[Article publié le vendredi 22.04.2002 à 9:36 mis à jour à 10:40, puis 14:00 avec Bourses mondiales (en pied d'article) mais avant Wall Street]
Comment resserrer la politique monétaire sans plonger l'économie dans la récession ? Le dilemme de la lutte contre l'inflation galopante aux Etats-Unis reste entier, mais la Fed espère toujours réussir un atterrissage en douceur.
Pour stopper l'érosion du pouvoir d'achat des Américains face à la flambée des prix, et au grand soulagement des investisseurs inquiets de voir leur capital grignoté lui aussi par une inflation record de 7,9% en février (8,5% en mars), la Fed avait donné le signal mi-mars de la sortie de l'argent gratuit en décidant une hausse des taux d'intérêt d'un quart de point de pourcentage (0,25%). Ces taux se trouvent désormais compris dans une fourchette de 0,25 à 0,50%.
Des taux bien inférieurs à l'inflation annuelle dont la hausse pourrait atteindre 9% selon la Fed. Mais le président de la Réserve fédérale a été parfaitement clair sur l'incertitude qui règne autour de cette prévision:
« En fait, nous n'en savons rien, et nous n'allons donc pas compter là-dessus. »
Face à l'incertitude, la Fed laisse entendre qu'elle va frapper fort
Donc, même si elle espère que ce sera là un point culminant suivi d'une décrue, la banque centrale américaine prend ses précautions en laissant entendre hier soir qu'elle pourrait, lors de la prochaine réunion de son comité monétaire, début mai, relever ses taux directeurs plus rapidement qu'elle ne l'avait fait en mars, a-t-elle indiqué par la voix de son président, Jerome Powell.
Une hausse des taux d'un demi-point de pourcentage "est sur la table pour la réunion de mai", a-t-il déclaré lors d'une conversation organisée en marge des réunions du FMI et de la Banque mondiale, où il faisait part des doutes de l'institution et de sa volonté de d'améliorer sensiblement la situation, pour « voir des progrès réels »:
"Nous nous attendions à ce que l'inflation culmine à peu près en ce moment et ralentisse au cours du reste de l'année, puis encore en 2023. Ces attentes ont été déçues par le passé, et maintenant, nous voulons vraiment voir des progrès réels", a-t-il expliqué.
Il en profitait pour mettre l'accent sur un autre facteur à même de remettre l'économie sur les rails en faisant baisser la surchauffe, celui de la remise en ordre des chaînes d'approvisionnement dont le désordre n'a cessé de contaminer l'activité économique depuis deux ans :
"Nous n'allons plus non plus compter sur une amélioration du côté de la chaîne d'approvisionnement", a ajouté M. Powell, bien que cela "serait formidable" et "extrêmement utile pour avoir un atterrissage en douceur", c'est-à-dire pouvoir lutter contre l'inflation sans faire plonger l'économie dans la récession.
La déclaration de Powell fait chuter les Bourses mondiales
Les déclarations volontaristes du patron de la banque centrale américaine (Fed) ont jeté vendredi un froid sur les marchés boursiers aux quatre coins de la planète et ont fait grimper les taux obligataires.
Après les Bourses asiatiques, les principales Bourses européennes ont reculé d'emblée en début de séance vendredi, après les déclarations volontaristes de Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale, confortant le scénario de hausses fortes et répétées des taux directeurs américains.
Rien d'étonnant pour Michael Hewson, analyste de CMC Markets, interrogé par l'AFP, qui rappelle que "pratiquement tous les membres" du comité monétaire de la Fed ont émis l'hypothèse d'une hausse de 50 points de base.
"Le président de la Fed a de nouveau insisté sur l'urgence d'une hausse des taux rapide et effrayé de nombreux investisseurs", commente également Andreas Lipkow, de Comdirect, qui souligne auprès de l'AFP par ailleurs que "la hausse récente (des actions) n'était portée que par quelques entreprises".
La baisse s'accentuait tout au long de la matinée sur les places financières mondiales.
À Paris, le CAC 40 perd 1,14% à 6.638,46 points vers 07h50 GMT (puis -1,49% vers 11H20 GMT) et efface la totalité de ses gains de jeudi. À Londres, le FTSE 100 cède 0,39% (-0,81% à 11h20 GMT) et, à Francfort, le DAX recule de 1,31% (-1,73% à 11H20 GMT). Milan baissait de -1,61% en fin de matinée).
L'indice EuroStoxx 50 est en baisse de 1,37%, le FTSEurofirst 300 de 1,06% et le Stoxx 600 de 0,99%.
