Après 18 mois de chute quasi ininterrompue des faillites et de politique du "quoi qu'il en coûte", la tendance va-t-elle s'inverser ? Le resserrement des aides sur certains secteurs et l'apparition du variant Omicron va t-elle frapper des secteurs submergés par des vagues de contamination à répétition ? Une chose est sûre. D'après un bilan de la société Altares dévoilé ce lundi 17 janvier, "l'année 2021 se termine par des défauts très sensibles. Toutes les catégories d'entreprises ont enregistré des baisses sur l'année mais tous les secteurs n'ont pas subi la crise de la même façon. Le chiffre global favorable traduit mal certaines situations", a déclaré à La Tribune Thierry Millon, directeur des études du cabinet Altares.
Déjà à l'automne dernier, certains économistes tablaient sur une envolée des faillites en France en 2022. Chez Euler Hermes, l'économiste en chef Anna Boata avait établi dans un scénario particulièrement pessimiste une hausse de 40% cette année. De son côté, Thierry Millon fait le pari d'une "normalisation" des défaillances. La circulation à grande vitesse du variant Omicron dans les chaînes de contamination ont amené la plupart des instituts de prévision à réviser à la baisse leurs chiffres de croissance du produit intérieur brut (PIB) pour le dernier trimestre 2021. Ce coup de frein de la croissance en fin d'année devrait avoir des conséquences sur le niveau d'activité au cours du premier trimestre 2022.
Remontée des faillites au mois de décembre 2021
L'examen détaillé de la fin de l'année montre certains signaux préoccupants. Le débranchement progressif des aides depuis la fin du mois d'août, la pagaille dans les chaînes d'approvisionnement et la flambée des prix de l'énergie pèsent sur la trésorerie des entreprises.
"Au quatrième trimestre 2021, les comportements se dégradent. [...]Il faut faire attention. Lorsque l'année se termine, les PME font un budget. Le cash de l'entreprise n'est pas toujours au rendez vous pour assurer les prochaines échéances. Il peut y avoir un risque d'impayé", poursuit Thierry Millon.
Au mois de décembre, les défaillances ont effectivement progressé de 9% par rapport à décembre 2021. Au dernier trimestre, la situation dans la construction est plus critique. Le gros œuvre, la maçonnerie générale, la construction de maisons individuelles, les travaux publics sont affectés. Dans l'immobilier, la conjoncture est encore plus morose avec une explosion des faillites dans la promotion immobilière (+54%) et dans une moindre mesure, les agences immobilières connaissent des difficultés (+9%).
"Au mois de décembre 2021, la plupart des secteurs et des régions sont dans le rouge. Dans l'industrie, il y a des tensions sur l'automobile. Dans le bâtiment, on a remarqué des tensions. La France a atteint un niveau plancher de faillites", estime l'expert.
Une fin d'année sombre dans l'industrie
L'autre point de vigilance concerne l'industrie. En effet, les entreprises industrielles ont connu globalement une évolution favorable avec 12% de faillites en moins l'année dernière. En revanche, la fin de l'année est plus sombre avec un bond des faillites de 7%. Sur le front géographique, quelques régions ont commencé à souffrir en fin d'année. Parmi les régions les plus exposées figurent les Hauts-de-France (+23% par rapport au T4 2020), le Centre-Val-de-Loire (+21,8%) ou encore les Pays de la Loire (+10%).
A l'opposé, la région PACA, l'Île-de-France ou encore le Grand Est se portent bien sur l'ensemble de l'année et au dernier trimestre. "La fin de l'année 2021, marquée par l'arrivée brutale d'une nouvelle vague épidémique, a conduit à l'adoption de nouvelles restrictions en ce début d'année 2022. Une situation qui ravive un fort sentiment d'incertitude chez les entrepreneurs", a ajouté Thierry Millon. En dépit de ces signaux d'alarme, le directeur des études reste optimiste pour les mois à venir.
"2022 devrait être plutôt bonne. Pour le moment, la situation semble s'apaiser et l'activité internationale a retrouvé des couleurs."
Les faillites au plus bas en 35 ans
Ce rebond des faillites en fin d'année intervient alors que seulement près de 28.000 défaillances ont été recensées sur l'ensemble de l'année 2021. Il s'agit d'une baisse de 12% par rapport à 2020 et de 45% par rapport à 2019. Avant la crise sanitaire, les chiffres de faillites en France tournaient autour de 50.000 environ chaque année et sur 10 ans, la moyenne était de 44.000. " Il y a eu beaucoup d'efforts dans l'accompagnement public. Le niveau de défaillances est très bas. C'est de bon augure sur le front de l'emploi et le front des affaires" "Pour autant, la situation pourrait se 'normaliser' en 2022" avance Thierry Millon.
Une baisse généralisée en 2021
L'un des principaux enseignements de cette vaste étude de près de 50 pages est que toutes les tailles d'entreprise ont enregistré une diminution des défaillances avec des ratios variant entre -6% et -38% au cours de l'année 2021. La plupart des grands secteurs ont été également épargnés par des fermetures en série. Si certaines entreprises dans l'automobile, dans la métallurgie ou la mécanique ont particulièrement souffert de la pandémie en raison notamment d'une chute abyssale de l'activité, d'autres ont été préservées comme l'hôtellerie, les cafés et restaurants (HCR). Malgré des mois entiers de fermeture, la baisse des faillites est spectaculaire avec un record de 36,8% pour le HCR.
Il faut dire que les aides mises en oeuvre (fonds de solidarité, chômage partiel, PGE, prise en charge des coûts fixes) depuis le début de la pandémie ont permis de préserver une bonne partie des établissements, notamment dans les secteurs S1 et S1 bis. Sur le plan géographique, toutes les régions françaises ont également enregistré une baisse des faillites sauf en Outre-Mer. En Normandie et en Corse, les baisses sont impressionnantes avec respectivement 25% et 31% de défaillances en moins par rapport à 2020. La conjoncture pourrait changer dans les semaines à venir.
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