ouvrir la voie à cette réouverture anticipée de l’ensemble des commerces non alimentaires dans l’Hexagone. C’est dire le poids qu’il a acquis en France. Carrefour, Leclerc et les enseignes spécialisées n’auraient pas accepté de jouer le jeu si Amazon ne s’y pliait pas. «Ils ont donné une aumône, mettez le genou à terre, faites courbette et dites merci mon seigneur, a ironisé sur Twitter le député La France insoumise François Ruffin. Dans quel pays on se trouve ?»

Lors d’une nouvelle réunion de travail vendredi matin entre le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, les fédérations de commerçants et les organisations patronales Medef et CPME, et en présence de nombreux ministres, le nouveau protocole sanitaire négocié ces jours derniers a été présenté. Bien plus strict qu’avant le déconfinement, il fait passer la jauge d’occupation des commerces d’une personne pour 4 mètres carrés à une personne pour 8 mètres carrés.

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Il s’appliquera à l’ensemble de leur surface en incluant présentoirs, meubles et autres aménagements densifiant l’espace. De quoi rendre difficile son application dans les petits commerces comme les salons de coiffure, même si Bruno Le Maire a prévu de la «souplesse». Les personnels par exemple ne seront pas comptabilisés dans la jauge des huit mètres carrés ni les enfants qui accompagnent leurs parents. Pour les surfaces supérieures à 400 mètres carrés, un comptage des clients sera rendu obligatoire. En revanche, la prise de rendez-vous ne sera pas obligatoire.

Ouverture prolongée le dimanche

En échange de ce filtrage renforcé des clients, les professionnels auront le droit d’ouvrir également le dimanche, avec des horaires amplifiés, un dispositif qui se poursuivra au-delà de la période des fêtes. Ces nouvelles règles sanitaires «de long terme», comme l’a indiqué Bruno Le Maire, sont en effet prévues pour durer plusieurs mois. «Il y avait trois conditions pour parvenir à cette réouverture, a-t-il indiqué lors d’un échange à distance avec les journalistes. Une poursuite de l’amélioration des chiffres concernant l’épidémie, un nouveau protocole et l’acceptation du report du Black Friday. Le terrain est maintenant dégagé mais ce sera au président et au Premier ministre de prendre la décision finale.» 

Le protocole sera transmis au Conseil scientifique pour étude. Ce dernier devrait donner son accord d’ici la fin du week-end, selon un participant aux réunions. En déplacement à Crozon (Finistère) à la rencontre de commerçants, le Premier ministre, Jean Castex, connu pour incarner une ligne plus dure que celle de Bruno Le Maire, a indiqué que l’amélioration des indicateurs sanitaires, «sur la bonne voie», devrait permettre d’envisager la réouverture des commerces «autour du 1er décembre».

Il reviendra à Emmanuel Macron, qui s’exprimera mardi soir, de confirmer la nouvelle, soit la réouverture  des commerces avec au moins trois jours d’avance sur le calendrier initialement prévu. «On laisse la primeur de l’annonce du jour au président de la République, a déclaré sur BFM François Momboisse, président de la Fevad, la Fédération du e-commerce et de la vente à distance. C’est un peu incroyable mais c’est comme ça que ça se passe en France.»  

Christophe Alix