Publié le 18 févr. 2021 à 9:36Mis à jour le 18 févr. 2021 à 13:52
C'est la fin d'une époque chez Bouygues. Martin Bouygues a quitté son poste de directeur général du groupe fondé par son père, qu'il occupait depuis 31 ans. Mais il continuera d'exercer les fonctions de président, a annoncé le groupe jeudi, à l'occasion de la publication de ses résultats annuels.
Martin Bouygues, 68 ans, était PDG du géant du BTP, des télécoms et de la télévision depuis septembre 1989, quand il avait succédé au fondateur du groupe Francis Bouygues, son père. Pour le remplacer, le groupe a fait le choix de la continuité. C'est son fidèle bras droit Olivier Roussat, 56 ans, jusqu'à présent directeur général délégué, qui lui succède. Il sera lui-même remplacé par un binôme composé d'Edward Bouygues, le fils de l'actuel PDG, et de Pascal Grangé.
Trublion des télécoms
En 1989, Francis Bouygues avait créé la surprise en passant les rênes de son groupe à son fils cadet, Martin. Moins diplômé que son frère Nicolas, le jeune homme âgé de 37 ans avait commencé sa carrière comme conducteur de travaux dans le groupe familial, avant de monter les échelons. Créé après la Seconde guerre mondiale, Bouygues était alors spécialisé dans la construction, les grands travaux industriels et la distribution de l'eau. En 1987, il avait en outre racheté la chaîne TF1, privatisée par le gouvernement.
Sous l'impulsion de Martin Bouygues, le groupe se lance dans les télécoms, à une époque où une infime partie de la population française possédait un téléphone portable. En 1994, le nouveau PDG lance Bouygues Telecom, qui deviendra le troisième opérateur français de téléphonie mobile, après Orange et SFR. Il mise sur l'innovation en lançant la vente de téléphones par « packs », avec un abonnement, en rupture avec les usages de ses concurrents. Sous l'impulsion de son jeune patron, Bouygues Telecom invente les forfaits, qui coûtent alors 240 francs pour trois heures d'appel.
Le nouvel opérateur gagne rapidement des parts de marché et s'affirme en concurrent majeur d'Orange et de SFR. C'est le début d'une ère de concurrence acharnée : entre 1995 et 1997, les prix des forfaits sont divisés par trois, avant de se stabiliser. Au début des années 2000, les trois groupes sont au contraire condamnés par la justice pour leurs pratiques anticoncurrentielles.
Tentatives de diversification
Malgré sa percée dans les télécoms, le groupe créé par Francis Bouygues continue de tirer l'essentiel de ses revenus de la construction. Les années quatre-vingt-dix sont marquées par les grands travaux - en France, avec la construction de la Grande Arche de la Défense ou encore de la Bibliothèque nationale de France, comme à l'étranger, avec le chantier de la mosquée Hassan II à Casablanca. Au début des années 2000, Bouygues se réorganise, en se séparant de ses actifs dans la distribution d'eau notamment, et tente de se diversifier.
En 2006, à la surprise générale, Martin Bouygues décide d' acheter à l'Etat sa part de l'équipementier Alstom, spécialiste du ferroviaire et de l'énergie. Bouygues acquiert petit à petit des parts, jusqu'à atteindre 29 % du capital… avant de se désengager, confronté aux difficultés du secteur et à l'absence de synergies entre les deux groupes. Il lui faudra attendre treize ans pour récupérer sa mise.
En septembre 2019, après l'échec du projet de fusion entre Alstom et l'allemand Siemens, le géant du BTP, des médias et des télécoms cède enfin la moitié de sa participation dans Alstom, empochant au passage un pactole de plus d'un milliard d'euros. Il poursuit sa sortie du capital l'année suivante, mais détient toujours près de 10 % de l'équipementier ferroviaire.
Pendant ce temps, l'activité télécoms du groupe pâtit d'un regain de concurrence, avec l'arrivée d'un nouvel entrant, Free. En dévoilant en 2012 un forfait « tout illimité » à 20 euros et un autre à 2 euros, Xavier Niel dévaste les marges de ses concurrents. Les comptes de Bouygues Telecom, qui dégageait plus d'un milliard de bénéfices, passent dans le rouge. Le groupe est forcé de voler au secours de son ancienne vache à lait, devenue déficitaire. Fragilisée, elle fait même l'objet d'une offre de rachat de Numericable-SFR, que Martin Bouygues parvient à repousser.
Sous pression côté télécoms, le PDG fait le choix de se séparer de l'un de ses joyaux , la chaîne Eurosport, diffusée dans plus de 20 langues. Difficile pour le patron de se séparer d'une activité particulièrement lucrative, qui dispose d'une envergure internationale. Mais l'opération lui permettra d'engranger 900 millions d'euros. Une somme qui tombe à pic pour renflouer d'autres parties du groupe en grave difficulté.
Quelques années plus tard, Bouygues Telecom est parvenu à reconquérir des abonnés en France, grâce à ses investissements dans les réseaux. « Comme vous pouvez le voir, la guerre des prix ne nous a pas gênés, lançait Martin Bouygues lors de la présentation des résultats l'année dernière. Nous enregistrons la plus belle progression du marché français. » Son successeur prend les rênes du groupe au moment d'une relative accalmie sur le marché des télécoms. En revanche, dans la télévision, la concurrence fait rage avec les nouveaux entrants comme Netflix, qui taille des croupières à la télévision traditionnelle incarnée par TF1.
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