En Asie, la Bourse de Hong Kong cédait 0,35%, celle de Shanghai a grappillé 0,23%, et Tokyo a clôturé à -1,63%.
À noter, les places chinoises subissaient aussi les inquiétudes relatives à la situation sanitaire dans le pays, notamment à Shanghai où des millions d'habitants sont toujours confinés, malgré un léger assouplissement mercredi des restrictions.
Jeudi, après une ouverture en hausse notable, les indices de Wall Street se sont retournés après l'annonce de Jerome Powell et ont chuté de -1% pour le Dow Jones à -2% pour le Nasdaq.
Les marchés réagissent donc très vigoureusement à cette option d'une hausse de 50 points de base de l'objectif de taux des fonds fédéraux ("fed funds") dont Jerome Powell dit qu'elle est à l'ordre du jour de la prochaine réunion de politique monétaire (les 3 et 4 mai).
Le scénario d'une série de hausses d'ici la fin de l'été
Pour les investisseurs, la Fed vient de valider implicitement le scénario qu'ils privilégiaient d'une série de hausses d'un demi-point de pourcentage dans les mois à venir.
Après ces propos, les analystes de Nomura ont annoncé tabler sur des hausses de 75 points de base en juin puis en juillet, ce qui constituerait la remontée la plus rapide observée depuis 1994.
Evolution semblable vue par Michael Hewson (CMC Markets, cité plus haut) pour qui les marchés craignent "que la Fed n'aille plus loin et plus longtemps, c'est-à-dire qu'elle procède à deux autres hausses de 50 points de base d'ici la fin de l'été".
Cette perspective influence aussi les anticipations de taux en Europe: les marchés monétaires intègrent désormais un relèvement de 80 points de base des taux de la Banque centrale européenne (BCE) d'ici la fin de l'année.
Les rendements des emprunts d'Etat de la zone euro ont en outre amplifié leur hausse après la publication des premiers résultats des enquêtes PMI de S&P Global, qui suggèrent que la croissance de l'activité du secteur privé en France est au plus haut depuis plus de quatre ans.
Jeudi, après l'annonce de Powell, sur le marché obligataire américain, le rendement des obligations d'État américaines à 10 ans est monté jeudi jusqu'à 2,95%, non loin de son plus haut de trois ans et demi atteint mercredi (2,97%). Celui de l'emprunt souverain allemand a bondi de neuf points de base jeudi, s'établissant à 0,943%. Mais vendredi en début de séance européenne, ils étaient stables.
Tech, luxe et distribution dans le rouge
Dans ce contexte, tous les grands secteurs de la cote européenne évoluent dans le rouge, les replis les plus marqués étant pour les hautes technologies (-2,22%) et la distribution (-2,12%).
Plus grosse baisse à la Bourse de Paris, celle de l'action Kering qui chutait de 6,36% vendredi matin à la Bourse de Paris, après la publication du chiffre d'affaires du groupe de luxe qui révèle des ventes décevantes pour Gucci, selon les investisseurs. La situation sanitaire en Chine a notamment eu un impact.
Dans le sillage de Kering, c'est tout le secteur du luxe qui décrochait: LVMH perdait 2,10%, Hermès 2,95%, Burberry 2,84%, Moncler 3,69%, Salvatore Ferragamo 2,57% ou encore Richemont, qui cédait 3,36%.
Renault, qui montait à l'ouverture, chute à -1,57% vers 11h30, après la chute de 17,1% de ses ventes en volume sur les trois premiers mois de l'année, au plus bas depuis 2009.
Casino, gagnait à l'ouverture 1,37%, le marché saluant le retour à la croissance des ventes sur janvier-mars, grâce entre autre au Brésil, son deuxième marché. Mais le cours repartait à la baisse dans la matinée (à -0,25% vers 11h, heure de Paris).
Le premier éditeur européen de logiciels SAP (-3,22% à 96,20 euros) a fait état d'une hausse de 11% au premier trimestre de son chiffre d'affaires, à 7,1 milliards d'euros. La fin des activités en Russie devrait peser à hauteur de 300 millions d'euros sur les ventes cette année, a précisé l'entreprise.
Du côté du pétrole et du bitcoin
Vers 07H30 GMT, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juin reculait de 0,78% à 107,46 dollars.
Le baril de West Texas Intermediate (WTI) américain pour livraison le même mois perdait 0,67% à 103,10 dollars.
Le bitcoin baissait de 0,60% à 40.390 dollars.
(avec AFP et Reuters)
Bagikan Berita Ini
0 Response to "Augmenter les taux de 0,5% d'un coup ? Avec son option choc, Powell fait chuter les Bourses mondiales - La Tribune.fr"
Post a Comment