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Covid-19 : Shenzhen confinée, un nouveau coup dur pour l'industrie des semi-conducteurs - La Tribune.fr

Shenzhen est à l'arrêt. Depuis dimanche soir, cette mégalopole technologique de près de 18 millions d'habitants, souvent qualifiée de Silicon Valley chinoise, est confinée : tous les travailleurs non essentiels sont contraints de demeurer chez eux. Une mesure qui fait suite au dépistage de 60 cas durant la journée de dimanche, et s'inscrit dans la stratégie zéro Covid poursuivie par la Chine depuis le début de la pandémie.

La brutale mise à l'arrêt du berceau chinois des nouvelles technologies soulève la crainte de nouvelles disruptions dans la chaîne de valeur mondiale des nouvelles technologies, déjà malmenée par l'impact de la pandémie et la guerre actuellement en cours en Ukraine.

La bombe à retardement du zéro Covid chinois

« Shenzhen est une ville usine, où sont assemblés nombre de produits électroniques grand public. Cela risque donc de fragiliser encore un marché déjà en forte tension », note Sarah Guillou, directrice du département innovation et concurrence à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Les premiers effets n'ont du reste pas tardé à se faire sentir. Le géant taïwanais de l'électronique Foxconn, qui assemble les iPhone d'Apple et la ligne Galaxy de Samsung, a annoncé lundi la suspension de ses activités à Shenzhen, le confinement affectant le fonctionnement de ses usines.

La mise à l'arrêt de cet ancien port de pêche impose également une tension supplémentaire sur l'industrie mondiale des semi-conducteurs, qui connaît déjà une pénurie sans précédent due à la pandémie. Semiconductor Manufacturing International Corporation (SMIC), plus grand fondeur de semi-conducteurs chinois et cinquième au monde, mène en effet des opérations importantes à Shenzhen, dont une usine flambant neuve ouverte à l'automne. TSMC, le premier fabricant de puces au monde, est également en train d'y construire une usine géante.

« De par sa politique zéro Covid, la Chine a pour l'heure évité que le virus se répande dans la totalité de sa population. Lorsque cela finira par se produire, cela risque d'accentuer la pénurie mondiale de semi-conducteurs », nous confiait récemment Ambrose Conroy, fondateur et directeur général du cabinet Seraph, spécialisé dans le conseil autour de la gestion de la chaîne de valeur.

Selon lui, « la pénurie actuelle montre que la chaîne de valeur mondiale des semi-conducteurs est très vulnérable, car nous n'avons pas assez investi pour la rendre résiliente, il est probable que nous continuions d'avoir des difficultés dans ce domaine pour le reste de la décennie. » Il semble désormais que ses craintes soient en passe d'être confirmées, suscitant de nouvelles inquiétudes dans un secteur déjà très tendu.

Une pénurie de néon en perspective

D'autant que le confinement de Shenzhen intervient alors que d'autres risques géopolitiques majeurs viennent menacer cette chaîne de valeur déjà fragilisée. Ainsi, Ingas et Cryoin, les deux principaux fournisseurs ukrainiens de néon, qui produisent à eux seuls la moitié de l'offre mondiale de ce gaz essentiel à la fabrication de semi-conducteurs, ont également suspendu leurs activités avec l'invasion des forces russes.

Le néon intervient dans l'alimentation des lasers de gravure utilisés dans la chaîne de valeur des puces. Il est notamment extrait à Odessa, dans le Sud du pays, ville actuellement menacée par l'armée russe. Au total, l'Ukraine fournit 70% de ce gaz utilisé à l'échelle de la planète, et plus de 90% du néon destiné à la fabrication des semi-conducteurs aux États-Unis.

« Si les stocks sont épuisés d'ici avril et que les fabricants de puces n'ont pas passé de commande dans d'autres régions, cela signifie probablement des contraintes supplémentaires pour la chaîne d'approvisionnement et l'incapacité de fabriquer le produit final pour de nombreux clients », expliquait récemment Angelo Zino, analyste chez CFRA, un cabinet d'intelligence de marché, à l'agence Reuters.

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La Russie est quant à elle un important fournisseur de palladium (elle assure par exemple 35% des besoins américains en la matière), un métal rare omniprésent dans l'électronique, dont les microprocesseurs. « Chacune de ces crises nous rappelle combien la chaîne de valeur des microprocesseurs, et de l'électronique en général, est complexe et interconnectée, entre la collecte de matériaux primaires, la conception des puces et l'assemblage des produits finis... Tout cela crée un tissu d'interdépendances mondialisé, avec des risques de répercussion sur toute la chaîne de valeur chaque fois qu'une étape est affectée », note Sarah Guillou.

Faute de puces, des véhicules Ford vendus sans certaines fonctionnalités accessoires

La pénurie de semi-conducteurs a des répercussions dans de nombreuses industries, de l'informatique au spatial, en passant par l'armement et l'automobile. Dimanche, alors que Shenzhen se confinait, Ford annonçait ainsi que ses modèles Ford Explorers allaient bientôt être vendus aux concessionnaires avec des systèmes de climatisation et de chauffage qui ne seront pas entièrement opérationnels, faute de posséder les puces qui permettent le bon fonctionnement de ces deux systèmes.

Le constructeur américain a affirmé que ces composants seraient envoyés aux concessionnaires plus tard, sous délai d'un an, et que ces derniers pourraient ainsi les installer dans les véhicules des clients après achat. En l'état actuel, la climatisation et le chauffage pourront être activés uniquement depuis le tableau de bord, et non contrôlés depuis les sièges arrière, a précisé Ford, ajoutant que les clients qui achèteront l'un de ces véhicules bénéficieront d'une réduction. L'an passé, General Motors avait déjà vendu des voitures privées de certaines fonctionnalités (recharge de smartphone sans fil, radio haute définition et jauge pour économiser l'essence) à cause de la pénurie de puces électroniques.

Carlos Tavares, patron de Stellantis (fusion du groupe PSA et de Fiat Chrysler Automobiles), a récemment accusé certains industriels de faire des stocks de microprocesseurs et d'aggraver ainsi la pénurie. « Les fabricants m'assurent que leur production dédiée à l'industrie automobile est plus élevée qu'en 2019, or, les fournisseurs de rang 1 souffrent toujours de pénurie, il y a donc quelqu'un qui stocke », confiait-il récemment à La Tribune.

Plusieurs pays ont récemment mis en œuvre des mesures visant à renforcer leur autonomie sur les microprocesseurs : un grand plan d'investissement européen pourrait être adopté prochainement, tandis qu'Intel construit à tour de bras des usines sur le sol américain, avec le soutien de Washington. « Le risque étant de se retrouver avec des capacités de production beaucoup trop importantes dans quelques années, lorsque toutes ces usines auront été construites... », s'inquiète Sarah Guillou.

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