Le PDG de Tesla et de SpaceX, Elon Musk, est désormais le premier actionnaire du réseau social Twitter. Des documents publiés le 4 avril par le régulateur de la Bourse américaine montrent que M. Musk a acquis 9,2 % des actions du réseau social, pour une valeur d’environ 2,9 milliards de dollars (2,62 milliards d’euros). Ce rachat, effectué le 14 mars en toute discrétion par le multimilliardaire, a créé la surprise – la valeur de l’action Twitter grimpait d’environ 25 % lundi, avant l’ouverture de la Bourse de New York.
M. Musk, très actif sur Twitter, est l’une des personnalités les influentes sur le réseau social – avec 80 millions d’abonnés, son compte figure parmi les dix plus suivis. Les messages, souvent moqueurs, parfois cryptiques qu’il y publie peuvent entraîner des fluctuations majeures dans le cours d’une action ou d’une cryptomonnaie.
Stratégie d’influence sur les politiques du réseau social
L’annonce a eu d’autant plus d’effet qu’elle semble s’insérer dans une stratégie réfléchie de contestation de la politique actuelle de la direction de Twitter. Le 25 mars, l’entrepreneur polémiste a lancé un sondage : « La liberté d’expression est essentielle au fonctionnement de la démocratie. Croyez-vous que Twitter adhère rigoureusement à ce principe ? » Dans cette consultation sans valeur scientifique, le non l’a emporté à plus de 70 %. Dans la foulée, le fondateur de Tesla a demandé à ses fans ce qu’il convenait de tirer comme conséquences, voire s’il fallait « créer un nouveau réseau social ».
Deux jours plus tôt, il avait demandé si les algorithmes de Twitter devaient être passés en « open source », ce qui rendrait leur code accessible et modifiable. Ces logiciels gèrent notamment l’affichage des tweets jugés les plus pertinents et intéressants, en fonction notamment du nombre de personnes ayant interagi avec. L’utilisateur a toutefois le choix avec l’affichage traditionnel de Twitter, par ordre antéchronologique.
Jack Dorsey, le fondateur de Twitter, qui n’exerce plus aucune responsabilité dans l’entreprise, a souvent également critiqué sa plate-forme et suggéré des modifications. Lui aussi imprévisible et atypique, l’entrepreneur a d’ailleurs répondu à l’un des sondages d’Elon Musk avec la question : « Le choix d’utiliser (ou non) l’algorithme de son choix devrait appartenir à l’utilisateur. » M. Dorsey prône en effet depuis deux ans l’idée d’ouvrir les algorithmes de classement des contenus à des tiers. Ces développeurs, entreprises ou particuliers, pourraient proposer leur version et les utilisateurs de Twitter pourraient choisir l’algorithme de leur choix, dans une sorte de place de marché.
« Censure » et rapprochement avec Donald Trump
Cette prise de contrôle partielle peut aussi avoir d’importantes conséquences politiques aux Etats-Unis, voire dans le monde. Historiquement considéré comme un libertarien proche de la gauche, Elon Musk a graduellement multiplié les signes de soutien plus ou moins discrets à Donald Trump. Début 2021, après la fermeture des comptes Twitter et Facebook de Donald Trump à la suite de l’attaque contre le Capitole, le fils de l’ex-président avait lancé un appel à M. Musk pour qu’il « sauve la liberté d’expression » en « créant un réseau social qui ne soit pas biaisé (en faveur des démocrates) ».
Depuis, Donald Trump a lancé son propre réseau social, « Truth Social », pour l’instant uniquement disponible sur iPhone aux Etats-Unis, et englué dans les problèmes techniques. Les critiques formulées par M. Musk envers Twitter semblent en tout cas rejoindre celles des républicains et de M. Trump envers Facebook, sa filiale Instagram ou la filiale de Google, YouTube : ces géants du numérique ont été accusés de « censurer » les conservateurs, notamment après la suppression, en janvier 2021, du compte de M. Trump, à la suite de messages contestant l’élection, avant l’assaut du Capitole.
« Vu les critiques formulées de longue date par M. Musk envers Twitter et les réseaux sociaux, il était attendu qu’il puisse chercher à construire une plate-forme concurrente, explique Dan Ives, analyste de la banque d’investissement Wedbush Securities. A la place, il semble jeter son dévolu sur Twitter. Nous considérons cette prise de participation passive comme le simple début de conversations plus larges avec les dirigeants actuels de Twitter. Ces échanges pourraient mener à un rôle plus actif et à une prise de contrôle plus agressive de l’entreprise. »
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