Actuelles ou anciennes voix de la station, confrères d’autres médias, syndicalistes, défenseurs de la liberté de la presse… Tous ont répondu à l’appel de l’intersyndicale (SNJ-CGT - CFTC - FO) et de la société des rédacteurs d’Europe 1 à manifester devant les locaux de la radio, mercredi 30 juin. Quelque 150 personnes, pour la plupart journalistes, ont ainsi dénoncé « l’emprise croissante de Vincent Bolloré dans les médias » et fait part de leurs craintes de voir leur radio se transformer en un « média d’opinion » du fait du rapprochement annoncé avec CNews, contrôlée par le magnat breton.
Ce rassemblement était organisé alors que se tenait l’assemblée générale des actionnaires de Lagardère. Celle-ci a entériné la transformation du groupe en société anonyme, mettant fin au pouvoir absolu d’Arnaud Lagardère au profit de son premier actionnaire, Vincent Bolloré. Le milliardaire contrôle Vivendi et sa filiale Canal+, maison mère de CNews.
Préférer l’« information à la controverse »
Europe 1 est une « radio qui a toujours préféré l’information à la controverse », a fait valoir la journaliste Anne Sinclair, ancienne salariée de la station, soucieuse « que cela perdure, surtout avant la présidentielle ». « Ce qui nous rassemble aujourd’hui, c’est une conception de l’information », une « éthique de responsabilité vis-à-vis de la société », a lancé à la foule Patrick Cohen, qui anime la tranche de la mi-journée sur Europe 1. « Le modèle qui est en train de gagner », c’est celui qui cherche à créer « des fractures, à dresser une partie de la France contre l’autre, y compris par des appels à la haine » jugés « par les tribunaux », a-t-il déploré. Le chroniqueur vedette de CNews, Eric Zemmour, a été condamné à plusieurs reprises pour provocation à la haine.
Le secrétaire général de Reporters sans frontières, Christophe Deloire, a de son côté défendu « l’indépendance éditoriale » et le « pluralisme interne des médias audiovisuels », appelant le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à « jouer [le] rôle »qu’il n’a pas tenu, selon lui, pour i-Télé (devenue CNews en 2017) et Canal+. Début juin, l’institution avait cependant mis en demeure CNews pour manquement à ses obligations en matière de pluralisme politique, après avoir omis de comptabiliser près d’une heure de temps de parole d’un candidat du Rassemblement national.
En conséquence, les journalistes d’Europe 1 s’inquiètent des « synergies » mises en place entre la radio et CNews, telle une émission commune présentée par Laurence Ferrari, officialisée il y a quelques jours par Arnaud Lagardère. La semaine dernière, une partie d’entre eux se sont mis en grève pendant six jours. A l’issue du mouvement, la direction s’est engagée à négocier un dispositif semblable à la clause de conscience, un dispositif qui permet aux journalistes en désaccord avec un changement de ligne éditoriale de partir avec des indemnités. Mais « la mobilisation ne s’arrête pas », a assuré Olivier Samain, délégué syndical SNJ, promettant d’« autres actions ».
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